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Bassem Abdi : « Asadlis Umdhin Amazigh est la réalisation du rêve de Ammar Negadi »

Asadlis Umdhin Amazigh, littéralement, la bibliothèque numérique amazighe, est une plate-forme culturelle de consultation et de partage de livres numériques qui a vu le jour en 2013. Fruit d’un long travail de collecte et de numérisation de livres rares, le site contient plusieurs centaines de livres numériques en trois langues : Tamazight (tifinagh), arabe et français.

Le concepteur du site, Bassem ABDI, vient récemment de lancer la version 3.0 de la bibliothèque, il revient avec nous dans cette interview, sur la genèse de son projet, son évolution et les nouveautés que contient cette troisième version de AsadlisUmdhin Amazigh.

-Comment vous avez eu l’idée de créer AsadlisUmdhin Amazigh et comment étaient les débuts ?

L’idée m’est venue après avoir constaté que la culture amazighe a pris beaucoup de retard dans le domaine numérique. Internet prend une place considérable dans notre vie, il faut utiliser ce moyen pour promouvoir notre culture.

Le site a vu le jour pour répondre à un besoin, celui de milliers d’internautes qui recherchent des ouvrages relatifs à leur histoire et leur culture. En effet, de plus en plus de nos compatriotes se posent des questions quant à leur origine, à l’histoire et à la culture de leurs ancêtres, confrontés à la rareté des références sur le net, beaucoup finissent par abandonner.

Dans AsadlisUmdhin Amazigh, il y a trois notions, Bibliothèque, numérique et amazighe.Il fallait un seul endroit (Bibliothèque) qui regroupe des ouvrages numérisés (Numérique) relatifs à l’histoire et la culture des (Amazighs). Au départ, j’ai commencé par un travail de collecte de tous les livres éparpillés à droites et à gauche sur le net, afin de les organiser et de les proposer sur une plate-forme unique, l’idée a rapidement évolué pour proposer aux visiteurs de la bibliothèque des livres inédits.

– Vous avez dédié ce site à la mémoire du grand militant Ammar Negadi, pourquoi ce choix ?

Pour plusieurs raisons, Ammar Negadi était l’ami de mes parents, je l’ai rencontré quelques années avant sa mort, c’est une personne qui force le respect par son travail, sa pugnacité et son engagement, il est avec Amar Nezzal-quelques décennies plus tôt-, les pionniers des chercheurs en culture amazighe dans les Aurès.

Ammar Negadi, avait un projet de créer une bibliothèque publique dans les Aurès, cette initiative n’a jamais vue le jour.Avant sa mort, Ammar demanda à Mme Djemaa Djoghlal de finaliser son projet et de faire don de son fonds de livres (1500) livres à l’université de Batna. Asadlis Amazigh est, en quelque sorte, la réalisation du rêve de Ammar Negadi. C’est pour cela que la bibliothèque lui est dédiée.

– Vous citez Mme Djemaa Djoghlal, quel a été son rôle dans la dernière version de la bibliothèque ?

Tout simplement, primordial, sans Mme Djoghlal, la dernière version de la bibliothèque amazighe n’aurait pas vu le jour aussi rapidement et en tous cas, pas avec la même qualité de contenu. Je lui ai présenté le site Asadlis-Amazigh et lui ai demandé son accord afin de sauvegarder numériquement quelques livres, tirés de sa collection privée qu’elle conserve ou du lot destiné à l’Université de Batna. Djemaa a tout de suite accepté l’idée, surtout, que Asadlis-Amazigh rendait hommage à Ammar, avec qui elle avait milité et porté le projet de dons.Elle m’a gentiment prêté une partie de ses livres afin que je puisse les numériser et les mettre à la disposition du grand public. Certains de ses livres sont très rares et ont une valeur marchande qui s’élève à plusieurs centaines d’Euros.

– L’enjeu est de taille, que s’est-il passé ensuite ?

Pour proposer aux visiteurs de Asadlis-Amazigh des livres numériques au meilleur format qui mette en valeur ces livres très rares, il fallait procéder à l’achat de matériel permettant ce type de performance. Pour cette étape plus qu’importante, je me suis fait aider par mes frères, Jugurtha Hanachi, Nadjib Yahia et Fouad Gasmi, nous avons lancé un appel aux dons sur les réseaux sociaux. Opération très réussie puisque nous avons fini par collecter une somme supérieure au budget initialement prévu pour le projet.

Cette opération a suscité un engouement sans précédent, dans un véritable élan de solidarité, des dizaines de personnes à travers le monde, Algérie, France, Suisses, Royaume-Uni et Canada ont répondu à notre appel, chacun selon ses moyens allant de 5€ à 1000€ (versés par un habitant du Canada et qui souhaite garder l’anonymat).Cet appel aux dons m’a permis de comprendre que malgré les difficultés financières, il y a des gens prêts à s’engager financièrement pour contribuer à la réalisation de projets, jugés porteurs pour notre culture.

– En moins d’un an, vous avez numérisé des centaines de livres, cela a dû vous prendre beaucoup de temps ?

236 livres pour être précis, effectivement cela représente beaucoup de temps, j’y ai passé mes congés et presque tout mon temps libre. En effet, chaque livre demande une dizaine d’heures de travail pour le mettre dans un format numérique final, il faut préciser que les 236 livres sont scannés mais pas finalisés. Mais il n’y a pas que les livres, la conception de la nouvelle version du site m’a pris également beaucoup de temps.

– Comment vous envisagez l’avenir du projet culturel Asadlis Amazigh ?

Asadlis amazigh continuera à publier, au fur et à mesure, les livres issus de la bibliothèque de Mme. Djemaa Djoghlal, qui n’ont pas été finalisés numériquement jusque-là. Il y a un projet de scanner la bibliothèque de mon père Saci Abdi, qui contient également beaucoup de livres rares et inédits.

J’espère que ce projet puisse créer une véritable dynamique de partage où les membres scanneront et partageront les livres ou des documents issus de leur bibliothèque avec le reste de la communauté, à condition que nous ayons le droit de les publier.

-C’est-à-dire ?

Le projet Asadlis Amazigh vise à partager la culture, notamment avec ceux qui n’ont pas la possibilité d’avoir les livres que la bibliothèque propose. En règle générale, les livres publiés sont dans le domaine public ou bien sont indisponibles à la vente. Le but de la bibliothèque n’est en aucun cas de nuire aux droits d’auteurs. C’est pourquoi, il est possible à l’auteur, l’ayant droit ou éditeur, de nous contacter pour demander le retrait d’un ouvrage si il n’est pas dans le domaine public ou qu’il soit encore disponible à la vente.

-Un dernier mot ?

J’aimerai remercier toutes celles et tous ceuxqui ont permis la réalisation de cette nouvelle version de Asadlis Umdhin Amazigh « Bibliothèque Numérique Amazighe ».

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