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Massinissa : ”J’appelle à la convergence inter-Amazighe… !”

Nous avons rencontré Massinissa, chanteur engagé chawi et amazigh des Aurès. Il nous a livré son engagement et ses turpitudes avec le pouvoir. Il donnera un concert le samedi 20 octobre au Théâtre Le Château sis au 6956, Rue St Denis, Montréal à 19 h.

Le Matin d’Algérie : Qui est Massinissa ?

Massinissa : Je suis un artiste et un chanteur engagé qui vis dans les Aurès. Je me suis intéressé à la chanson dès mon enfance notamment en tant qu’écolier au primaire. J’ai fait beaucoup de prestations lors des fêtes à l’école. Je chantais bien sûr en chawi même si à l’époque tamazight est perçue comme un danger pour l’unité nationale. Et d’ailleurs cette perception n’a pas changé chez beaucoup de gens.

Quel était votre premier album mis sur le marché et quelle était la thématique abordée ?

Ma première contribution a été avec le groupe Amnay en 1986 qui traitait la thématique de l’engagement pour la préservation de notre identité qui est constamment menacée. Les artistes ont un grand rôle à jouer pour limiter les dégâts. Dans les Aurès, la langue chawie se réduit de plus en plus suite à la politique de l’arabisation et l’urbanisation. Cette dernière favoriserait l’arabe algérien au détriment du chawi. L’album était intitulé ”Anza” (Lieu du crime). Une chanson qui traite d’une relation amoureuse impossible suite aux conflits qui existaient entre deux tribus. Cette histoire s’était terminée par un meurtre.

Comment ont été les débuts de votre carrière artistique ?

C’était très délicat. J’ai fait de la prison à cause des graffitis en faveur de la cause amazighe. Nous avions subi même des tortures avec mon ami musicien du groupe Amnay en l’occurrence Aissa Brahimi en 1987.

 

C’était très délicat. J’ai fait de la prison à cause des graffitis en faveur de la cause amazighe. Nous avions subi même des tortures avec mon ami musicien du groupe Amnay en l’occurrence Aissa Brahimi en 1987.

Il a suffi d’écrire ”Vive Imazighene, Vive Kahina, le signe de Tamazgha, Nekki Tharwa n Jugurtha” pour se retrouver dans les geôles du pouvoir.

Emprisonné pendant une semaine, libéré pour trois jours et ensuite emprisonné encore une fois pour une autre semaine à cause des graffitis. Même des enfants n’ont pas échappé aux arrestations à cause de leur soutien en défiant le pouvoir en inscrivant des graffitis partout sur des murs affichant leur soutien à notre cause.

Et en tant que groupe Massinissa, Quelle est votre production?

A partir de 1990 nous avons enregistré trois albums en nom du groupe Massinissa qui traitent de la cause amazighe, l’identité, la thématique relative à la Terre et les valeurs chawies et amazighes. Notre chanson n’est qu’un moyen pour sensibiliser les Berbères notamment les Chawis afin de stopper cette hémorragie de diminution du nombre de locuteurs notamment Chawis dans les Aurès. Nous savons tous qu’un locuteur de moins en tamazight est un défenseur de moins pour éviter le sort des Aztèques. Il a été bien décrit dans l’ouvrage de Mouloud Mammeri intitulé ”La mort absurde des Aztèques”. C’est pour cela la chanson engagée s’impose. C’est une question de notre survie en tant que peuple et civilisation.

C’est ce qui justifie ton choix de la chanson engagée ?

Effectivement. On ne peut pas se permettre le luxe d’opter pour l’art pour l’art. Je conçois que l’art devrait être au service d’une cause. Par ailleurs, il y a lieu de signaler que c’est grâce à la résistance de la Kabylie qui a permis à la cause amazighe de connaître des acquis. Sans la Kabylie, notre identité serait enterrée et nous risquons d’avoir le même sort des Aztèques. Nous ne devons pas laisser la Kabylie isolée lutter seule. La Kabylie joue un rôle catalyseur et un cadre rassembleur. C’est pour cela que l’union sacrée des Berbères s’impose. Le jour où le pays devient totalement berbère, je cesserais la chanson engagée. Cette vérité est valable à l’échelle nord africaine.

Vous plaidez donc pour la convergence ?

Bien sûr. J’appelle pour la convergence inter-amazighe afin de mettre en échec cette politique du pouvoir qui consiste à diviser les Berbères. Et c’est notre seul salut afin de réhabiliter notre patrimoine millénaire.

Comment est venu l’idée d’enregistrer la chanson avec Ali Amrane en 2017 ?  

C’était pour moi un souhait très cher de composer une chanson avec un artiste kabyle. C’est Rachid Beguenane, dit At Ali uQasi, de la fondation de Tiregwa qui m’a mis en contact avec Ali Amrane. Nous avons enregistré un single qui a subi une censure de la part du pouvoir car il a peur de cette union. ”Tharwa n djerdjer (l’Aures) d azwer (Azar)”. Par ailleurs, je suis sous surveillance. À chaque fois que je suis invité à la TV nationale algérienne, ils m’exigent les paroles des chansons.

Qu’en pensez-vous des acquis de la cause amazighe ?

Certes il y a des acquis et des avancées, mais ce que je n’arrive plus à comprendre c’est comment Tamazight est censée être une langue officielle, mais de l’autre côté, elle est facultative à l’école. Comment l’État demeure laxiste devant des parents qui rejettent l’enseignement de Tamazight. Je ne crois plus à ce statut accordé à Tamazight. Ce n’est que de la ruse pour nous faire taire. À notre connaissance, une langue officielle est la langue des institutions de l’État. Le pouvoir est rusé. Nous devrons être vigilants pour que notre langue soit partout.

Avez-vous un projet en cours ?

Je viens de terminer l’enregistrement d’un album intitulé ”Magher N tess” ( Pourquoi ce sommeil? ). J’ai 22 albums dans toute ma carrière artistique. Les chansons traduisent essentiellement la vision du monde des Berbères dans ses diverses composantes.

Un dernier mot

Je compte beaucoup sur la communauté kabyle et chawie afin de venir nombreux à mon spectacle de samedi prochain en vue de nous soutenir. Je remercie énormément les initiateurs de cet hommage de fraternité berbère dont l’association Union des Kabyles du Canada et Rachid At Ali uQasi. Tout comme je remercie la Troupe Tilleli d’Ottawa et le jeune chanteur kabyle Norkane qui vont faire la première partie de mon spectacle. J’ai eu l’occasion de les voir, ils sont des gens formidables. Tout comme je remercie toutes les familles kabyles et chawies et inefusen (de Libya) qui m’ont ouvert les portes de leurs maisons à Montréal et à Ottawa. C’est justement cela la convergence inter-amazighe.

 

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