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Nous sommes 100 millions de “khalits” !

Il y a quelques mois, un article du journal électronique Le Matin DZ, nous révélait l’existence d’un nouveau manuel de géographie de première année du cycle moyen, «Selon ce très officiel manuel scolaire de l’éducation nationale, l’Algérie est constituée de 80% d’Arabes, le reste est un “mélange” de Kabyles, de Chaouis, de Mozabites”».

Cette information était passée presque inaperçue dans la presse algérienne. Désintérêt pour tout ce qui concerne notre pays et notre identité, ou révélateur d’une lassitude du peuple envers tout ce qui pourrait venir du ”pouvoir” ?

Dans le contexte actuel du règne de la médiocrité, de l’usurpation et de l’incurie, à l’image du scandale ”Rehmet Rebbi”, plus rien n’étonne. Cette information mérite néanmoins quelques interrogations et observations.

Dans le meilleur des cas, il s’agirait d’une initiative malheureuse de fonctionnaires de l’État algérien, dans un fonctionnement anarchique et non sécurisé, qui auraient pu reprendre sans précautions l’une des absurdités établies et diffusées pendant la période coloniale, dans un but évident, pour fractionner la société algérienne et mettre en œuvre ”la politique algérianiste”, un melting-pot fait d’Alsaciens, de Corses, de Maltais, d’Arabes, de Kabyles, de Mozabites, de Touarègues, etc.

Dans le pire des cas, il pourrait s’agir d’une initiative réfléchie afin de tenter une brèche dans la manipulation de l’identité et de l’histoire de notre pays, et au-delà celle de toute l’Afrique du Nord. Dans le contexte d’activisme de l’arabo-islamisme et du noyautage des rouages de l’État, dont le ministère de l’Education Nationale, c’est une hypothèse fort probable. Il est de notre devoir de la débusquer et la dénoncer.

L’enjeu de cette ”définition” est stratégique : diviser la société algérienne en créant un problème de minorités par l’exploitation des différences linguistiques(*) : les arabophones (plutôt darja-phones) seraient assimilés à des Arabes de souche, les Kabyles, les Chaouis… seraient des minorités venues d’ailleurs !

En suivant ce raisonnement, ces stratèges prépareraient le terrain pour la balkanisation de l’Afrique du Nord, notre immense Tamazgha unie bien avant l’illustre Massinissa, pour en faire un nouveau terrain de conflits. La similitude avec le schéma Israël-Palestine ne serait pas loin de cette démarche, en rejouant la séquence à l’envers, et édifier des murs entre Alger et Tizi Ouzou, entre Oran et Tlemcen, entre Batna et Constantine, entre Ghardaïa et Metlili… Les images de désolation de Syrie, d’Irak et du Yémen nous interpellent plus que jamais.

Dans un contexte international de repliement sur soi et d’édification des murs et des barrières, il est plus qu’urgent d’établir les conditions nécessaires pour un débat serein sur notre nation, afin de nous réapproprier notre histoire commune et construire un grand espace nord-africain de paix et de complémentarité en face de l’Europe unie. Qu’importe alors que nous soyons 100 millions de khalits !

Aumer U Lamara

Référence :

  • Article du quotidien Le Matindz du 16/09/2016 : Les Berbères, ce “mélange” improbable, selon un manuel scolaire !
  • Le ministère de l’Education nationale n’a pas, à notre connaissance, réagi à cette information et retiré ce manuel.
  • La langue darja (dite arabe dialectal, ou arabe populaire) est une synthèse de tamazight, du punique et des parlers arabes hilaliens et autres depuis le 11eme siècle. C’est une langue algérienne.

Nota : pendant la guerre libération nationale, le chef des services de renseignements égyptiens, Fathi El Dib, avait conduit sa stratégie de division des membres de la délégation extérieure de FLN au Caire, en jouant sur le critère racial : identifier les Arabes de souche, pour affaiblir les Berbères. Ainsi Ben Mhidi était devenu pour lui ”Mahieddine El Arabi”. Peu avaient marché dans sa combine, seul Ben Bella avait marché dans la politique du Raïs. On connaît les conséquences.

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