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« La chaouïa de l’Auvergne » de Liliane Raspaïl

Michel et Pauline Chaneboux un couple de français accompagné de leur fille Jeanne débarquent en Algérie à la fin de l’année 1919. Jantaine Galeix beau frère des Chaneboux leur confie l’entretient de sa ferme de Imi n Toub (Foum Toub) , avec sa femme Tonine il reste à  Ichemoul (Médina) où il occupe le poste de garde-forestier. Les Chaneboux après 3 ans de dur labeur acquièrent des terres à Boulhilet et Chemora où ils s’y installent.

Jeanne, « la Chaouïa de l’Auvergne » passera sa jeunesse à Chemora et grandira entre les indigènes et la communauté pied-noir de la ville. Elle épousera Roger Rescot avec lequel elle aura deux filles, Sylviane et Julie, divorce de lui lorsqu’elle découvre son infidélité et entamera une idylle avec Sahraoui Boulildi son propre employé. Pour fuir cette union impossible elle quitte Chemora (Luteaud) et s’installe à Maison-carrée à Alger avant de regagner la France.

Un roman autobiographique    

Dans « La chaouïa de l’Auvergne », Liliane Raspaïl raconte l’histoire de sa famille, dans le récit elle est Sylviane Rescot fille de Jeanne. À vingt ans alors qu’elle vivait une situation difficile (deux enfants atteints de cardiopathie qui mourront plus tard) avec un mari excessivement jaloux et constamment absents, elle écrit à Colette dont elle était une fervente admiratrice et lui soumis ses textes, cette dernière va l’encourager à écrire et à croire en ses rêves , les circonstances de cet épisode est narré dans un autre roman « La fille de Chemora » .

Les personnages

Michel Chaneboux : Un bon viveur, amateur de vin et de femmes s’est assagis depuis qu’il vit en Algérie, après une première saison catastrophique à Boulhilet à cause de la grêle, il s’endettera auprès de la caisse agricole de Batna et assurera le bon train du ménage jusqu’à sa maladie, il sera frappé de paralysie en 1939 et mourra quelque temps après.

Pauline Chaneboux : femme possessive, elle privera sa fille Jeanne de ses études pour l’avoir près d’elle . Elle subviendra aux besoins de sa famille après le décès de son mari, voit d’une mauvaise œil la liaison de sa fille Jeanne avec Sahraoui et fut en grande partie dans la décision de cette dernière de vendre son hôtel de maison-carrée et le retour en Auvergne.

Adrienne : femme de Jean Chaneboux, frère de Michel, elle s’installe avec son mari à Batna début 1928 où elle ouvre une boutique de chapeau « Mode de Pari » . Cette chic parisienne qui a du chien, va être la confidente de Jeanne qu’elle va aider à éclore.
Sahraoui : fils des Boulildi, les khamès des chaneboux, jeune homme beau et vigoureux,  va vivre une histoire d’amour avec Jeanne . Cet idylle prendra fin avec  le départ de cette dernière vers la France.

Jeanne : personnage central du roman , son destin servira de trame et de file conducteur au récit . De son arrivée avec ses parents à l’âge de 8 ans jusqu’à son départ en France avec sa mère et ses deux filles, le lecteur découvre avec Jeanne l’Algérie de l’entre-deux-guerres, les conditions difficiles des arabes (les chaouis parlent arabe sous la plume de Liliane Raspaïl) ainsi que le racisme bonasse des pieds noirs.

Privée d’odorat depuis sa naissance, Jeanne n’en ai pas moins heureuse, entre leur ferme et le gourbi des Boulildi ; les Khamès engagé par son père, la petite auvergnate d’une nature candide fait l’unanimité autour d’elle ; « comme son père, c’est un cœur qui ne connaît ni l’envie, ni la colère, encore moins la hargne et la jalousie bien sûr ; une nature en or ! Elle trouve le monde plus beau et plus intelligent qu’elle, s’émerveille de tout et se livre en toute candeur, en toute sincérité» (page 67). Cette fille naïve et rêveuse est sous l’emprise d’une mère dominatrice et égoïste qui s’immisce dans tout les choix de sa fille. Après l’avoir privée d’étude juste pour l’avoir prêt d’elle , elle lui impose presque un homme : Roger Rescot que sa Jeanne n’aime pas vraiment mais qu’elle doit accepter comme époux juste pour faire plaisir à sa maman .

En 1930 et dans une ville prospère baptisée (à l’occasion du centenaire de la présence française en Algérie) LUTEAD du nom d’un gouverneur Charles Luteaud qu’aura lieu le mariage de Jeanne Chaneboux et Roger
Rescot .

Jeanne et Roger auront trois filles, Sylviane , Julie et Odette (qui meure en bas âge), même après la maternité les rapports entre les deux époux sont froid, Roger n’arrive pas à faire vibrer sa jeune épouse, qui est loin de partager cette passion avec lui . Sous prétexte de s’occuper des enfants, elle fuit les éteinte de ce mari qu’elle n’a jamais aimée. Cette froideur va s’accroitre de jour en jour entre les deux époux poussant Roger dans les bras d’une femme du village :Nounette Brissot une ami de Jeanne, la ville de Constantine où Roger travail désormais comme chauffeur de la ligne Chemora-Constantine vont abriter leurs amours secrets. Une lettre imprudente (un classique !) tombera entre les mains de Jeanne un jour et la double infidélité de son mari et de son amie est découverte. Jeanne demandera le divorce tout de suite.

Débarrassée de ce mari qu’elle a toujours trouvé encombrant et une fois l’émotion de la découverte et du divorce passée, la personnalité de Jeanne va enfin prendre son essor . Déjà maâlma (patronne) de la ferme après la paralysie de son père , Jeanne va passer son temps entre la ferme , ses terres et le marché des bestiaux : « Elle va respirer sa liberté nouvelle , dépenser son énergie , exprimer toute sa joie de vivre dans les grand espaces de la plaine. Plus jamais, elle aime ses chevaux et ses mouvant troupeaux .Et, sans s’en rendre compte, plus elle se plaît en la compagnie de celui qui aime tout ce qu’elle aime, Saharoui » Une passion amoureuse naîtra entre elle et Sahraoui, d’autant plus ardente que tous les sépare dans cette Algérie française des années 30, lui fils de Khamès et elle fille de colon. Le gouffre qui sépare les deux communautés ne va pas les empêcher de vivre leur amour pour autant « Les grands espaces deviennent la chambre la plus secrète. Les champs dorés et frémissant une vivante couche .Le jardin un doux boudoir ….».

Après la mort de son père, et le divorce officiel, Jeanne décide avec sa mère de vendre leur bétail et s’installer à Alger. Ils s’établirent toutes les cinq à Maison-carrée où ils acquièrent un petit hôtel. Sans couper le contact avec Sahraoui qui vient régulièrement, Jeanne fait la connaissance de la société européenne d’Alger et se liera d’amitié avec Hélène Viella l’une des pensionnaires de son hôtel.

À Alger et loin de son village des hauts plateaux, Jeanne Chaneboux se rends compte du gouffre qui sépare les deux communautés, pieds noir et indigène, et même si elle continu à accueillir Sahraoui, elle se rend compte de l’impossibilité de son histoire d’amour avec lui. Meurtrie de chagrin et poussée par sa mère qui refuse cette union, elle fini par vendre son hôtel et la mort dans l’âme, elle quittera Algérie sans prévenir Sahraoui.

Conclusion :
L’histoire de l’amour avorté de Jeanne et de Sahraoui est finalement celui des deux communautés, pieds noirs et algériens qui s’est terminé dans les larmes et dans le sang. Le beau rêve de voir les deux peuples se fondre dans le creuset de cette terre gorgée de soleil, n’était comme le dit Pauline dans le roman qu’une « Dangereuse foutaise ».

Jugurtha Hanachi

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