Les berbères de la haute Moulouya

I – LE POUVOIR ADMINISTRATIF ET JUDICIAIRE

Les pouvoirs administratifs. La djemâa et amghar

L’organisation politique et administrative des tribus de la Haute Moulouya est exactement identique à celle des tribus du Moyen Atlas Central dont nous avons étudié la constitution dans notre ouvrage sur la « Montagne Berbère »[1]. Elle a pour base la Djemâa, c’est-à-dire une assemblée de notables chargée de veiller sur les intérêts de tout ordre de la collectivité dont elle est issue et d’y assurer l’administration de la Justice. Nous rappelons sommairement ci-après les prérogatives de cette assemblée.

Chaque groupement ethnique a sa djemâa formée des plus sages, des plus vertueux, des plus en vue de ses hommes et qui y détient tous les pouvoirs sous le contrôle de l’opinion publique.

Ces groupements sont dans l’ordre ascendant :

Le douar (tiguemmi, pluriel : tigouma) composé de 10 à 15 foyers de 3 à 6 personnes chacun.

La fraction, appelée toulout (tiers), rebâa (quart) ou khoms (cinquième) selon qu’il en existe trois, quatre ou cinq dans la tribu et composée de 4 à 10 douars.

La tribu (taqbilt, pluriel tiqbiline) composée de 3, 4 ou 5 fractions.

Les membres de la djemâa ne sont ni élus ni désignés par leurs concitoyens. Ils accèdent à la fonction et prennent place au conseil de leur douar dès que leurs avis sont plus particulièrement recherchés ou écoutés que d’autres par leur entourage immédiat. Puis, au fur et à mesure que leur notoriété grandit, ils élargissent le champ de leur activité. Avec le consentement tacite de leurs collègues, parfois à leur demande ou sous la pression de l’opinion publique, ils participent d’abord aux réunions de la djemâa de fraction. Puis, de plus en plus sûrs d’eux-mêmes, ils prennent part aux délibérations de la djemâa de Tribu où ils se substituent sans formalités et sans bruit à leurs aînés usés qui se retirent discrètement dès qu’ils ont acquis la conviction que leur présence au sein des conseils est devenue inutile ou indésirable.

Le nombre des membres de chaque djemâa n’est pas limité. Il varie avec le nombre des subdivisions composant le groupement et les ressources de ces subdivisions en hommes de valeur. Souvent aussi il dépend des préoccupations politiques du moment et de la nature des questions soumises à l’assemblée.

En temps de paix quand l’unité politique est parfaite au sein du groupement et quand il ne s’agit de traiter que d’affaires peu importantes, seuls les notables suffisamment fortunés et disposant de loisirs siègent à la djemâa. Mais dès qu’il y a scission ou dès qu’une tension politique crée une menace de guerre contre un groupement voisin, aucun notable influent ne se désintéresse des affaires de la collectivité et aucune réunion ne se tient sans que toutes les subdivisions, toutes les tendances politiques y soient représentées.

Il en est de même dans le domaine judiciaire quand il s’agit de trancher un litige important ou de réprimer un délit grave, djemâa n’entretenant le règle­ment de l’affaire dont elle a été saisie qu’avec l’assistance des représentants qualifiés des subdivisions dont relèvent les antagonistes ou les accusés.

Néanmoins on peut admettre comme règle générale que le nombre des membres de la djemâa (ajemâa, pluriel ijemâane) dépasse rarement 3 à 6 unités dans le douar, 4 à 10 dans la fraction et 10 à 15 dans la tribu, unité suprême dans l’organisation politique berbère dont l’assemblée détient l’exclusivité des relations avec l’étranger constitué par les tribus voisines.

Les exigences de la vie sociale étant journalières et impérieuses, la Djemâa aux têtes multiples ne pouvant assurer en permanence la conduite des affaires du groupement, chaque assemblée choisit dans son sein ou parmi l’élite du groupement un agent qu’elle charge de présider ses débats lors des assemblées et de la suppléer hors des réunions dans toutes les circonstances où elle doit faire l’acte d’autorité.

Cet agent appelé amghar (pluriel imgharène) est désigné et installé solennel­lement dans ses fonctions suivant un rite et un cérémonial que l’on trouvera exposés en détail dans la «Montagne Berbère» déjà citée. Mais ses pouvoirs sont si étendus et son rôle dans le groupement est si important que la coutume désireuse d’éviter toute tentative de domination, fixe à une année seulement la durée de son magharat. Il a en effet qualité pour prendre des décisions au nom de la djemâa chaque fois qu’il le juge nécessaire dans l’intérêt de l’ordre public ou de la sécurité du groupement. Il reçoit les plaintes et les réclamations, procède aux instructions et aux enquêtes et recueille tous les renseignements de nature à éclairer l’assemblée. Il veille à l’exécution des arrêts de la djemâa et perçoit les amendes qu’elle a infligées. En cas de flagrant délit, c’est lui qui juge le délit à charge par lui d’en

informer l’assemblée à la première réunion. En matière politique il est particulièrement qualifié pour traiter avec les groupe­ments voisins au nom de ses concitoyens. Il peut même conclure ou dénoncer des alliances et dans les cas graves et urgents décider de l’ouverture ou de la cessation des hostilités. Bref, son action s’étend à tout ce qui intéresse l’ordre, la morale, le respect de la coutume, la sécurité des personnes et des propriétés, l’honneur du groupement. Il est le super ajemâa au sein de l’assemblée politique, le plus considérable des juges dans l’assemblée tribunal à laquelle il sert à la fois de juge d’instruction, de commissaire de police et de chef de gendarmerie. On comprendra dès lors aisément la répugnance de ces conci­toyens à le laisser longtemps en fonctions : il aurait vite fait de les asservir en faussant leurs institutions.

Il n’existe aucune subordination entre les djemâas des différentes subdivi­sions de la tribu. Chacune d’elles a la latitude de régler à sa guise ou de faire régler par son amghar sous son contrôle et celui de l’opinion publique les affaires n’intéressant que ses propres concitoyens. Mais dès que se présente un litige où se trouvent également impliqués des individus appartenant à un groupement voisin ou dès que surgit une question intéressant l’ensemble du groupement supérieur, la compétence pense automatiquement à la djemâa de ce groupement. Alors, les djemâa des douars s’effacent devant celle de la fraction et celle des fractions devant celle de la tribu.

De leur côté, les imgharène qui, dans la vie intérieure courante de leurs groupements respectifs, n’ont à rendre de comptes qu’à leurs propres djemâa, se subordonnant entièrement aux imgharène des groupements d’ordre supéri­eur dès que la nature des affaires conduit leurs assemblées à s’en dessaisir. Et comme la djemâa saisie et son amghar ont besoin d’auxiliaires pour l’exécution de leurs décisions de tout ordre dans les subdivisions subordonnées, ce sont les Imgharène de ces dernières qui leur servent de répondants (amour, pluriel imourène, ou encore amasai\ pluriel : imasayène) et assurent sous leur respon­sabilité la notification et l’exécution des décisions de toutes sortes et des sentences de justice.

Indépendamment des djemâa permanentes et de leurs imgharène, dont nous venons de rappeler l’organisation et les attributions, les pays berbères voit éclore à chaque instant des djemâa temporaires constituées à l’image des assemblées ordinaires, chaque fois que des hommes appartenant à des grou­pements différents se trouvent réunis en vue de l’accomplissement d’une mission déterminée de quelque importance et de quelque durée : creusement d’une séguia, aménagement d’un chemin, construction d’une passerelle, en­treprise guerrière, etc. Cette djemâa spéciale dont les pouvoirs expirent dès que prend fin le rassemblement qui l’a fait naître, est constituée par un ou plusieurs individus désignés par chaque catégorie de participants en nombre propor­tionné à l’effectif réuni. Elle est pourvue d’un amghar dont, en raison de la diversité des origines des travailleurs ou des guerriers, le nom est tiré au sort. Sa mission est de répartir équitablement la besogne entre les intéressés, de veiller à ce que chacun accomplisse convenablement la tâche qui lui incombe, et s’il y a lieu, de répartir les prises de guerre. En outre, elle réprime les défaillances constatées et règle souverainement tous les différends nés pendant et à l’occa­sion de l’entreprise.

L’amghar, qui a un répondant dans chaque sous-groupement, assure l’exé­cution des ordres et des sentences de la djemâa temporaire et fait office d’agent de liaison entre cette assemblée et la djemâa permanente qui a ordonné le travail ou l’expédition.

Quand il s’agit d’une entreprise spontanée due à la seule initiative des participants et non susceptibles de porter préjudice à des tiers, ou de compro­mettre la sécurité et les intérêts des douars voisins, la djemâa temporaire est absolument indépendante des djemâa permanentes et est libre d’agir à sa guise pour la réalisation du but poursuivi par les moyens qu’elle juge les meilleurs.

Ainsi, il n’est pas de groupement berbère, permanent ou occasionnel, qui n’ait son comité directeur chargé de présider à ses destinées et de régler les conditions de sa vie collective.

Toutefois, les djemâas de douar et de fraction n’exerçant leur action que dans le cadre restreint de leurs subdivisions respectives, la véritable assemblée- type est la djemâa de tribu qui réunit toutes les compétences de la petite république et assume la responsabilité des relations avec l’extérieur. Par suite, c’est à cette assemblée que nous ferons allusion chaque fois que nous écrivons le mot « djemâa » sans le faire suivre d’un nom de subdivision.

Le pouvoir judiciaire – Les arbitres et la djemâa

Les juridictions berbères sont de deux sortes :

Le Tribunal du ou des arbitres,

Le Tribunal de la djemâa du groupement.

L’arbitrage est une forme de justice où ce sont les parties elles-mêmes qui choisissent leurs juges et indiquent s’il y a lieu l’usage particulier suivant lequel elles désirent être jugées.

Basée sur un esprit sincère de conciliation et sur une confiance totale dans les juges choisis, cette forme de justice est considérée comme la meilleure parce qu’elle ne laisse derrière elle ni ressentiment ni haine.

On y a recours même pour le règlement des plus grosses affaires y compris celles concernant les crimes.

Le recours à l’arbitrage est facultatif ; il ne peut se produire que par la volonté concordante des parties. Le droit d’y recourir est formel même quand la procédure se trouve déjà engagée devant le Tribunal de la djemâa. Dans ce cas, la djemâa informée par les parties, se dessaisit purement et simplement de l’affaire.

Le recours à un ultime arbitrage peut avoir lieu également, avec le consen­tement de la djemâa, après le prononcé et avant l’exécution de la sentence de ce Tribunal primitivement saisi. Toutefois, en cas d’échec de ce dernier essai de conciliation, le jugement de la djemâa reprend toute sa valeur et devient exécutoire.

Ordinairement, les litiges sont soumis à l’appréciation d’une seule et même personne prise même hors du groupement et inspirant une égale confiance aux parties. Mais celles-ci peuvent faire choix de deux ou trois arbitres aussi bien que d’un seul.

La décision du premier arbitre n’est considérée comme définitive que lorsque les parties en ont ainsi convenu au préalable par l’une des formules ci-après : «nemmout se flâne» ou «nenouet tagouat gher flâne».

La première de ces formules exprime l’engagement d’honneur de se soumet­tre à la décision sollicitée même si elle implique la mort.

La seconde par laquelle «on plante un piquet (de tente)» chez l’arbitre s’inspire de la vie nomade des tribus et exprime la ferme résolution de ne pas aller plus loin que chez le juge choisi, c’est-à-dire de ne pas interjeter appel de sa décision.

Si cette clause existe, la sentence est immédiatement exécutoire.

Dans le cas contraire, la partie qui succombe peut demander de nouvelles épreuves et provoquer la désignation d’un deuxième, puis d’un troisième arbitre. La décision définitive est alors celle du troisième arbitre même quand elle est différente de celles – concordantes entre elles – des premier et deuxième arbitres.

Sauf convention contraire, le recours à un deuxième arbitre (assouel) im­plique toujours l’intervention d’un troisième, même quand les décisions des premier et deuxième juges sont identiques.

La djemâa-tribunal n’est que la djemâa ordinaire érigée en cour de justice ; elle constitue la juridiction suprême en pays berbère.

Elle a donc le droit de statuer sur toutes les contestations qui lui sont directement déférées, ainsi que sur celles qui n’ont pu être résolues par la procédure de l’arbitrage. De plus elle se saisit d’office des affaires quelles que soient la nature et l’importance dès que l’ordre public dont elle a la garde est en jeu.

Néanmoins, comme il est des affaires qui exigent des connaissances spécia­les, comme d’autre part la djemâa est également une assemblée politique où les passions risquent parfois d’étouffer le droit, elle ne manque pas de s’entourer d’avis autorisés, pris hors de son sein, chaque fois qu’elle le juge nécessaire. Parfois même, elle délègue ses pouvoirs à des arbitres désignés par elle et dont elle se contente d’homologuer les décisions.

La djemâa se réserve cependant la faculté de prendre les mesures conserva­toires qui s’imposent dans chaque cas particulier et d’assurer l’exécution de toutes les sentences auxquelles son homologation donne le caractère définitif.

Qu’il s’agisse d’un Tribunal d’arbitres ou de celui de la djemâa, la procédure est toujours verbale et d’une simplicité extrême. Elle se déroule en public, sur la place du village ou du douar ou tout autre lieu proposé par les parties ou fixé d’office par le juge ou par la djemâa.

La défense des parties peut être assurée au moyen d’« idloukil » (au singulier : loukit) faisant office d’avocats défenseurs, mais aucun plaideur n’est admis à plaider s’il ne présente pas un répondant (ahmil) qui assumera la responsabilité de son attitude au cours des débats, puis celle de l’exécution de la sentence intervenue.

Les frais de justice (el-fesdane) quand il y en a, sont supportés par la partie désignée par le juge, laquelle est en principe celle qui a succombé dans l’instance.

Le soin d’assurer l’exécution du jugement définitif incombe en premier lieu au répondant (ahmil) de la partie qui a succombé. En cas de carence de ce répondant, il doit y être contraint par celui de la partie qui a triomphé. Enfin si les difficultés subsistent, c’est la djemâa elle-même qui intervient en la personne de son amghar et le jugement est exécuté au besoin manu-militari.

Les sentences sont toujours verbales.

La coutume prévoit toutes les sanctions à l’exception de la privation de la liberté. Parmi les plus originales on relève la «tarousi» et la «tanadla».

La tarousi du verbe ers (il est descendu, descendre de cheval) consiste en une descente en cors de la djemâa chez le délinquant en vue de s’y faire traiter aux frais de ce dernier. Quand tous les membres du Tribunal s’en mêlent – et ils sont au nombre de 15 à 20 chaque fois que le coupable est un notable ou qu’il s’agit d’un crime ou d’un délit grave – l’opération est ruineuse. De plus, elle constitue, dans tous les cas un affront cuisant.

La tandela – l’enterrement – est une sanction qui réprime les fautes contre l’honneur, par exemple l’abandon au cours d’une instance d’un plaideur dont on était Youkil, l’inexécution d’un jugement, etc. Dès que le cas se produit, l’individu lésé simule l’enterrement du coupable en édifiant en un lieu fré­quenté, un kerkour de pierres recouvrant un tas de bois (le cadavre) et surmonté d’un petit drapeau blanc. Ce tumulus que l’on désigne sous le nom de «tandelt ou maiouer» (la tombe du parjure) demeure intact tant que l’intéressé n’est pas venu à composition. Lorsque, excédé par ce rappel de sa honte, le coupable consent à revenir à une attitude plus digne, il peut disperser le tas de pierres.

L’Organisation berbère et le fait français

Ainsi qu’on doit l’imaginer, l’organisation que nous venons de voir rapidement ne pouvait pas être intégralement maintenue sous le régime français et elle a subi des modifications profondes. On peut même dire que nous avons doté le pays d’une organisation nouvelle qui marque un progrès considérable sur les anciens errements. Voici cette nouvelle organisation dans ses grandes lignes :

1° – Dans le domaine administratif : la tribu est toujours l’unité organique mais sa djemâa n’a plus qu’un rôle consultatif limité par le Dahir du 21 novembre 1916 aux seules questions se rapportant aux intérêts collectifs du groupement. En outre, Vamghar a été remplacé par un chef de tribu portant le titre de Caïd, comme en pays arabe, et nommé par Dahir de S.M. le sultan. Le caïd est responsable du maintien de l’ordre dans sa tribu. Il préside la djemâa administrative lors de ses réunions. Il signe tous les documents relatifs aux matières dont les textes législatifs et les règlements d’administration publique l’habilitent à connaître.

2° – Dans le domaine judiciaire l’ancienne organisation a été remplacée par la suivante :

Au pénal, le Caïd est juge unique local, mais dans certains cas prévus par la loi, il peut être appelé de sa décision par devant la Section pénale coutumière instituée en Haut Tribunal chérifien siégeant au Dar El Makhzen à Rabat. En outre, le caïd instruit toutes les affaires spécialement réservées à la compétence de cette même section, en particulier celles se rapportant aux crimes et à certains délits graves. Le caïd opère, en toutes circonstances, avec l’assistance d’un contrôleur civil ou militaire, faisant fonctions de commissaire du gou­vernement.

D’autre part, un Tribunal coutumier d’Appel a été créé à Azrou qui connaît en appel de certaines affaires jugées en premier ressort par les Tribunaux coutumiers de première instance de la Région de Meknès, dont fait partie la Haute Moulouya. Ce Tribunal d’Appel est également pourvu d’un contrôleur faisant fonctions de commissaire du gouvernement.

Enfin une Mahakma de Naïb de Cadi a été créée en 1936 à Itzer pour l’application du chrâa chez les Aït Sidi Bou Moussa, Arabes berbérisés fixés en ce point.

3°- Les Tribunaux répressifs institués appliquent en principe la coutume pénale (orf). Lorsque les dispositions de cette coutume sont incompatibles avec l’ordre public, ils s’inspirent du Code Pénal ou d’autres textes français appro­priés.

En matière civile, les litiges sont également jugés d’après la coutume civile (.Izref) sauf en ce qui concerne les Aït Sidi Bou Moussa et certains groupements berbères appliquant le chrâa en matière de statut personnel et de successions.

L’organisation ainsi substituée à l’ancienne djemâa berbère n’est évidem­ment pas sans défauts et elle suscite de temps à autre des critiques souvent justifiées. D’une façon générale on lui reproche de faire la part trop belle au Caïd, promu, à la fois Administrateur et juge, et l’on n’a aucune peine à prouver qu’elle favorise les abus. Aussi, n’a-t-on pas hésité dans certains milieux à préconiser le retour pur et simple au système démocratique des Berbères et à ses élections annuelles. Et par là s’était dessinée dans le ciel marocain une de ces réformes de grand style et grand fracas auxquelles se pays semble périodiquement voué et pas toujours pour son bonheur.

Or, d’une part, les défaillances individuelles ne sauraient justifier la condam­nation d’une institution qui a fait ses preuves hors du Maroc et à laquelle cet Empire lui-même doit déjà beaucoup.

En second lieu, le Caïd, formule chérifienne et française, n’a rien de commun avec l’ancien amghar : c’est un personnage considérable, aux attributions innombrables qui a besoin avant tout d’autorité et de stabilité et dont le choix constitue une de nos prérogatives essentielles et non celles d’une djemâa d’ignorants surtout d’antagonistes.

En ce qui concerne la démocratie berbère, il semble que l’on se leurre un peu trop sur son compte et sur les bienfaits qu’elle peut nous procurer.

D’abord, contrairement à ce que l’on semble croire, le pays berbère n’a jamais connu d’élections; le pouvoir réel y a toujours été détenu par les hommes les plus capables, par des féodaux qui s’en emparaient d’office ou s’en faisaient habilement investir par les Djemâa préalablement domptées. Ensuite l’esprit de concussion régnant en maître chez les montagnards, la mise sous tutelle du Caïd n’eût fait que multiplier les appétits à satisfaire sans apporter aucun soulagement à la masse. Car l’exemple des «djemâas judiciai­res» des Tribunaux Coutumiers, ne nous laisse à ce sujet aucune illusion: chaque fois que des Berbères sont chargés d’une mission collective, ils se surveillent bien mais uniquement pour s’empêcher mutuellement de soustraire au partage une part quelconque des gains et des profits revenant à la commu­nauté. Nous estimons donc que l’on a sagement agi en ne retenant pas la réforme préconisée : elle ne nous eût valu que des déboires.

Quant aux abus relevés à la charge de certains chefs indigènes, nous les connaissons et les déplorons comme tout le monde et nous estimons que tout doit être fait pour y mettre fin. Mais, à notre avis, c’est là une question de contrôle, de statut, de rétribution surtout et non celle d’un bouleversement total de l’ordre de chose établi. Aussi nous contenterons-nous d’exprimer un seul souhait : celui de vouloir « normaliser» bientôt d’une part la situation des Caïds et de leurs Khalifats qui ne sont ni moins méritants ni moins dignes de la sollicitude du Protectorat que les cadis et les adoul auxquels on vient d’accorder un statut d’une équité parfaite ; d’autre part celle de leurs secrétaires et de leurs mokhazenis qui, par leurs perceptions abusives – abusives parce que non réglementées – constituent pour certaines tribus une charge vraiment lourde.

Qui sait si la solution de ce grave problème ne se trouverait pas dans l’institution de centimes additionnels au tertib que les tribus acquitteraient certainement avec joie s’ils devaient mettre fin aux sollicitations journalières auxquelles elles sont actuellement soumises et qui défient tout contrôle.

II. LE DROIT COUTUMIER BERBÈRE

Des sources du droit berbère

Lorsque l’on demande à un berbère s’il est musulman, il prend un air offensé et répond sur un ton sincèrement indigné: «et pour qui me prenez-vous don?». Si, cédant un peu plus à la curiosité on lui demande qu’elle est la loi qui le régit, il répond avec une hésitation à peine perceptible : « chrâa nenbi » (la loi du Prophète). Mais qu’il ait un conflit avec un voisin, qu’il ait une question de succession à résoudre, il ne songe même pas que des tolba existent dans son voisinage qui pourraient le tirer rapidement d’affaire, le livre de Dieu en main, et va tout droit au vieux de son village à qui il demande de lui appliquer « abrid lejdoud», le chemin, la loi, la coutume des ancêtres.

Cependant, on commettrait une lourde erreur si, confiants en certaines apparences, on attribuait cette résistance de la coutume au chrâa, à la tiédeur de la foi chez les Berbères. On se tromperait non moins lourdement en ne voyant dans cette résistance que l’expression de l’hostilité réelle ou supposée des Berbères à l’égard de tout ce qui est arabe, la langue du Prophète comprise. Pour nous, les Berbères parce qu’elle est simple et à portée d’illettrés, parce que née de la volonté populaire, ils en sont les maîtres absolus, parce que, enfin, à l’encontre de la loi coranique, elle est essentiellement modifiable et perfectible. Quand il devient nécessaire de réviser un principe ou une règle de droit qui a cessé de convenir, la djemâa du groupement intéressé se réunit, une discussion s’engage et la décision est proclamée d’abord au sein de l’assemblée, puis sur le marché de la tribu. S’il s’agit d’un usage intéressant plusieurs groupements, ce sont les djemâas de tous ces groupements qui se réunissent, en discutant et décident. On agit de même chaque fois qu’il se présente un cas grave non prévu par lejdoud (les aïeux) et la décision adoptée sert de règle pour l’avenir et s’incorpore à la coutume après avoir subi sans encombre, l’épreuve décisive du temps. Les Berbères disposant ainsi d’un statut conforme en tous points à leurs aspirations et accessible au plus modeste d’entre eux, s’il n’y a pas lieu à notre avis de chercher d’autres causes à la fidélité dont ils font preuve à l’égard de ce statut.

Comme dans toute la Berbérie marocaine, le droit berbère en Haute Mou- louya se fonde sur trois sources :

– Uizref dénommé également «abrid lejdoud», c’est-à-dire l’ensemble de la coutume générale, des grands principes qui régissaient l’existence des ancê­tres et continuent de régir, nonobstant certaines modifications des règles d’application, la vie publique de la présente génération.

– L’« orf » qui représente dans chaque tribu, fraction ou douar les modi­fications successives apportées à la coutume générale pour mettre celle-ci en harmonie avec les besoins particuliers du groupement intéressé : il correspond à peu près à l’expression : « usage local » et porte presque exclusivement sur la répression des crimes.

3°- Le Coran, texte sacré, immuable, à peine connu, qui règle tout ce qui a trait à la foi, aux rites religieux et, dans certaines tribus seulement, au régime successoral.

Cette classification ne doit cependant pas être prise à la lettre. Uizref et Y orf ne se transmettent généralement que par tradition orale, il est souvent impos­sible de faire à chacun d’eux la part exacte qui lui revient dans la coutume observée dans la même tribu.

D’autre part, chaque tribu s’étant constitué un droit particulier générale­ment oral que ses fractions et douars ont à leur tour accommodé à leur guide pour leur usage interne, il en résulte une multitude de dispositions qui se choquent, se contredisent et compliquent étrangement tout essai de synthèse.

Les difficultés subsistent même quand, par exception, un chapitre de Yorf a été confié au papier avec cette abondance de détails puérils et cette virtuosité d’imprécisions qui caractérisent les écrits des tolba des campagnes.

Quant au chrâa, certaines fractions lui ont bien fait des emprunts, sous l’influence des îlots arabes locaux et des fqih qui pullulent dans la contrée, mais le geste accompli et proclamé parfois avec ostentation, les intéressés n’ont eu qu’un souci: berbériser au plus tôt la loi coranique, en éluder toutes les obligations comportant quelque danger pour certaines vieilles traditions ou pour l’intégrité du patrimoine foncier de la famille. C’est ainsi, par exemple que dans la fraction des Aït Oufella, des Aït Mguild, la femme n’hérite de son mari que si la tente du « de cujus » ne comporte pas de mâle apte à en devenir le chef. C’est ainsi également que dans toutes les fractions dites de chrâa, sauf chez les Aït Iseg, le bit el mal, c’est-à-dire l’État qui intervient légalement au 12e degré après extinction des héritiers réservataires ou agnats, est remplacé par le protecteur du défunt.

Pour toutes ces raisons, ce que nous disions tout à l’heure au sujet de la classification des sources de droit berbère est à retenir ; cette classification sera peut-être fondée un jour mais pour l’instant, faute de frontières bien nettes, elle est purement théorique.

Qu’il s’agisse d’izref ou d’orfs particuliers, les coutumes de la Haute Mou- louya s’inspirent d’un certain nombre de préoccupations ou de sentiments dont le point central paraît être la puissance du groupe social représentant ici la Nation, c’est-à-dire la tribu. Née du danger de guerre qui était permanent, cette prédominance de l’intérêt collectif sur les intérêts privés trouve cependant son expression dans une série de particularités juridiques d’un caractère nettement progressif et libéral. C’est que – l’on l’a déjà dit ailleurs – le droit du groupe qui s’est substitué un droit privé primitif est moins implacable, plus conciliant, plus humain. C’est également que la nécessité d’être forts et unis pour la défense ou pour l’attaque ne s’accommode d’aucune tradition dissolvante, encore moins de la férocité des anciennes représailles qui, en exigeant une tête pour une tête, amputaient parfois le groupe de ses meilleurs guerriers et perpétuaient la haine au sein de la communauté. Aussi, est-ce sans étonnement que l’on relève dans la coutume actuelle une certaine humanisation de la pénalité et, de la part des juges, une sensibilité et des délicatesses absolument inattendues chez des hommes aussi rudes. Quant au sacro-saint droit de vengeance qui ensanglante encore si souvent la Kabylie, il y a longtemps qu’il ne s’exerce plus que dans les cas extrêmement rares où le meurtrier se refuse à offrir la compensation pécuniaire prévue par la coutume ou à solliciter son pardon suivant le rite fixé.

Dans certaines Tribus (les Aït Yahia par exemple) il est même formellement interdit à la famille de la victime de se faire directement justice quelle que soit l’attitude du meurtrier.

Quoi qu’il en soit, le droit coutumier berbère est si étendu et il est appliqué de tant de manières différentes suivant les tribus qu’il ne saurait être question de donner ici, en détail, la coutume de tous les groupements de la contrée. Pour être complètement édifié à ce sujet, il faut recourir aux «coutumiers» qui existent dans tous les Bureaux d’Affaires indigènes du pays et servent de guides pour le contrôle de la justice berbère locale.

Ces coutumiers, dus pour la plupart à notre admirable corps d’Officiers Interprètes dont nous avons heureusement fait la cheville ouvrière de nos services de justice, ont parfois exigé de leurs auteurs des années entières de travail acharné. La tâche fut d’autant plus ardue que la collaboration des membres des tribunaux coutumiers fut, dans la plupart des cas, nulle. Mais le but poursuivi a été, néanmoins atteint et nous sommes, d’ores et déjà, en possession d’instruments de contrôle extrêmement précieux. Les juges berbères eux-mêmes y trouvent leur profit et les « chouf el kounnache » (consulte le livre le coutumier) dont ils accablent les commissaires de gouvernement à chaque cas embarrassant, constituent pour l’œuvre réalisée, le meilleur des hommages. Aussi considérons-nous comme un devoir d’exprimer publiquement notre gratitude aux modestes artisans de cette œuvre, au premier rang desquels figure M. le Capitaine Coudino, commissaire du gouvernement au Tribunal coutumier d’appel d’Azrou, qui, par sa connaissance parfaite des choses berbères, ses travaux et son incessante action sur les juridictions régionales du premier degré, assure à nos institutions coutumières le plus éclatant des succès.

Ce devoir rempli nous allons passer en revue quelques dispositions essen­tielles du droit civil et du droit pénal berbères avec l’espoir que, malgré leur caractère sommaire et fragmentaire, les éléments réunis donneront au lecteur un aperçu suffisant des coutumes de la Haute Moulouya.

Le droit civil

a. De la condition des personnes

Quelle que soit leur condition sociale, les Berbères jouissent à l’intérieur de leurs tribus respectives des mêmes droits civils. Hors des limites de leurs tribus, ils sont juridiquement étrangers les uns par rapport aux autres et bien souvent ennemis. Cette règle est absolue même à l’intérieur des confédérations et sous- confédérations de tribus.

Le Berbère majeur est le chef de sa tente (almessi) ; il dispose donc à sa guise du personnel qui la compose ainsi que de tous ses biens meubles et immeubles. Ses prérogatives dans ce domaine ne connaissent que deux atténuations : il ne peut consentir aucune aliénation d’immeubles au profit d’un individu étranger à la tribu avant d’y avoir été expressément autorité par la djemâa. Cette restriction n’existe cependant pas chez les Ait Izdeg où le droit de chefâa n’est pas admis.

Quand le chef de tente estime insuffisant le personnel masculin qui l’entoure, il peut soit adopter purement et simplement un jeu homme ou un adulte auquel il attribue une part plus ou moins importante de ses biens : c’est Yisegmi ou dans certaines tribus Yamzaïd; soit accueillir chez lui un protégé qui, en échange de l’hospitalité dont il devient le bénéficiaire, apporte à son protecteur le concours de ses bras : c’est l’Amhara. Les droits et les devoirs de Yamzaïd et de l’Amhara sont toujours précisés dans un contrat verbal ou écrit passé devant la djemâa.

Le Berbère qui désire quitter sa tribu sans esprit de retour conserve néan­moins la jouissance de ses propriétés. S’il veut ensuite revenir il n’est astreint à aucune formalité.

L’étranger qui veut entrer dans une tribu doit, pour y être admis, sacrifier une brebis en l’honneur d’un des notables du groupement et obtenir sa protection, son mezrag. Il devient alors P«outikhsi» de ce notable (de tikhsi = brebis) et jouit des mêmes droits que ses nouveaux concitoyens sauf en ce qui concerne les acquisitions immobilières qui en principe ne lui sont permises sans réserve que chez les Aït Izdeg. En outre son témoignage en justice n’est admis que lorsque certaines conditions qui varient d’une tribu à l’autre se trouvent remplies.

La femme berbère est, en matière de statut personnel, toujours sous la puissance d’un homme : père, tuteur, mari, fils ou plus proche parent mâle (acib) qui assume la responsabilité de la représentation éventuelle de la dot. Dans les tribus régies par le chrâa, elle hérite ; dans les autres elle est exclue des successions. Son témoignage en justice n’est admis que lorsqu’il s’agit de parfaire des témoignages masculins numériquement insuffisants ; dans ce cas il faut deux témoignages féminins pour un témoignage masculin. En outre la femme berbère ne prête valablement serment que dans les litiges la concernant personnellement. Par contre en matière de contrats, autres que celui du mariage, elle peut dès qu’elle est en quelque sorte émancipée par une première union acquérir pour elle-même, vendre, donner quittance, transiger et même, en cas de divorce ou de veuvage, devenir chef de tente ou s’adjoindre, avec l’autorisation de la djemâa, un amant-homme d’affaires qui, sous le nom d’amazzal, la secondera dans la gestion de ses intérêts. Si donc la capacité civile de la femme n’est pas totale, elle est suffisamment étendue pour lui procurer une personnalité juridique certaine.

La femme berbère qui épouse un étranger continue, s’il y a lieu, d’être exclue des successions. L’étrangère qui épouse un berbère suit la condition de son mari. Cette question de mariages mixtes entre personnes d’origines et de régimes successoraux différents ne manque d’ailleurs pas de susciter quelques difficultés, les tribus appliquant le chrâa répugnant à donner à leurs filles à héritage dans des tribus qui ne leur assurent pas de réciprocité.

b. Du mariage

Le mariage berbère est soumis à des règles et à des rites variés qu’il est sans intérêt de rappeler ici. Nous nous contenterons donc d’indiquer les disposi­tions coutumières essentielles qui le régissent.

En pays berbère, le mariage est un des rares actes solennels de la vie. La présence d’un fqih à sa célébration est fréquente mais elle n’est obligatoire que chez les Aït Yahia.

Chez les Aït Youssi, les Irklaouene et les Aït Arfa, la jeune fille vierge peut être contrainte d’accepter le mari qui li est présenté par son père ou son tuteur légal. Il en est de même chez les Aït Arfa pour la femme veuve ou divorcée et dans toutes les tribus pour la jeune fille vierge que son plus proche parent mâle désire unir à un amhares. Dans tous les autres cas, le consentement de la femme est indispensable.

Bien entendu, il s’agit ici de dispositions de la coutume ; dans la pratique la contrainte ne s’exerce que très rarement, même à l’encontre de la jeune fille, car « wenna our tri tmettout our iwwil », l’époux que n’aime pas sa femme n’a pas – moralement – le droit de se dire marié.

Au surplus, sauf en ce qui concerne la toute jeune fille, la licence des mœurs est telle que c’est généralement l’intéressée elle-même qui présente et fait agréer son prétendant.

Le versement d’une dot (atig, ou littéralement prix d’achat) est facultatif même dans les fractions qui sont soumises au régime du chrâa où il devrait pourtant être une des conditions essentielles de la validité du mariage. Toute­fois, les mariages sans dot sans assez rares : ils concernent généralement des filles ou des femmes privées de toute parenté mâle directe et qui se marient suivant leur inclination.

Sont également facultatifs: 1° – le trousseau de la mariée (aroukou) qui se compose de linge de corps, de couverture, de tapis et de bijoux et est à la charge du mari sauf chez les Aït Oumnsaf (Béni Mguild) où il est fourni par la famille de la mariée ; 2° – les menus cadeaux en espèces ou en sucre et thé qui, sous le nom de rechouet doivent être remis par le mari au tuteur ou au plus proche parent de la femme qui « a aplani les difficultés » au cours des pourparlers du mariage.

La dot, lorsqu’elle est due, consiste généralement en espèces, exclusive­ment, mais il peut également y entrer du bétail et des immeubles. Elle est en principe versée ou remise au représentant légal de la femme avant la consommation du mariage, mais dans certaines fractions, le montant initial peut être partiel. Dans ce cas, le versement du reliquat doit s’effectuer dans le délai d’un mois au plus, pour les Aït Mouli et les Aït Bouguemane, d’une année au plus pour les Aït Aria et les Irklaouene, et d’un laps de temps variable pour les autres tribus.

En cas de divorce, le rechouet est acquis, le trousseau retourne à la famille qui l’a fourni, à l’exception des vêtements ou des objets mis hors d’usage au cours de la vie commune. Quant à la dot, diminuée s’il y a lieu de la valeur de Y aroukou, elle est représentée au mari soit en une fois au moment du divorce (Aït Messaoud) ou au moment du remariage de la femme (Aït Arfa, Aït Mouli et Aït Bouguemane) soit en deux fois, la moitié au moment du divorce, l’autre moitié au moment du remariage (Irklaouene et Aït-Ougadir). Les Aït Bou- guemane exigent cependant que le versement s’effectue dans un délai maxi­mum d’une année, que la femme se soit ou ne se soit pas remariée.

Cette mesure avait pour but dans l’esprit de ceux qui l’ont prise d’empêcher des amants de frustrer l’ancien mari de sa créance en vivant indéfiniment en simple concubinage. Mais le délai fixé ayant néanmoins paru trop long, il a été décidé en outre que tout concubinage d’une durée supérieure à 30 jours avec une divorcée non libérée équivaudrait à un remariage et entraînerait les mêmes conséquences juridiques.

Chez les Aït Mouli, la dot n’est pas remboursée en cas de décès de la femme ou si celle-ci ne parvient pas à se remarier.

c. De la dissolution du mariage

La dissolution du mariage berbère peut avoir pour causes: la mort, le divorce ou l’absence.

La mort n’a de conséquences juridiques que sur la situation de la femme lorsque c’est elle qui survit ; celle-ci doit observer une retraite de continence de 4 mois et 10 jours. À l’expiration de ce délai et si elle n’est pas enceinte elle reprend sa liberté, son tuteur légal répondant s’il y a lieu de sa dot et de son trousseau envers les héritiers de son mari. Si elle est enceinte, elle ne peut se remarier qu’après sa délivrance.

Le divorce chez les Aït Bouguemane, les Aït Youssi et les Aït Abdi (Aït Arfa, Irklaouene, Aït Mouli) ne peut intervenir que par la seule volonté du mari qui a le droit de répudier sa femme (oulouf) dès qu’elle a cessé de lui plaire, et sans être tenu de justifier autrement sa décision. Chez les Aït Messaoud et les Aït Ougadir, le consentement de la femme est indispensable, sauf dans le cas de flagrant délit d’adultère.

La répudiation produit son effet immédiatement, notamment en ce qui concerne la reconstitution de la dot et du trousseau (,lefra, libération) opération dont nous avons indiqué plus haut les modalités. La retraite de continence de la répudiée n’est que de trois mois chez les Aït Bouguemane et les Aït Mouli.

La femme répudiée trois fois, consécutivement, par le même mari ne peut être épousée de nouveau par lui, mais il peut la reprendre à titre de concubine. Il en est de même de la femme répudiée par la formule « talaq talat» qui équivaut à trois répudiations consécutives par le même homme.

Le mari qui soupçonne un ou plusieurs individus d’avoir poussé sa femme à l’insoumission, peut, en divorçant, interdire à la répudiée de se remarier avec l’un d’entre eux. Ce droit est appelé Yadhad, le doigt, par allusion au geste par lequel l’intéressé désigne le ou les coupables. Il ne peut s’exercer que contre trois individus à la fois pour la même femme. Chez les Aït Ayache, l’interdit peut racheter le droit de convoler moyennant le versement à l’ancien mari de la somme de 2 600 francs.

Chez les Aït Youssi, le mari peut dans certains cas particulièrement graves exiger du prétendant à la main de son ex-femme soit la remise d’un chien (pour l’humiliation de la femme ainsi échangée contre cet animal), soit l’accomplis­sement de la formalité dite du tas de fumier. Cette formalité consiste en ceci : l’ex mari s’étant assis avec des amis à proximité d’un petit tas de fumier, le prétendant doit prendre de ses mains ce tas de fumier et le transporter, sous les sarcasmes, à l’endroit qui lui est assigné.

Bien entendu, ces deux exigences sont trop cruelles pour être courantes, mais le fait qu’elles sont prévues par la coutume prouve que les Aït Youssi connais­sent la force de l’amour.

Les enfants existant au moment du divorce appartiennent au mari, mais la répudiée conserve auprès d’elle jusqu’au sevrage celui ou ceux d’entre eux qui sont encore au sein.

La femme berbère qui a à se plaindre de son mari n’a qu’un droit : celui de se mettre en état d’insurrection, de fuir le domicile conjugal (<ahraq). Elle se réfugie alors chez ses parents obligeant ainsi son mari soit à la répudier soit à lui donner une preuve d’attachement en négociant son retour auprès de lui. Pendant la durée de son insurrection son entretien est à la charge des parents qui l’ont accueillie sauf chez les Aït Raho Ou Ali et les Aït Ben Yacoub des Aït Arfa où les frais sont mis à la charge du mari chaque fois que celui-ci fait preuve d’indifférence et laisse tramer l’affaire dans le but de mortifier la récalcitrante.

L’insurgée peut avant de rentrer chez son époux être pourvue d’un obser­vateur (nadir) choisi par elle parmi les hommes respectables du douar de son mari et agréé par celui-ci. Le rôle du nadir est de surveiller discrètement le ménage et de renseigner éventuellement la djemâa sur les torts respectifs des conjoints. Son avis, en cas de nouveau conflit, est décisif.

L’absence (ighibet) ne fait l’objet d’une réglementation ferme que chez les Aït Arfa, Aït Bouguemane, Aït Mouli et Aït Youssi. Dans les trois premières tribus, la djemâa autorise d’office le remariage de la femme laissée sans ressources, lorsque l’absent n’a pas donné signe de vie pendant deux ans. Chez les Aït Youssi, cette autorisation est accordée après un an. Dans toutes les autres tribus, les droits de l’absent subsistent en principe tant que la certitude de son décès n’a pas été acquise mais sa famille doit pourvoir à l’entretien de la femme abandonnée, le tout sous réserve du droit d’apprécia­tion de la djemâa, lequel est souverain.

Les enfants de l’absent sont confiés à son successible le plus proche dès que la mère a déclaré ne plus pouvoir en assurer la charge ou, pour les Aït Arfa, Aït Bouguemane, Aït Mouli et Aït Youssi, dès que le divorce d’office a été prononcé. Les enfants qui sont encore au sein demeurent chez la mère jusqu’au sevrage et même, pour les Aït Bouguemane et les Aït Mouli jusqu’à ce qu’ils soient en état de manger des aliments solides. Dans ce dernier cas, la femme peut exiger d’être accueillie et entretenue par le successible le plus proche jusqu’au jour où elle recouvrera sa liberté.

Chez les Aït Messaoud, l’enfant même né plusieurs années après le décès du mari, non suivi du remariage de la veuve, appartient de droit à la famille du défunt. Cet enfant est réputé être demeuré endormi dans le sein de sa mère (iamjoune).

Chez les Aït Ougadir la coutume est identique mais elle n’est appliquée que si la veuve a déclaré au moment du décès de son mari être enceinte de ses œuvres.

Dans les deux tribus, si la veuve se remarie, l’enfant qui naît pendant cette nouvelle union ne peut être réclamé par la famille du premier mari au-delà d’un délai d’un an après la mort de ce dernier.

En outre toute veuve supposée enceinte ne peut se remarier si elle ne prouve au préalable qu’elle ne l’est point. Cette preuve implique le serment de l’intéressée, celui d’une autre femme habitant la même tente, plus 23 serments d’homme chez les Aït Ougadir et 10 chez les Aït Messaoud.

En pays Aït Abdi (Aït Arfa, Irklaouene, Aït Mouli) la veuve qui se déclare enceinte le jour même du décès de son mari doit fournir un commencement de preuve en passant sous la civière sur laquelle repose le mort en attendant son transfert au cimetière. La grossesse peut alors avoir une durée indéfinie, mais si l’enfant naît au-delà du terme normal, la famille du défunt doit, pour être admise à en prendre possession, produire 50 ou 25 serments suivant que le nouveau-né est un garçon ou une fille.

d. Des successions

Elles se règlent en principe conformément aux règles du chrâa sauf en ce qui concerne les Aït Bassou (Aït Arfa) et les Aït Hamama (Irklaoumene) qui appliquent Yizref pur. Toutefois l’application des règles successorales corani­ques n’est intégrale que chez les marabouts Aït Sidi Bou Moussa qui ont été pourvus sur leur demande d’un Naïb de Cedi. Dans les autres groupements qui s’y disent soumis, de nombreuses entorses y sont faites qui procèdent toujours de la même préoccupation : sauvegarder dans toute la mesure du possible l’intégrité du patrimoine foncier de la tribu. Aussi, doit-on admettre comme principe que l’héritier étranger au groupement ne reçoit sa part d’immeubles qu’après avoir pris l’engagement de se fixer définitivement dans le douar où il s’est créé des droits par le mariage ou l’adoption.

L’application de Yizref implique l’exclusion totale de l’élément féminin. Les mêmes héritent dans l’ordre de priorité suivant :

1°- Le fils,

2° – Le petit-fils,

3° – Le frère,

4° – Le grand-père,

5° – Le frère consanguin,

6° – Les oncles paternels,

7° – Les cousins de la ligne paternelle,

8° – Le fils adoptif (amzaid),

9° – Le « rif » le plus proche (par le sang et par les mâles),

10° – Le douar (tiguemmi),

11° – La sous-fraction (tighest),

12° – La fraction (ighes),

13° – La tribu (taqbilt).

Aucune part n’est spécialement déterminée en faveur de ces successibles ; ils héritent suivant la qualité de leurs concurrents.

Quel que soit le mode de partage pratiqué, l’actif d’une succession se compose de tous les biens meubles et immeubles laissés par le défunt, déduction faite :

1° – des dettes contractées de son vivant par le « de cujus »,

2° – des frais funéraires s’ils ne sont pas supportés par le principal héritier,

3° – des dons et legs régulièrement consentis par le défunt jusqu’à concur­rence du tiers disponible,

4° – des dots de femmes dont le défunt était dépositaire au titre des filles ou des parents mariées par lui de son vivant.

e. Du droit de retrait d’indivision (Chefâa)

En droit coutumier comme en droit musulman, le droit de retrait d’indivi­sion est «le droit de tout co-propriétaire indivis de reprendre des mains d’un acquéreur étranger en le rendant indemne, ce que lui a vendu un autre co­propriétaire » (Sidi Khalil).

La différence entre les deux lois porte sur la diversité des retrayants co­propriétaires ou autre, ainsi que sur certaines modalités d’application.

On peut cependant admettre, en gros, que l’action du retrait appartient à tous les co-propriétaires, chacun en proportion de sa part de propriété dans l’immeuble indivis, la couture accordant toujours la préférence à l’homme lorsque celui-ci se trouve en concurrence avec une femme.

En cette matière également la pensée dominante des Berbères est d’empêcher les communistes d’introduire au sein de la communauté familiale des éléments étrangers.

Le droit de retrait s’exerce dans toutes les Tribus de la Haute Moulouya, sauf les Aït Izdeg où le particulier est libre de vendre sa part de propriété à qui lui plaît. Aux dires des intéressés, cette liberté épargne à leur tribu des discussions sans fin et des désordres que Yorf ne parvient pas toujours à réprimer. En outre, elle introduisait naguère, au sein de la communauté familiale des éléments étrangers.

Le droit de retrait s’exerce dans toutes les Tribus de la Haute Moulouya, sauf les Aït Izdeg où le particulier est libre de vendre sa part de propriété à qui lui plaît. Aux dires des intéressés, cette liberté épargne à leur tribu des discussions sans fin et des désordres que Yorf ne parvient pas toujours à réprimer. En outre, elle introduisait naguère, au sein du groupement, des éléments étrangers qui en augmentaient la force.

Les délais prévus jadis pour l’extinction du droit de retrait étaient généra­lement longs et variaient d’une tribu à l’autre et même, dans certains cas, d’une fraction à l’autre. Depuis la pacification et l’organisation du pays, les djemâas subissant l’influence de nos méthodes, accusent une tendance très nette à les unifier et surtout à les écourter. Elles invoquent dans ce but d’une part, la publicité officiellement donnée aux transactions immobilières, d’autre part la facilité et la rapidité des communications instituées. Malgré ces excellentes raisons, le progrès, dans ce domaine, n’est encouragé par les autorités fran­çaises qu’avec beaucoup de circonspection, car des intérêts importants sont souvent en cause auxquels participent parfois des mineurs sous tutelle ou des absents et dont nos djemâas n’ont pas encore appris à se soucier dans toute la mesure nécessaire.

f. De la législation de Veau

La question de l’eau étant capitale en Haute Moulouya, notamment dans la partie orientale de la contrée, elle est soumise à des usages parfaitement connus qui semblent remonter très loin dans le temps.

Avant la pacification du pays, la possession de l’eau courante était surtout une question de force. Quand un groupement désirait détourner l’eau d’une rivière vers ses cultures, il se portait en armes vers le lieu choisi pour la dérivation (ougoug), exécutait le travail mais laissait à un amghar nterwa (amghar de la seguia) le soin de veiller au respect du tour d’eau convenu entre les participants. Les infractions commises étaient réprimées par cet amghar qui gardait pour lui le montant des amendes infligées, sa seule rétribution. Aucune modification ne pouvait être apportée au régime de la canalisation ou au tour d’irrigation établi sans une délibération de la djemâa des usagers. En cas de transaction l’eau suivait habituellement l’immeuble traversé par elle mais dans certaines fractions comme les Aït Raho Ou Ali et les Irklaouene, elle pouvait se vendre séparément.

En ce qui concerne les puits et les kottara qui appartenaient également à des individus ou à des groupements déterminés, les usages étaient les mêmes, Yamghar n’existaient naturellement que pour les eaux collectives.

Aujourd’hui, la répression des infractions entre dans la compétence du Caïd Chef de Tribu à qui Yamghar n’terwa signale les faits délictueux dès qu’il en a connaissance. D’autre part, il a été admis qu’en principe aucune séguia nouvelle ne serait créée sans autorisation de l’Administration. Malheureuse­ment la confusion qui a régné durant l’époque des opérations de pacification a été mise à profit par les tribus fixées dans la partie haute des cours d’eau pour se créer de nouveaux droits, au détriment des tribus fixées en aval. De là des conflits incessants que chaque été fait revivre d’autant plus violents et compli­qués que les intéressés rattachés à des contrôles différents font preuve d’un égoïsme et d’une mauvaise foi incroyables. Les litiges de cet ordre ne pourront être définitivement réglés que par l’application au moment propice de la législation spéciale instituée par le protectorat.

g. Des divers contrats de la vie courante

Les règles auxquelles sont soumis les contrats de tout ordre de la vie courante, ne représentent aucune particularité intéressante.

h. De la preuve en matière de Dr

En Haute Moulouya, la preuve est administrée : par écrits de tolba (el kouaghed), par témoins (inagane), par co-jureurs (imguilla),

les populations étant illettrées, il n’existe pas encore d’actes sous-seing privé.

Les écrits de tolba, malgré leur caractère sommaire, constituent chez les Aït Yahia la preuve par excellence. En pays Béni Mguild, ils ne sont retenus en justice que si parmi les témoins qui s’y trouvent énumérés, il en est encore de vivants pour en confirmer la teneur. A défaut de ces témoins, et s’il y a doute sur l’authenticité du document, son détenteur doit parfaire la preuve en produisant 10 serments.

Le nombre de témoins exigible dans tout litige varie d’une tribu à une autre et dans chaque tribu, suivant leur moralité. En principe ils doivent être au minimum 3 et au maximum 12. Mais plus le nombre produit est faible, plus leur moralité doit être irréprochable pour l’emporter. La djemâa, a, à cet égard un droit d’appréciation souverain.

En pays Aït Yahia, les témoignages quel qu’en soit le nombre et quelle que soit la qualité de leurs auteurs, ne l’emportent jamais en matière de contesta­tion de propriété immobilière (our a teddoune igrane n ’inagane) – les champs ne sauraient changer de propriétaires sur de simples témoignages.

Les femmes ne sont admises à témoigner que pour parfaire les témoignages masculins numériquement insuffisants ; dans ce cas il faut deux témoignages féminins pour un témoignage masculin.

Les témoins peuvent être récusés quand les raisons invoquées sont admises par la djemâa.

Le serment « tagallit» ou encore « lheq er-Rebbi », la part, la justice de Dieu, est la ressource suprême des juges en l’absence de preuve ordinaire suffisante. Il est dû dans certains cas par la partie qui nie la chose dont l’existence est affirmée sans preuve par la partie adverse; dans d’autres par la partie qui affirme le fait, à titre de complément de preuve. Il est déféré en même temps à un certain nombre de proches par la partie intéressée qui deviennent des imguilla (co-jureurs).

Le nombre des co-jureurs, en matière de droit privé est au maximum de 10. Ils sont en principe désignés par la partie à laquelle est déféré le serment et sont dits «tama», c’est-à-dire co-jureurs ordinaires. Si les familles des parties en présence sont liées par un pacte de fraternité {tada) la moitié d’entre eux est désignée nominativement par la partie qui défère le serment ; ces co-jureurs de choix parmi lesquels l’accusé est toujours compris sont dits «nagrane». Lorsque le nombre des co-jureurs imposé n’est pas divisible par deux, le dernier est rangé parmi les tama ou les nograne après tirage au sort. Dans les litiges mettant en cause soit la femme, soit l’enfant, soit le champ, les co-jureurs sont toujours au nombre de 10 et toujours de la catégorie nograne qu’il y ait ou qu’il n’y ait pas de tada.

Les co-jureurs sont pris dans le douar de la partie qui a à prêter serment et en cas d’impossibilité, dans le douar voisin le plus proche par le sang. En ce qui concerne l’étranger protégé, son douar lui doit l’assistance du serment comme à ses membres ordinaires. L’étranger non protégé prête serment seul.

Ceci posé le nombre des co-jureurs en pays Béni Mguild (droit privé) est déterminé dans chaque cas, d’après l’échelle ci-après :

/ Entre membres du même douar (tiguemmi) : tous les parents mâles quel qu’en soit le nombre jusqu’à concurrence de 10

/ Entre membres de la même sous-fraction (tighest) appartenant à des douars différents :

/ Entre membres du même douar et membres des autres douars de la sous- fraction: 10

/ Entre membres de la même fraction (douars différents: 10

/ Entre membres de fractions ou de tribus différentes: 10

Les co-jureurs peuvent être récusés quand les raisons invoquées dans ce but sont admises par le djemâa.

En prévision de ces récusations, les absences momentanées et des empê­chements de toutes sortes, les nograne sont souvent désignés en nombre légèrement supérieur à celui qui est nécessaire.

Le proche de la partie qui doit le serment ne peut être désigné comme nograne quand il a déposé contre elle au cours du procès.

Le serment est généralement prêté d’une des manières suivantes :

  1. sur le Coran (tolba entre eux seulement chez les Béni Mguild),
  2. sur le tombeau d’un saint local,
  3. dans une mosquée,
  4. sur un fusil (Aït Izdeg),
  5. sur un burnous (Ait Izdeg).

Le tombeau du saint et la mosquée choisis pour une prestation de serment doivent être situés sur le territoire de la tribu ou, en tout cas, à une distance qui n’excède pas pour les intéressés une journée de marche, aller et retour. Assistant à la cérémonie les parties et leurs répondants, ceux-ci responsables de l’ordre.

Les co-jureurs se présentent au jour et à l’heure fixée à la porte du sanc­tuaire ; la partie en cause prête serment dans la forme qui lui a été imposée par le ou les juges, puis fait place à ses compagnons. Ceux-ci ne répètent pas la formule : ils jurent simplement « qu’ils passent là où leur frère est passé », ce qui ne les compromet guère mais est jugé suffisant.

Le serment prêté sur un fusil, prend d’après M. Okbani Mohammed, interprète civil à Midelt, le nom d’assouref II est employé chez les Aït Izdeg, lorsqu’un meurtre ou la violation d’une trêve oppose deux tribus. Dans ce cas, la partie bénéficiaire du serment se couche sur le côté, tenant d’une main un fusil chargé, le coup prêt à partir. La partie à qui incombe le serment l’enjambe et un à un, ses co-jureurs font de même. Si les jureurs ont dit la vérité le coup ne part pas; s’ils ont menti, le coup part tout seul et les hostilités commencent.

Quelquefois chez les Aït Izdeg et toujours d’après M. Okbani, les deux parties se mettent d’accord pour prêter serment sur un burnous. Ce mode de prestation de serment porte le nom de ousigh-ak azennar. On opère alors de la façon suivante : la partie bénéficiaire du serment enlève son burnous et l’étend par terre. L’autre partie et ses co-jureurs soulèvent l’effet ensemble et le remettent au propriétaire en disant à celui-ci : «noussi-ak-azennar-ou-moutel» ce qui signifie : nous nous chargeons de ce burnous de péchés, autrement dit nous prenons à notre charge autant de péchés que pourrait en contenir ce burnous, les péchés dans l’esprit de ceux qui jurent ainsi étant matérialisés.

Ne jurent sur le livre saint (moshaf) que les tolbas en procès entre eux.

Dans les autres circonstances, le taleb prête serment comme le vulgaire.

On ne défère pas serment aux gros personnages et aux igourramène.

Lorsque le nombre des co-jureurs produit est insuffisant ou lorsque l’un d’entre eux ou un nograne refuse de jurer, la cause est entendue et le tribunal adjuge les conclusions de la partie qui a déféré le serment.

Le serment n’est jamais déféré en plusieurs sanctuaires successifs.

Les femmes ne jurent que lorsqu’elles nient un fait qui leur est personnel­lement imputé.

Le droit pénal

a. Principes

Le droit pénal constitue la partie essentielle de Yorf de chaque groupement. Il se présente généralement sous la forme d’un tarif des réparations dues aux membres du groupement à raison d’un dommage subi par eux. Il repose sur un certain nombre de principes que nous allons nous efforcer de dégager.

Nul n’a le droit de se faire justice soi-même tant que les moyens de conciliation n’ont pas été épuisés.

En cas de meurtre volontaire, le premier devoir du meurtrier est d’aller se réfugier dans une autre Tribu :

  1. pour se soustraire à des représailles qui, suivant immédiatement son geste, ne seraient pas sans excuse ;
  2. pour donner à ses proches la possibilité de négocier dans une atmosphère de calme, l’arrangement de l’affaire par le paiement de la dia (prix du sang).

Chez les Aït Yahia, le meurtrier qui refuse de fuir peut être tué par ses frères, mais il est interdit aux parents de la victime de se venger sur le meurtrier ou un des siens.

La position du meurtrier en fuite est celle de el houdjat qui semble signifier : les représailles. On dit de lui: «ezzâant-el-houdjat», les (menaces de) repré­sailles l’ont chassé (de son pays). Bien entendu, aujourd’hui le meurtrier ne fuit plus ; il est incarcéré dès que possible et son acte est déféré au Haut Tribunal chérifien (section pénale coutumière) pour jugement.

En cas de meurtre involontaire, le meurtrier n’est pas astreint à la fuite mais ses proches doivent immédiatement entamer la procédure de conciliation.

Quelle que soit la nature du meurtre, son auteur doit, après aboutisse­ment des pourparlers, sacrifier un mouton en l’honneur de la famille de la victime et offrir à cette famille un taureau.

Pour la fixation du montant de la dia, les éléments déterminés sont la qualité et le sexe de la victime. La dia d’un fœtus masculin ou d’un esclave affranchi est égale à celle d’un homme adulte. Celle d’une femme, d’un fœtus féminin ou d’un esclave non affranchi est égale à la moitié d’une dia que si la victime était sous la protection d’un Berbère; mais même dans ce cas, le montant de la dia est indéterminé. La dia d’un hermaphrodite est égale à la moitié d’une dia d’homme augmentée d’une demi-dia de femme.

Pour le paiement de la dia, qui a lieu dans les détails variant de 1 à 3 années, suivant les tribus, le meurtrier a droit dans certains groupements connus à l’assistance de ses frères qui prennent à leur charge une part plus ou moins importante de la somme à payer. Les règles actuellement observées à ce sujet chez les Béni Mguild sont les suivantes :

  • Ait Mouli et Aït Bouguemane. La tribu paie la totalité de la somme due par le meurtrier n’intervenant que pour une part.
  • Irklaouene, Aït Ben Yacoub (Aït Arfa) : le meurtrier paie 1 /4, sa fraction le reste.
  • Aït Ougadir et Aït Messaoud : Dans certaines fractions le meurtrier paie 1/ 4, son douar le reste; dans d’autres, le douar paie la totalité, le meurtrier n’intervenant que pour une part. Dans ce dernier cas, la somme est répartie de la façon suivante entre les intéressés : un tiers au prorata du nombre des tentes du douar, un tiers au prorata du nombre de ses hommes adultes ; un tiers au prorata du nombre d’animaux possédés par chacun des propriétaires du bétail.

En cas de preuve imparfaite, des serments sont déférés à l’accusé au nombre de 50 pour un homme ou une victime assimilée et de 25 pour une femme.

Dans le groupe Aït Ougadir-Aït Messaoud, la moitié de ces co-jureurs est dans tous les cas, choisie et désignée nominativement par la famille de la victime (,noqrane); dans le groupe Aït Arfa, Irklaouene, Aït Mouli, Aït Bouguemane, ce choix n’est de droit que lorsque les familles opposées sont liées par un pacte de fraternité.

b. Blessures, injures, vols, incendie, etc

Les réparations dues pour blessures, injures, vols, incendie, etc. font l’objet dans chaque tribu, ou groupe de tribus d’une tarification minutieuse qui ne laisse aucune prise à l’arbitraire.

Celles dues pour blessures faites à la figure, aux bras, aux mains ou aux bas des jambes sont majorées lorsque la victime est une femme.

En pays Aït Yahia, d’après l’Interprète Lieutenant Rabia, quand il y a blessure au visage avec effusion de sang, l’indemnité est fixée de la façon suivante. Un an après la blessure, un homme étranger au groupement et ne connaissant pas le blessé lance une pierre, le coude collé au corps. Le blessé va se placer à l’endroit où la pierre est tombée. Si de cet endroit l’étranger distingue la blessure, on compte le nombre de pas qui le séparent du blessé et chaque pays est payé deux moutons et une chèvre. Dans le cas contraire, l’étranger s’avance en direction du blessé jusqu’à ce qu’il distingue la blessure et l’on évalue l’indemnité comme ci-dessus.

Dans certaines fractions l’incendie est assimilé au meurtre pour la détermi­nation du nombre de serments à fournir par l’accusé.

Comme il ne saurait être question d’indiquer les « orfs » de toutes les tribus étudiées ici, nous reproduisons ci-après Yorf d’une fraction Aït Yahia, recueilli et traduit par l’interprète Lieutenant Rabia Zine du Bureau de Tounfite.

c. Fragment de droit pénal des Aït Slimane (Ksar de Louggouagh)

Les membres de la djemâa des Aït Slimane, réunis au Ksar de Louggouagh, que Dieu qui a recommandé l’entente et a réprouvé la discorde les gratifie d’un jugement sain et resserre les liens qui les unissent, en ce temps où le bien est si rare et le mal si fréquent.

Ont fixé et arrêté pour la bonne administration du Ksar de Louggouagh les règles ci-après :

Quiconque tuera un habitant du ksar de Louggouagh devra immédiatement quitter le pays.

Il devra égorger un veau et un mouton aux parents de sa victime.

Ses enfants auront le choix et pourront soit rester dans le pays, soit le quitter pour suivre leur père.

Le frère de la victime qui frappera un frère du meurtrier sera condamné à une amende de trois cents réaux dont deux cents aux frères de la victime et cent à ses protecteurs, à parts égales entre eux.

Quand des gens de la tribu se battront et qu’il y aura effusion de sang, le cheikh de la Tribu interviendra pour les séparer et les réconcilier.

Ils seront ensuite traduits devant la djemâa qui rendra une décision sans appel en tenant compte de la gravité de la blessure.

Personne n’aura le droit de manifester son mécontentement, que la peine infligée soit minime ou sévère.

Celui qui tuera quelqu’un et qui refusera de quitter le pays par esprit d’indiscipline sera chassé par ses protecteurs mêmes qui lui feront payer en outre cent réaux par nuit passée après notification de l’expulsion.

La moitié de cette somme reviendra aux parents de la victime et l’autre moitié à ses protecteurs.

Si son protecteur ne réussit pas à lui faire quitter le pays, tous les protecteurs du douar devront l’y aider.

Aucune peine ne leur sera infligée s’ils le tuent.

Quand deux personnes se battront, le cheikh interviendra pour les séparer.

Celui qui recommencera sera condamné à payer dix réaux d’amende, à moins qu’il ne prouve s’être battu pour une raison autre que la première.

Dans ce dernier cas, et en l’absence de preuve, il devra prêter serment assisté de dix co-jureurs.

Quand deux ou plusieurs personnes se battront et qu’il y aura effusion de sang, le cheikh devra intervenir pour les séparer. Et si l’un d’eux frappe l’autre avant huit jours accomplis, il sera condamné à huit réaux d’amende.

Celui qui frappera quelqu’un, lui cassera une jambe ou un bras, devra lui verser une indemnité de vingt-cinq douros, lui égorger une brebis et lui fournir sa nourriture quotidienne. Cette nourriture sera une livre de beurre tous les huit jours et du grain : maïs, blé et orge dans la proportion d’un tiers de chaque espèce.

Trois brebis au maximum lui seront égorgées pour cette blessure. Si le nombre des brebis est supérieur à trois, il sera réduit de la dia que le coupable devra payer.

Les gens de bien fixeront la durée de l’incapacité de travail dans la huitaine qui suivra la blessure et la décision qu’ils prendront sera souveraine.

Quiconque frappera une femme et provoquera chez elle une blessure externe sera condamné à lui payer une indemnité de vingt réaux.

Quiconque frappera un homme et lui fera une blessure externe sera condamné à lui payer une indemnité de dix réaux.

Si l’agresseur est un étranger, la victime mettra une pierre sous son aisselle et en jettera une autre de la main restée libre. Elle ira ensuite se placer à l’endroit où la pierre est tombée. L’étranger s’en ira alors vers sa victime en marchant. La victime comptera le nombre de pas qui ne devra pas être supérieur à vingt-cinq.

Chaque pas sera payé un demi-réal.

Quiconque giflera un homme lui versera un indemnité de cinq mitqal.

En cas de rixe dans un groupe de gens où se trouveraient des hommes et des femmes, c’est aux gens de Yorf à fixer la peine encourue par chacun d’eux.

La décision qu’ils prendront sera toujours exécutoire.

Quand un homme tuera une femme, il sera tenu de verser à ses héritiers la moitié d’une dia.

Quand une femme tuera un homme, elle sera tenue de verser trois cents réaux à raison de cent par an. Dans le cas où celle-ci ne pourrait pas le faire, son fils ou ses plus proches parents mâles seront contraints de faire ce versement.

Quand un homme tuera sa femme, il devra verser au père de celle-ci, à son fils ou à ses plus proches parents mâles une indemnité de cent réaux.

Un cheikh en fonction accusé de viol sur la personne d’une fille vierge ou d’une femme déflorée ne sera pas poursuivi parce qu’il est considéré comme un homme digne de confiance. Dieu seul sera son juge.

La responsabilité du propriétaire d’une bête de somme prêtée à un contri- bute ne sera pas engagée si cette bête frappe et tue l’emprunteur.

La bête même sera le prix de sa dia.

Si cette bête casse une jambe ou crève un œil à quelqu’un, la peine prévue sera celle fixée ci-dessus, mais après preuve testimoniale, ou par serment.

Le nombre des serments à fournir par la victime ou ses parents sera de quarante.

S’il n’y a que blessure, le nombre de serments sera de vingt.

Les co-jureurs seront pris parmi ceux qui seront présents dans la contrée comprise entre Tighermine et Massou.

Quiconque quittera le pays pour une destination lointaine ne sera pas tenu de rentrer pour prêter ce serment.

Les co-jureurs seront les plus proches parents suivant la règle des dévolu­tions successorales.

Le propriétaire de la bête n’égorgera qu’un taureau et un mouton.

Quiconque frappera quelqu’un et lui cassera les dents sera jugé par les gens de l’orf qui le condamneront comme bon leur semblera.

Quand les dents seront déracinées, chacune d’elles sera payée deux réaux et une brebis.

En cas de déni de celui qui a frappé, la victime fera la preuve en lui donnant cinq serments.

En cas de viol d’une femme mariée et mère d’enfants, l’agresseur devra payer au mari de celle-ci vingt-cinq douros.

En cas de répudiation à la suite de ce viol, l’agresseur devra verser à la femme trois douros.

En cas de déni de l’agresseur, le mari devra lui fournir dix serments.

En cas de viol d’une vierge et de déni de son agresseur, le père devra fournir dix serments et l’agresseur sera tenu de donner en son honneur la fête due aux vierges, à l’époque des mariages en tribu. Après quoi la femme violée rejoindra le domicile de son mari, si elle est mariée.

En cas de viol d’une femme déflorée, l’agresseur devra donner une fête en son honneur à l’époque des mariages.

En cas de déni de l’agresseur, la femme lui fournira des serments.

Quand un chien mordra une personne et provoquera une incapacité de travail, les gens de Yorf seront saisis de l’affaire et prendront une décision souveraine.

Si la personne mordue meurt, le propriétaire du chien sera condamné à payer la dia après dix serments prêtés par les parents de la victime.

La dia est fixée par Yorf de la tribu.

Quand un propriétaire aura un mur délabré et qu’il sera invité par les gens du ksar à le démolir, s’il ne l’a pas fait et qu’il y a eu par la suite accident de personne, les dommages seront dus par lui seul.

La dia d’un voleur tué pendant qu’il opérait sur un troupeau aux pâturages, sur une meule, sur des récoltes ou des caravanes sera payée par toute la tribu.

Il en sera de même s’il n’a été que blessé.

Le taux de cette dia a été fixé anciennement par la coutume du pays.

Si la somme à payer est supérieure au taux de la dia, l’excédent est payé par le meurtrier.

Quiconque quittera le pays à la suite d’une mauvaise action, se fixera hors du territoire Aït Yahia et y commettra une autre faute, en supportera seul les conséquences.

Ses frères seront hors de cause.

Si quelqu’un le tue, sa dia ne sera pas réclamée par ses contributes.

Ses biens seront vendus par ses frères chaque fois qu’il y aura à dédommager sa victime après que celle-ci aura prêté serment par dix au sanctuaire de Sidi Yahia ou Youssef.

L’orpheline lésée portera son affaire devant le cheikh du pays qui est son répondant légal.

Celui-ci fera toute diligence utile pour lui faire rendre justice.

Si elle s’adresse à la Djemâa des Aït Moussa Ou Athmane elle devra verser dix réaux au Cheikh de sa tribu.

En cas de refus de paiement, son acib sera contraint de payer pour elle deux réaux au cheikh de leur tribu et huit à leurs protecteurs.

Les dettes de celui qui fuira le pays Aït Yahia seront payées par ses frères restés dans le pays.

Le remboursement du produit d’un vol dans une tente quelconque sera à la charge des frères du voleur chaque fois que la chose volée aura été dilapidée.

En cas de bataille rangée entre les gens de Louggouagh d’une part et les gens de Tighermine et Massou d’autre part, les indemnités dues aux blessés incom­beront aux frères de celui qui a frappé, solidairement entre eux.

Il en sera de même s’il y a eu mort d’hommes.

Pour ce dernier cas, tous les frères du meurtrier devront quitter le pays.

Un débiteur sera seul responsable de ses dettes.

En cas de mort, ses frères ne seront pas poursuivis en paiement de ses dettes.

Quiconque sera razzié par une tribu voisine ne pourra pas se faire justice lui- même. Il s’en remettra à la Djemâa de Louggouagh seule qualifiée pour mener les pourparlers et lui faire rendre justice.

Les frais de réception officielle du Cheikh seront supportés solidairement par tous les gens du ksar sans tenir compte de la fortune.

La dia de quiconque sera mordu par un chien et mourra des suites de cette morsure est à la charge du propriétaire du chien.

Les parents de la victime devront lui fournir quarante serments.

En cas de blessure seulement, c’est l’indemnité prévue pour les blessures qui sera payée.

L’adolescent qui frappera et blessera un adulte sera condamné à l’indemnité prévue par la coutume pour la blessure et l’incapacité de travail.

L’adulte qui frappera un enfant sera passible d’une amende de quatre mitqal.

Quand un étranger adulte sera tué par un homme de la tribu, sa dia sera touchée par ses parents, et son hôte et protecteur touchera le prix de Y«ar» (honte).

Les Aït Ahmed Ou El Hadj, les Aït Ayach, les Aït Messaoud, les Aït Taleb seront considérés comme gens du pays.

Quand un homme frappera un individu et lui cassera un doigt ou un orteil, la peine encourue est celle fixée par Yorf Aït Yahia.

Quiconque répudiera sa femme ne lui devra la pension alimentaire que si elle est enceinte.

Les délibérations prises par les notables du pays dans l’intérêt général seront irrévocables.

Quand ils mettront un contribute dans l’obligation d’acheter un cheval ou un fusil, ou de se rendre dans tel pays et qu’il se refusera à exécuter les ordres, il sera passible d’une amende dont le montant est laissé à l’estimation du cheikh.

Quiconque parmi les répondants frappera le cheikh du pays sera passible d’une amende de cinquante douros dont vingt à la victime et trente aux autres répondants (imour).

Quiconque pratiquera un jeu du hasard sur l’ensemble du territoire Aït Slimane sera passible, chaque fois qu’il y aura un témoignage oculaire d’une amende dont le taux est laissé à l’estimation du cheikh.

Un répondant en fonctionne qui quittera ses fonctions pendant son mandat sera condamné à cinquante douros d’amende par nuit jusqu’à ce qu’il reprenne ses fonctions.

Le cheikh qui se démettra de ses fonctions sera passible d’une amende de cent douros par jour après les six jours qui suivront sa démission et ce, jusqu’à ce qu’il reprenne ses fonctions.

Une rezza, signe de l’autorité, ne devra quitter la tête d’un cheikh que pour être mise sur la tête d’un autre cheikh.

En cas de viol d’une femme mariée, divorcée ou vierge, son agresseur devra dans les trois jours qui suivront l’agression, lui égorger une brebis, passé ce délai, il sera condamné à une amende journalière de vingt douros dont la moitié au cheikh et l’autre moitié à ses répondants.

Passé ce délai de cinq jours, il sera condamné à une amende journalière de quarante douros.

Toutes ces décisions ont été prises en présence et avec l’assentiment des notables ci-après dénommés qui se sont engagés à les faire observer dans leurs douars respectifs :

Ahmed ou Ben ohcaine, pour les Aït Hammou,

Achibane pour les Isferhane,

Assou ou Moha pour les Aït Said Ou Ali,

Ali ou Yacoub, pour les Aït Ohcaïne ou Hammi,

Khemjane N’Ait Massout, pour les Iedjane,

Haddou N’Ait Haddou, pour les Aït Lahcene ou Majoub,

Oudeiche, pour les Aït Kadji,

Larbi et ses frères, pour les Aït Khadja,

Haddou et Assou, Bouazza et Mimoune ou Alla, pour les : Aït Alla, les Aït Zemmou et les Aït Taleb,

Hammou ou Kherrou, pour les Aït Kherrou,

Ali ohcaine N’Ait Khadja, pour les Aït Athmane,

Hammou ou Souho, pour les Aït Bou Hayat.

Fait et passé en présence des notables : Ali ou Massout, Idir ou Daho, Alo ou Driouche et le Cheikh Ouchibane.

Rédigé par tefquih Mustafa.

Pour traduction certifiée conforme à l’original :

L’interprète-lieutenant Rabia

Saïd Guennoun

Notes:
[1] Éditions du Comité de l’Afrique Française, 21, Rue Cassette, Paris 1929 (lre édition); Éditions Omnia, Rabat 1933 (2e édition).
Cette étude a été initialement publiée dans la revue Études et Documents Berbères, 18, 2000 : pp. 155-182