Lamiggiga l’antique Thassarient

Située à 26 km de Batna, la ville de Thassarient (Sériana) est sise au flanc du djebel Lamtaras . L’emplacement qu’occupe aujourd’hui la ville était appelé dans l’antiquité «Lamiggiga».
En 1893, les autorités coloniales donnent le nom de Pasteur à la ville.

Ecclesia Lamiggigensis
Depuis longtemps on connaissait, par les documents ecclésiastiques du Ve siècle ,l’existence en Numidie d’une Ecclesia Lamiggigensis , peut-être même, suivant un usage dont on rencontre fréquemment la trace en Afrique, y avait-il dans la province deux villes de ce nom.
Les sources historiques évoquent une requête (petilio) adressée au pape Grégoire le Grand par deux diacres de Lamiggiga, qui dénonçaient les écarts de conduite de leur évêque Argentius . En plus de cet Argentius, le procès-verbal de la Conférence de Carthage en 411 évoque un autre  Argentius  , un évêque Donatiste de Lamiggiga .

Stéphan Gsell rapporte la découvert d’une  inscription tracée en caractères libyques [1], c’est une preuve que ce lieu était habité bien avant la venue des romains.
Le christianisme fut adopté avec ferveur par les habitants de toute la région. S. Gsell a découvert de nombreux ruines   de basiliques et des chapelles, datant, pour la plupart, du IVe et Ve siècle. Sous Septime Sévère Lamiggiga devait être une Respublica dépendant de Diana Veteranorum ( Zana) .

Dans la ville, il subsiste aujourd’hui , les ruines de trois églises, construites côte à côte, et de dimensions à peu près égales dans l’une d’entre elles, qui mesure 26 m de long sur 15 de large, on distingue les restes de deux colonnades en pierre. Qui séparaient la nef des bas-côtés, les petits piliers étaient dressés qui limitaient le cœur, du tabernacle portés par quatre colonnes qui couvraient jadis l’hôtel en bois, et au fond, de la grande abside arrondie où se tenait le clergé.

Lamiggiga face aux  envahisseurs, byzantins, arabes et turcs
L’esprit rebelle des habitants de la Bellezma ne s’est jamais démenti. Les byzantins durent bâtir une importante forteresse dans la région. Les souverains Aghlabides ont utilisé cette même forteresse à la fin du IXe siècle, pour mater les insurrections de ses farouches montagnards.

Un des princes de la dynastie Aghlabide est venu, raconte S. Gsell, les combattre, « avec une armée de 40 000 hommes ; mais les rebelles, retranchés sur la Mestaoua, ont réussis à déjouer tous ses efforts, et, peu après, ils le battirent devant la citadelle de Bellezema » [2].
Au milieu du Xe siècle, les populations se révoltent contre les souverains Fatimides, ces derniers décident d’envahir la région et détruisent Zana (Diana Veteranorum). Nous ne savons pas si Lamiggiga a été également détruite, ou si elle fut abandonnée.
Plus tard, les turcs ont  placé une garnison dans l’ancien le fort byzantin après l’avoir restauré.

Le buste de Louis Pasteur au centre de la ville


Période de la colonisation française

En 1864, une colonne expéditionnaire s’est rendue dans le village de Thassarient et le détruisit ; le marabout fut arrêté et envoyé en Corse avec quelques-uns de ses disciples.
Dans ce lieu stratégique, les autoritées françaises décident de bâtir un village colonial , qui porta d’abord , le nom de Sériana . Ce fut seulement au mois de novembre 1893 que le gouverneur général de l’Algérie décida de lui donner le nom du scientifique français Louis Pasteur .

Voici la lettre que M. Cambon écrivit à cette époque à M. Pasteur :

« Monsieur, Voulant témoigner la reconnaissance particulière qui vous porte l’Algérie pour les immenses services que vous avez rendus à la science et à l’humanité dans vos belles et fécondes découvertes, j’ai décidé que votre nom serait donné au village de Sériana, située dans l’arrondissement de Batna, département de Constantine.
Je suis heureux d’avoir pu rendre ce faible hommage à votre illustre personne.
Veuillez agréer, Monsieur, l’assurance de ma haute considération
CAMBON ,
Alger le 20 novembre 189 »

Louis Pasteur lui répondra , cinq jours après:

«  Paris, le 25 novembre 1893.
Monsieur le Gouverneur Général,
Vous m’avez fait le très grand honneur de m’annoncer par votre lettre du 20 novembre, que vous aviez décidé de donner mon nom au village de Sériana, située dans l’arrondissement de Batna, département de Constantine. J’éprouve une émotion profonde à savoir que, grâce à vous, mon nom restera attaché à ce coin de terre. Lorsqu’un enfant de ce village demandera l’origine de cette dénomination, je souhaiterais que l’instituteur il apprit simplement que c’était le nom d’un français qui avait beaucoup aimé la France, et quand la servant de son mieux il avait pu contribuer au bien de l’humanité.
La pensée que mon nom pourra éveiller un jour dans l’âme d’un enfant le premier sentiment de patriotisme me fait battre le cœur. Je vous aurais dû dans ma vieillesse de cette grande joie.
Je vous remercie plus que je ne saurais dire et je vous prie de bien vouloir agréer, Monsieur le Gouverneur Général, l’assurance de ma haute considération
Louis Pasteur »

L’étymologie du nom Lamiggiga / Seriana
Le nom Lamiggiga, contient le radical Lam, qui se retrouve très fréquemment dans les toponymes de la région : Lamtaras (montagne qui domine la ville) , Lambaese (Lambèse) , Lamasba (Thamarwent/ Merouana) , Lambafundi, Lambiridi , Lampsili, Lamsortii, Lamzelli, , Lemellef  ect . Même si la signification du préfixe Lam a été longtemps discuté, il n’existe pas aujourd’hui   une explication unanimement admise.
Dans le Bulletin  de la société de géographie d’Alger et d’Afrique du nord (1903) , on peut lire sur la signification du mot Sériana : « il nécessaire de  rappeler que le mot de Seriana est un mot berbère qui en Tameshaq signifie la migration de troupeaux ( transhumance ) déplacement  saisonnier des troupeaux d’un pâturage à un  autre . Les imouhag écrivent S.RLA.N et prononcent Seriana »[3].

Jugurtha Hanachi

Note :


[1] Pasteur : un village en Algérie . Stéphane Gsell
[2] ibid
[3]Bulletin de la société de géographie d’Alger et d’Afrique du nord (1903)