Quel est le jour de l’an amazigh : le 12, le 13 ou le 14 janvier ?

Sous l’impulsion des associations culturelles, la célébration du nouvel an berbère connait un regain d’intérêt depuis quelques années, non seulement en Algérie mais en Afrique du nord en général. Ces célébrations donnent l’occasion chaque année à plusieurs évènements culturels : conférences, tables rondes, et galas artistiques. Une revendication revient tout le temps à l’issu de ces activités : « élever le jour de l’an amazigh au rang de fête nationale ».

Mais pour que la journée de Yennayer soit un jour férié, encore faut-il qu’elle soit définie . En effet, il existe une véritable confusion à propos de cette date , médias publics, comme associations culturelles, chacun voient Yennayer à sa porte.

Si la date du 12 janvier, semble privilégié par le HCA et la télévision algérienne, le mouvement culturel dans les Aurès penche plutôt pour le 14. Quant au Maroc, c’est le chiffre 13 qui revient avec insistance.

Qu’elle est donc, la date exacte du jour de l’an berbère ?

L’année berbère, comme il est communément admis, est organisée selon le calendrier julien. Le 1 Yennar (yennayer) coïncide donc avec le 1 janvier julien. Il suffit juste, de savoir, quel jour dans le calendrier universel (grégorien) coïncide avec le 1 janvier julien.Tout d’abord, regardons ensemble, dans ce bref aperçu la déférence entre le calendrier julien, et le calendrier grégorien.

Le calendrier julien : est un calendrier solaire utilisé dans la Rome antique. Il a été introduit par Jules César en 46 av. J.-C. pour remplacer le calendrier romain républicain. Établi par l’astronome Sosigène, il reste employé en Europe jusqu’à son remplacement par le calendrier grégorien à la fin du XVIe siècle. Le calendrier julien insérait une journée bissextile tous les 4 ans, et attribuait à l’année une durée moyenne de 365,25 jours , or, l’année tropique moyenne dure 365,24219 jours (soit environ 365 jours 5 h 48 min 45 s). Ceci induisait un décalage d’environ 8 jours par millénaire par rapport au temps vrai.

Bientôt, ce décalage devint trop important, bouleversant les dates des équinoxes et par ricochet, celles du calendrier liturgique. Une rectification de ce comput s’imposa , c’est la naissance du calendrier grégorien.

Le calendrier grégorien : Dit également calendrier universel, il porte le nom de son instigateur, le pape Grégoire XIII. Adopté à partir de 1582, le calendrier grégorien vient pour rectifier la « dérive » du calendrier julien.

La réforme grégorienne permis la suppression de 10 jours qui permettaient de rattraper d’un coup le retard croissant pris par l’ancien calendrier julien sur les dates des équinoxes. L’introduction du calendrier grégorien commença le vendredi 15 octobre 1582, qui fut le lendemain du jeudi 4 octobre 1582.

Quel est le décalage entre le calendrier grégorien et le calendrier julien aujourd’hui ?

En plus des dix jours de décalage constaté en 1582, le calendrier julien a accentué sa dérive de trois jours de plus. Les années 1700, 1800, 1900 étant bissextiles dans le calendrier julien.

Donc, le calendrier julien est aujourd’hui en retard de 13 jours par rapport au calendrier grégorien. C’est l’avis de tous les spécialistes qui ont étudié le sujet, comme Edmond Doutté [1], Germaine Tillon [2], Jean Servier [3], R. P. Genevois [4] et Edmond Déstaing [5].

Un calendrier tunisien et un autre marocain qui prennent le 14 comme le premier jour de la nouvelle année


Le 1 Yennayer 2966 correspond au 14 janvier 2016

Pour connaitre la date exacte du jour de l’an, il suffit de faire une simple addition :
Le 1 janvier julien = 1 janvier grégorien + 13 jours. 1+13 = 14.
Donc, le 1 janvier julien = 14 janvier grégorien.
1 janvier julien = 1 yennayer, donc le 1 yennayer = 14 janvier grégorien.
Le 1 Yennar (Yennayer) 2966 coïncide donc avec le 14 janvier grégorien.


Quels sont les raisons de cette confusion ?

Il y a trois causes principales : Premièrement, les militants berbéristes des années 70-80, se sont tout simplement trompés dans leurs calculs en choisissant le 12 janvier. Deuxièmement, parce que la célébration d’un évènement quelconque, se fait toujours la veille. Aussi, les berbères avaient-ils coutume de célébrer leur nouvel an par un dîner, « amensi n yennar » la nuit du 13. Un repas copieux, qui place la nouvelle année qui se profile sous d’heureux auspices.

Troisièmement, parce que la célébration de Yennayer se déroulait jadis sur plusieurs jours. La fête de Yennayer, écrit Edmond Doutté, dure trois, quatre, cinq ou sept jours suivant les régions [6].

Jugurtha Hanachi

Note :

[1] Doutté, Edmond (1867-1926). Magie et religion dans l’Afrique du Nord,…. 1909.
[2] Germaine Tillon, Il était une fois l’ethnographie.
[3] Jean Servier, Les Portes de l’année : Rites et symboles, l’Algérie dans la tradition
[ 4] Ibid.
[ 5] Edmond Déstaing, L’Ennayer chez les Béni senous.
[6] Doutté, Edmond…. p. 544.