Lettre du Congrès Mondial Amazigh à M. Slimane Hachi

M. Slimane Hachi est le directeur du centre national de recherches préhistoriques, anthropologiques et historiques 3, rue Franklin Roosevelt , Alger, Algérie

Monsieur le directeur,

Nous avons appris récemment par la presse, que vous avez introduit au nom de l’Algérie et conjointement avec le Maroc et la Tunisie, un dossier de demande de classement du couscous au patrimoine mondial de l’humanité auprès de l’Unesco.

C’est à priori, une initiative louable tant ce plat traditionnel typiquement amazigh très apprécié bien au-delà de ses frontières d’origine de Tamazgha (nord de l’Afrique et Sahara), a besoin d’être protégé des menaces de dénaturation et de contrefaçon ainsi que par les effets négatifs de la mondialisation.

Cependant, les articles de presse que nous avons lus sur le sujet, nous font craindre que les États d’Afrique du nord instrumentalisent ce projet pour « se rapprocher » entre eux et consolider leur fantomatique et mensonger « Maghreb arabe », tout en faisant de cette demande à l’Unesco, une nouvelle occasion de falsifier l’histoire et spolier les Amazighs de leur patrimoine culturel. Dans ce cas, en tant qu’ONG de protection et de promotion des droits des Amazighs, nous nous manifesterons avec détermination auprès de l’Unesco afin que ce projet n’aboutisse jamais.

Votre projet, M. le directeur, doit respecter les droits fondamentaux du peuple autochtone amazigh conformément notamment à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones dont l’article 8-1 stipule que « les autochtones, peuples et individus, ont le droit de ne pas subir d’assimilation forcée ou de destruction de leur culture » ainsi que l’article 8-2 qui prévoit que les Etats doivent « mettre en place des mécanismes de prévention et de réparation efficaces visant : a) tout acte ayant pour but ou pour effet de priver les autochtones de leur intégrité en tant que peuples distincts, ou de leurs valeurs culturelles ou leur identité ethnique, b) tout acte ayant pour but ou pour effet de les déposséder de leurs terres, territoires ou ressources, c) toute forme d’assimilation ou d’intégration forcée ».

En conséquence, nous vous demandons instamment de présenter le couscous comme une des composantes de l’identité culturelle amazighe comme l’attestent l’histoire, l’anthropologie et même la géographie. En effet, le couscous est une spécialité culinaire familiale et communautaire très répandue dans les pays du nord de l’Afrique mais inconnue à l’est de l’oasis amazighe de Siwa en Egypte. Ce faisant, ce mets est un véritable marqueur culturel du peuple amazigh et un indicateur de la « frontière » culturelle entre le Moyen-Orient arabe et le nord de l’Afrique amazigh.

En conclusion, nous attendons de vous, M. le directeur, la présentation à l’Unesco d’un dossier fondé sur une démarche scientifique hors de toute autre considération et en définitive de veiller à laisser aux Amazighs ce qui leur appartient.

Veuillez agréer, Monsieur le directeur, l’expression de notre considération distinguée.

Paris, 20/01/2968 – 2/02/2018

La Présidente

Kamira Nait Sid