Portraits

Mihoub , la voix de l’Aurès

« Mihoub  Abdessalem » de son vrai nom est le chanteur chaoui qui a incarné le plus l’âge d’or de la chanson chaouie  engagée, il est le symbole de toute une génération de jeunes militants de la cause amazighe dans les Aurès.

Né le 19/10/1960 à Thimsounin (M’chounèche en arabe),  une belle oasis du sud de l’Aurès  qui dépends administrativement de la wilaya de Biskra dont elle est distante de 30 km.

Ce petit  bonhomme , vif, connu par sa  discrétion légendaire se remémore ses  débuts dans la  musique à la fin des années 70  «  on était un groupe de jeunes copains pour qui la musique constituait le seul refuge pour échapper à la dureté du  quotidien   , dans  la fraicheur  de la palmeraie de Thimsounin au milieu du ruissèlement  monotone d’Ighzar Amellel ,  on jouait souvent  de la guitare » .
Quelques années après ils ont décidé d’enregistrer leur premier album « avec notre musique protestataire  et frondeuse  la quête d’un éditeur  s’est révélée un vrai parcours de combattant »  se souvient Mihoub. Le premier album de Mihoub et sa bande sera intitulé « Sililumt a lxalèth » en collaboration avec Elhadi Boures  qui écrira  les paroles,  dont les évènements sanglants d’octobre 88  vont être le sujet principal.
Le deuxième album  « Akkerd falek  a yarguèz » sortira en 1992 et va être la révélation de la chanson chaouie , le public va découvrir une nouvelle façon de chanter en chaoui , loin des vieux poncifs de la chanson festive et folklorique . La musique de Mihoub va s’inscrire dans l’idéal du printemps berbère, et en reprendre les revendications : l’officialisation de Tamazight , la reconnaissance de la dimension berbère comme une composante essentielle de l’identité algérienne  , la réhabilitation de  la mémoire des  héros amazighs comme Dihya , Massinissa , Jughurta ….etc.
La chanson « Akkerd falek  a Yerguèz » ( qui a donné  le titre de l’album ) est une exhortation aux jeunes chaouis de  se réapproprier leur histoire et leur identité , «  Deg nebdhu » (pendant l’été) est une chronique de l’été particulièrement chaud de 1992 et son lot de désordre et de troubles  après l’arrêt du processus électoral. La chanson « Ilabazen » ( les faussaires)  une critique au vitriol de l’intégrisme islamiste et son projet  obscurantiste qui constituait  une menace pour l’Algérie , cette prophétie va malheureusement  s’avérer juste quelques années plus tard  , cette chanson et l’engagement résolu  de l’artiste en faveur d’une société démocratique et son rejet de la diktat intégriste va lui valoir l’ire des hordes du GIA , lesquels dans leur funeste  entreprise d’élimination des intellectuelles et les artistes algériens vont  inscrire Mihoub dans leur liste noir .
Ce dernier  loin d’être intimider par les menaces de mort  qu’il recevait régulièrement, sortira  son troisième album « Tidhet » (la vérité)  en 1995 avec le concoure du poète Yahia Aïdi qui va devenir  son compagnon de route et qui écrira les paroles du quatrième album sorti en 2002, et le cinquième en 2008 « Amlayam ».

Dans cette  carrière riche de plus de 25 ans, consacrée  à la défense de la culture chaouie ,  Mihoub  a eu à surmonter  moult  obstacles «  pendant la décennie noir se remémore-t-il , en plus du danger terroriste omniprésent , nous avion dû faire face à l’acharnement du pouvoir à combattre toute forme d’expression de l’identité chaouie , ainsi lors des  galas  certains commis de l’Etat dans un excès de zèle se transformaient en de véritables  Inquisiteurs  pour nous demander de ne pas chanter telle ou telle chanson , ce qui nous empêchait pas de la chanter une fois sur scène » dit-il avec le sourire . Pour Mihoub , la chanson chaouie est moribonde actuellement « elle est malheureusement délaissée au profit de la chanson festive et folklorique , plus facile à faire et à commercialiser , nous-dit-il ,  en l’absence de prise de conscience salvatrice cette musique qui était le fer de lance de notre combat va disparaitre à jamais » conclu-t-il avec amertume .

Aujourd’hui, Mihoub est professeur de musique à Thimsounin, il n’hésite pas à venir en aide aux jeunes  artistes en herbes et leur prodiguer  des conseils  pour l’émergence  d’une relève capable de reprendre le flambeau de la chanson chaouie engagée.

Jugurtha Hanachi

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