Marvine Howe, dans les Aurès…

D’un anglais original, d’un français impeccable, Marvine semble maîtriser toutes les langues universelles, y compris le chinois. Journaliste et grand reporter américaine, elle a mené la plupart de sa vie professionnelle dans le ‘New York Times. Elle collaborait, également, dans plusieurs quotidiens et magazines de dimension internationale tels que ‘World Policy Journal, ‘International Herald Tribune, ‘Washington Report, ‘MS Magazine et Town et Country. De la hauteur de son âge, de son expérience, de ses pérégrinations, la dame conserve ses dons de communication et garde une perspicacité extraordinaire sur son parcours et les conclusions qui s’en découlent. La vérité, chez elle, dans la naissance, le transport et la diffusion de l’information passe, impérativement, par la nécessité de vérification et revérification. Au regard de son importance et de son impact, le journalisme devait être, à son sens, ai-je cru comprendre, une enquête sérieuse, objective, une réalité sans passion, ni commentaire. Ceux-ci ont leur «place dans un livre» pas dans un article de presse, nous affirmait-elle.

Rencontrée à Hbathent (Batna), chez la famille Ouboulaid (Benboulaid), l’honneur était à ces lointains souvenirs, à ces moments pénibles et difficiles, à cet engagement d’une jeune américaine venue s’enquérir du mouvement de Libération nationale. Cela se situerait entre septembre et octobre de l’année 1956. La guerre battait son plein. La région était en flammes. Le département de l’Aurès venait, tout juste, d’être créé par décret du 28 juin 1956 et sera formé des arrondissements de Hbathent, Arris, Khenchela, Barika, Thamerwant (Corneille) et Besketh (Biskra). En cette année là, et précisément le 12 septembre 1956 une vaste opération militaire fut menée dans le maquis des Aurès. Elle savait raconter avec sourire et parfois resserrement de cœur, son séjour dans cette terre de combat. Les Aurès étaient «le cœur de la révolution» nous disait-elle en réponse au choix de sa destination. Elle ne cessa de relater, cette fois-ci avec une note d’humour et de dérision, la gêne que sa présence avait provoquée alors chez les autorités coloniales. Des embûches et des entraves, elle en a connu, lors de son passage dans cette zone de sang et de feu. À cette époque où la moindre marque de sympathie avec le mouvement de Libération en grande aura était prise pour une subversion ; Marvine se trouvait épiée et surveillée dans chacune de ses mobilités et contrôlée en permanence dans l’ex-hôtel d’Orient où elle logeait à Hbathent. Il était difficile pour elle d’exercer librement son métier de reporter. Elle disait avoir été interpellée par les services de police sur le motif de son séjour qui allait durer une dizaine de jours. Elle se cantonna en guise de réponse dans la peau d’une touriste au vu de la richesse archéologique et naturelle que représentait Hbathent. Accompagnée, pour ne pas dire escortée par une escouade de policiers, on l’amenait, narrait-elle «visiter» les ruines de Tazoult (Lambèse). Arrivé sur le site auprès de qui se situait un cimetière juif ou chrétien, les «accompagnateurs» remarquaient sur le sol l’existence d’empreintes toutes fraîches de pataugas. Le sauve-qui-peut et la retraite des escorteurs-guides finissaient la sortie touristique.

Nonobstant cet état de siège imposé et par relais interposé Marvine Howe avait pu, quand bien même, faire la rencontre de la famille du héros Mostefa Ouboulaid. Ses fils Abdelhai dans le domicile duquel l’entrevue conviviale avec Marvine a eu lieu et Abdelhak, s’en remémorent vaguement pour dire que «l’on se souvient qu’on nous disait qu’une journaliste américaine est venue à la maison».

En venant, en ces jours, sur la même scène, dans les mêmes endroits, la journaliste a voulu réveiller des souvenances et revivifier des instants mémorables. C’est grâce à la disponibilité bienveillante du Docteur Charif Ouboulaid, petit- fils de Mostefa Ouboulaid, enseignant universitaire que Marvine eut le plaisir de revisiter la région. Une virée à Ichmoul, Haqliɛth n’ah Moussa, lieu historique du déclenchement de la Révolution de Novembre 1954, n’a pas laissé sans épatement la revenante «touriste». À Arris, dans la maison familiale de Mostefa Ouboualid, devenue musée, son émotion était égale à l’amour qu’elle porte toujours à ce pays, à son engagement pour la juste cause.

Yazid Dib

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