Onomastique

L’étymologie du mot « Yennayer »

Appelé également Yennar dans l’Aurès, Ennaïr, ou Ennayer dans l’ouest algérien, Yennayer est le premier mois de l’année chez les berbères. Le mot Yennayer correspond au premier mois du calendrier romain : «Ianiarius». Ce mois est dédié au dieu « Janus », divinité des seuils, symbolisant le renouveau chez les romains. Il est écrit « Ianus », en latin classique, « Ian », en latin archaïque.Il est représenté avec deux visages opposés, l’un tourné vers le passé et l’autre tourné vers le futur.
Il y a une thèse ancienne qui veut que le mot yennayer serait composé de yen (un) et ayer (mois) . Cette hypothèse promue par les premiers berbéristes dans le but louable de se réapproprier cette date symbolique et de proposer un nom «authentiquement berbères» nous ne semble pas recevable .  Premièrement , parce que le mot « Yennayer » existe dans d’autres langues comme l’arabe par exemple , et deuxièmement , parce que les autres mois présentent la même similitude avec les mois latins,  l’hypothèse de l’emprunt nous semble donc évidente .
Si la filiation du yennayer avec le Ianiarius romain est avérée, il nous reste à déterminer sous quelle forme intermédiaire, ce vocable a été introduit en Afrique du nord.

Janus est représenté avec deux visages opposés
Janus est représenté avec deux visages opposés

La première fois que le mot « Yennayer » apparait dans l’histoire, ce fut en Andalousie musulmane. En effet, dans deux poèmes rédigés par le turbulent auteur cordouan Muhammad Ibn Quzman (1078-1116) (poèmes 40 et 79 de son Diwan [1]) le poète utilise le terme “aïd al Yannayr” pour évoquer les célébrations du 1er Janvier. Aujourd’hui encore considéré comme le maître du genre poétique zajal (lequel, par son aspect populaire, s’oppose à la qasida, plus formelle), Ibn Quzman, poète ribaud, buveur et aventurier, est un des premiers auteurs arabophones d’Al-Andalus à utiliser un grand nombre de termes romances dans ses textes. Là où le bon goût de l’époque demande que l’on use d’un arabe châtié, Ibn Quzman n’hésite pas à puiser dans l’arabe populaire andalou [1], lequel a absorbé de nombreux mots romances, idiome intermédiaire entre le latin et l’espagnol.
L’existence de ce Yannayr romance est confirmée par le docteur religieux malékite Abu Bakr Muhammad al Turtusi (1059-1126), qui affirme dans son ouvrage contre les nouveautés et les innovations en religion intitulé Kitab al hawadit wa-l bida que les mozarabes (chrétiens de souche hispanique vivant en Al-Andalus) célèbrent chaque année Yannayr en mangeant des fruits frais.

A partir du XII les traités d’astronomies des savants andalous, comme le célèbre calendrier de Cordoue écrit par Recemundo, ont introduit en Afrique du nord le calendrier julien, et avec lui le terme hispano-romance «Yannayr». Ce dernier sera berbérisé en Yennar, Ennayer , Naïr ,Yennayer suivant les régions .

Jugurtha Hanachi

Note :

[1] ابن قزمان القرطبي, إصابة الأغراض في ذكر الأعراض
[2] Yidir Plantade, Yennayer en Afrique du nord : histoire d’un mot, Tamazgha.fr.

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