Algérie du peuple ou Algérie des généraux ?

Pendant des décennies, les Algériens ont presque intégré (accepté?) le fait accompli de l’existence de ‘’décideurs’’, un clan (1) non identifié à qui appartiendrait le pays, dont les membres décident de tout et ne sont comptables devant personne !

Depuis février 2019, le mouvement de dissidence populaire a fait exploser le consensus existant entre les différentes branches du clan. Les acteurs et structures de l’État (ministres, walis, procureurs, juges, …) apparaissant alors comme de simples relais, des sous-traitants de ces ‘’décideurs’’ pour organiser le pillage des richesses nationales.

Les règlements de comptes publics entres les ‘’décideurs’’ (arrestations médiatisées de généraux, premiers ministres et ministres, walis, et autres cadres de l’État et des entreprises) mettent en lumière la composition de cette nébuleuse de ‘’décideurs’’ : ce sont les généraux qui détiennent le pouvoir réel et personne d’autre.

Le peuple algérien a même modifié son langage depuis. Que ce soit dans les slogans revendicatifs des marches pacifiques comme dans les débats publics, on ne parle plus de ‘’décideurs anonymes’’ mais des généraux.

Ainsi, les spéculations populaires repartent de plus belle pour qualifier ce centre d’indus-pouvoir. Parmi les généraux, il existerait des ‘’soft-liners’’ (les gentils) qui voudraient lâcher du lest et laisser les civils algériens gouverner leur pays et les ‘’hard-liners’’ (les durs) qui ne lâchent rien et veulent continuer comme avant.

La lutte entre les clans, pour l’instant feutrée dit-on, ne tarderait pas à faire sortir les chars, les avions, les commandos… pour détruire l’Algérie.

L’entêtement actuel des généraux, sous-couvert de respect de la constitution plusieurs fois piétinée, pour organiser d’urgence des élections présidentielles, ne semble obéir qu’à un seul agenda : casser le hirak, disqualifier les initiatives populaires de regroupement, et reprendre en main la situation pour reprendre les affaires pour les prochaines 50 années. Et les supercheries des ‘’panels’’ risquent de continuer pendant longtemps.

Une nouvelle donne dont ils ne tiennent cependant pas compte : il y a plus de 40 millions d’Algériens qui refusent cela.

Un autre explication pour cette précipitation, très plausible, est avancée explicitement par un citoyen : « ils (les généraux) veulent faire élire d’urgence un président qui leur garantira une amnistie et un sauf-conduit pour partir à l’étranger avec leur fortune et leurs familles».

Un dicton dit « quand c’est flou, il y un loup », et dans notre cas, quand il y a précipitation imposée en plus, « il y a une meute de loups ! ».

Regardons ce qui s’est passé et se passe dans le monde. Les généraux et les jeunes officiers portugais ont mis fin à la dictature en 1974, installé un gouvernement civil au bout de 2 ans et mis fin aux guerres coloniales de leur pays en Afrique. Leurs noms sont inscrits au panthéon de l’histoire de leur pays.

Le pays s’est développé à une vitesse inouïe et intégré les standards des pays européens du nord. De l’autre côté, les généraux argentins et chiliens qui avaient instauré une dictature de fer avec des dizaines de milliers de morts et de disparus, ont fini leur vie dans les prisons après des procès humiliants.

Alors, quel est le meilleur choix pour nos ‘’décideurs algériens’’ :  rendre l’Algérie aux Algériens et finir dans l’honneur, ou … ?

Aumer U Lamara, physicien, écrivain

Notes et liens :

(1) clan : mot d’origine écossaise et irlandaise, qui signifie famille élargie, tribu, groupe ethnique, dont les membres sont liés par des liens forts de solidarité…