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Algérie : Tour Trump et … immeuble Ouchabane (1) !

«On se retrouvera à telle heure devant… mon immeuble ! ». C’est l’expression chic que l’on entend parfois dans nos villes, exprimée par la nouvelle bourgeoisie algérienne. Bien évidemment, ce n’est dit ni en tamazight, ni en darja. Cela ferait trop populaire, voire vulgaire !

C’est un fait, tous les pays dans le monde qui se sont construits durablement par le travail, l’effort, et non par le monopole sur le pompage des ressources du sol et du sous-sol du pays, l’ont fait en symbiose avec une bourgeoisie nationale industrieuse qui participe activement, à côté de l’État, au développement économique et culturel du pays.

Cette évidence n’a, à l’exception des quelques familles qui ne se sont pas dissociées de leur peuple pendant la période coloniale française, jamais été le cas dans notre pays.

Les colonisations successives, depuis l’époque de Carthage jusqu’à la colonisation turque et française, ont toujours créé une classe sociale supérieure pour servir de relais dans l’asservissement de la population et servir ses propres intérêts. Ce type de bourgeoisie est souvent désignée par le vocable de ‘’bourgeoisie comprador’’ (2).

L’indépendance politique de 1962, par le monopole du FLN et de l’État sur les ressources nationales, les moyens de production et toute l’économie et la vie politique, a reproduit cet atavisme plus que millénaire.

Le credo de la nouvelle bourgeoisie relais est incontestable : se substituer au colonisateur,  s’enrichir toujours plus sur le dos du peuple, car dans leur vision, ils ne font pas partie du peuple, et donc plus proches du colon, ou du spectre du colon depuis deux mille ans.

La réflexion de notre linguiste, à la vue de cette immense enseigne lumineuse, ‘’Immeuble Ouchabane’’, qui trôle au sommet d’un grand immeuble de la ville, est sans appel : « c’est la seule référence de nos bourgeois… Ils reproduisent bêtement ce qu’ils voient le soir sur les télés étrangères ! ».

Ce mimétisme caricatural de la ‘’Trump Tower’’ est révélateur de l’état d’aliénation de notre société. Tout est dans la façade, et le plus important n’est pas perçu.

Les bourgeoisies nationales qui se respectent contribuent au développement du pays par la création de richesses, l’élévation du niveau de vie des citoyens, et non la prédation.

Au niveau local, leur signes extérieurs de richesses ne sont pas des signes de domination. Ils sont toujours accompagnés de divers engagements financiers au service de la collectivité (financement de la santé (hôpitaux, dispensaires..), des œuvres sociales et culturelles et surtout de l’éducation (toutes les universités anglaises et américaines ont leur murs de reconnaissance des donateurs pour l’agrandissement, la rénovation, la création de laboratoires, etc. et parfois avec les sommes énormes qui ont été données).

L’exemple à suivre pour nos riches, ou soudainement riches par la volonté de l’import-import et de la fréquentation des généraux sulfureux, c’est de mettre au moins une partie de leur fortune au service de la collectivité, de leur quartier, de leur village,  sans paternalisme et sans calcul pour en tirer des bénéfices électoraux… ou un passeport pour le paradis !

Il y a de multiples domaines où investir efficacement pour le bien de la population, afin de compenser la défaillance des services de l’État.

Certains ont franchi le pas, mais ce sont des exceptions.

On peut déjà entendre la colère du citoyen moyen : «”Démontez ces enseignes hideuses et réparez au moins le trottoir en dessous de votre immeuble pour soulager le budget de la commune de votre ville… si vous vous sentez solidaires de votre ville et de votre pays, bien évidemment !”

Lorsque les colères s’accumulent… le temps du brasier n’est pas très loin.

Aumer U Lamara, écrivain

Notes :

(1) Ouchabane : patronyme fictif.

(2) La bourgeoisie comprador désigne la classe bourgeoise qui, dans les pays dominés, tire sa richesse de sa position d’intermédiaire dans le commerce avec les impérialismes étrangers, par opposition aux bourgeois ayant des intérêts dans le développement de l’économie nationale.

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