Histoire antique

A propos des Lixitains de Hannon

C’est devenu une évidence chez de nombreux chercheurs que les Lixitains avec qui ont discuté Hannon et ses compagnons 1, lors de son périple le long de la côte atlantique africaine, sont les habitants de Lixus située au nord du Maroc actuel. Autrement dit, le périple de Hannon avait pour but le Maroc actuel, voire la partie nord haut-atlasique de celui-ci. Il en a découlé que les recherches archéologiques réalisées sur la terre du Maroc actuel, tout au long du siècle dernier, sont, dans leur majorité, guidées par cette interprétation.

Dès qu’on dépasse le niveau dit romain, c’est le niveau punique et phénicien qu’on espère trouver et ce pour confirmer cette thèse. Or avant d’accepter l’interprétation qui veut que les Lixitains de Hannon soient les habitants de la Lixus (la Lixus qui se trouve à 112 milles du détroit de Gades comme l’a écrit Pline l’Ancien 2, soit à «deux journées de navigations» 3), il faut, à notre avis, d’abord répondre à un certain nombre d’interrogations.

1. Un voyage de Cadix 4 vers Lixus, la célèbre, voire même vers le nord de celle-ci 5 et vers la partie centrale de la côte du Maroc actuel, aurait-il mérité d’être rendu si célèbre et ses «péripéties» immortalisées sur des plaques et suspendues dans le temple de Kronos (Baâl Hamon), traduites en grec, et d’avoir acquis une renommée telle qu’il a traversé les siècles? Est-ce le simple fait d’être aller au nord et au centre de la côte marocaine mérite d’être qualifié de périple? Mais même si l’on admet que le départ soit de Carthage et que Gadeira ne fut qu’une escale, est-ce qu’aller quelques milles de plus au sud de celle-ci est une grande aventure pour un Carthaginois, qu’on sait habitué à se rendre dans cette ville?

2. Si la Lixus du nord est la concernée par le texte du périple, alors où doit-on situer la ville de Thymiaterion et la grande plaine l’entourant, le cap soleis, le cap de Libye hérissé de forêt, le lac «situé non loin de la mer, rempli de roseaux nombreux et élevés où il y avait une grande quantité d’éléphants et d’autres bêtes sauvages qui paissent», tous cités avant d’atteindre le pays des Lixitains?

3. Si les Lixitains de Hannon étaient les habitants de la Lixus du nord, alors où doit-on situer les villes de Caricon Teichos, Gutte, Melitta et Arambys fondées, nous dit-on, par Hannon avant d’atteindre leur territoire? Pourquoi n’a t’on pas encore découvert leurs traces dans cette partie nord du Maroc pourtant champ de nombreuses campagnes de fouilles depuis près d’un siècle?

4. Les Lixitains que Hannon avait rencontrés étaient apparemment des nomades et non pas les habitants d’une cité. Alors, dans ce cas, comment peut-on les apparenter à une cité dont l’existence commence depuis le VIIe siècle, peut-être même le VIIIe siècle; ce qui, par la même occasion extrait sa fondation et aux Phéniciens de la fin du XIIe siècle et aux Puniques du Ve.

5. Dans le paragraphe 7 du texte du périple, on nous parle de grandes montagnes où le fleuve Lixus prend sa source et dont les montagnes étaient situées au sud des Lixitains séparant ainsi ceux ci des Ethiopiens. La question qui mérite d’être posée est la suivante: où situent ceux qui voient en ces Lixitains de Hannon des habitants de la Lixus du nord ces montagnes qui existaient au Ve siècle avant J.-C. et n’appartiennent pas à un passé géologique lointain? Les situent-ils au Gharb? Aux plaines de la Chaouia et de Doukkala? Au plateau des phosphates? Ou au Haouz? 6

6. Et ces Ethiopiens dont le territoire est séparé de celui des Lixitains par des montagnes, où les place-t-on si les Lixitains en question étaient les habitants de la Lixus du nord? Où peut-on les situer eux et leurs voisins les Nigrites et les Pharusii, au centre du Maroc? Les textes, comme chacun sait, ne les placent-ils pas tous au sud des Atlas? 7

7. Si la destination de Hannon était le nord du Maroc, alors comment expliquer ce que rapporte Pseudo Scylax quand il parle d’un commerce entre Phéniciens et des Ethiopiens qui se trouvaient face à Kerné 8, elle-même située à douze jours de navigation du Détroit, selon, toujours, ce même auteur 9.

8. Dans le paragraphe 8 du périple, Hannon a navigué trois jours au sud des Lixitains et a découvert Kerné qui se trouve à une distance des colonnes d’Hercule égale à celle séparant Carthage de ces mêmes colonnes. La question qui se pose: s’il s’agit de la Lixus du nord, trois jours de navigation suffisent-ils pour atteindre un point aussi éloigné des colonnes que l’est Carthage, soit 1.500 km?

9. Et comment expliquer l’assertion d’Arrien quand il dit que le libyen (sic) Hannon, après son départ de Carthage et avoir dépassé le détroit, a navigué pendant trente-cinq jours au-delà du Détroit, si on ne suppose pas que le périple visait plus loin, beaucoup plus loin que le nord haut-atlasique du Maroc actuel?

10. Comment interpréter le texte de Pausanias quand il écrit «Nous connaissons d’autres Ethiopiens voisins des Maures et dont le pays s’étend jusqu’à celui des Nasamons. Ces Nasamons, qui connaissent disent-ils, les mesures de la terre, donnent le noms de Loxites aux peuples nommés atlantes par Hérodote, et qui habitent les extrémités de la Libye vers le mont Atlas, ils ne sèment rien et vivent de raisins sauvages. Il n’y a de fleuve ni chez ces Ethiopiens, ni chez les Nasamons. Car les eaux qui, vers le mont Atlas forment trois courants, sont bientôt absorbés par les sables»? 10  Quand cet auteur cite ces Lixites en même temps que les Éthiopiens et les Nasamons (peuplades du sud), les localise aux extrémités de la Libye vers le mont Atlas, signale leur consommation sans modération de raisin, habitude alimentaire qu’on relève au Moyen-âge chez les Masmouda 11, curieusement habitants du sud du royaume du Maroc de cette époque, cela n’invite-t-il pas à voir en ces Lixites des habitants du sud et non du nord du Maroc?

11. Lorsque Cornelius Nepos nous dit, selon ce que rapporte Pline 12, «Cette ville de Lixos a été très puissante et plus grande que la grande Carthage, en outre elle est située à l’opposé de Carthage et à une distance quasi-infinie de Tingi», ne faut-il pas voir, malgré les réserves émises par Pline (réserves qui lui venaient du fait qu’il pensait, à tort, à la Lixus du nord) qu’il s’agit d’une autre Lixus, homonyme, comme il existe une autre Ifran, une autre Sila, une autre Meschela, une autre Zama; une Lixus éloignée du Détroit autant que Carthage et aussi florissante et importante que la cité didonienne de fondation? La célèbre cité commerciale de Talakkoust du Moyen-âge ne pourrait-elle pas en être l’héritière tout comme Wulili est celle Volubilis, Challa, celle Sala, Tanja, celle de Tingi, Tétouan, celle de Tamuda, Mélila, celle de Rus Addir, Ceuta, celle de Septem, Açila, celle d’Azila, etc.?

12. Selon Palaiphatos «les Cernéens sont Éthiopiens de souche et habitent l’île de Cernée, au-delà des Colonnes d’Héraclès. Ils cultivent les terres de Libye, près du fleuve Annon…» 13. Cette île en question, ne peut-elle pas être une des îles Canaries, îles qui font face justement à un cours d’eau qui, curieusement, s’appelait aussi au Moyen-âge, oued Noun? L’île de Cerné qui abritait, selon le terme utilisé par Pseudo Scylax, des Éthiopiens, c’est-à-dire des «hommes aux visages brûlés», mais dont la peau laissait tout de même apparaître le tatouage, hommes maniant le cheval, le javelot et l’arc, tout comme leurs voisins Amazighs (Berbères) du continent, n’est sans doute pas une île renfermant une peuplade négroïde, mais plutôt des hommes à la peau bronzée (brûlée par le soleil) comme ces Touaregs qui se trouvent toujours dans les régions sud de Tamazgha (la Berbérie) et dont le territoire s’étend, comme s’étendait jadis celui des Éthiopiens de l’Antiquité, de l’Atlantique à l’Egypte. L’appellation même de cette île (Kerné) n’est-elle pas une déformation du nom originel donné jadis à l’une des îles devenues actuellement les Canaries? N’a-t-on pas dans les deux appellations les mêmes consonnes avec inversion des deux dernières? Les Canaries n’étaient elles pas occupées depuis 3.000 ans? 14 Ne renfermaient-elles pas des ruines d’édifices du temps de Juba II 15, et donc déjà des traces de «civilisation » avant l’avènement de celui-ci?

13. Quelle explication donner au périple africain de Polybe 16, qu’on sait agir pour le compte de Rome, sans doute au lendemain de la défaite de Carthage, périple qui l’amena, curieusement, jusqu’à Massat et Darat, si ce n’est le désir de Rome à vouloir supplanter Carthage à cet endroit même, l’Eldorado aux yeux des anciens? 17

14. Selon le paragraphe 1 du texte de Hannon, celui-ci «fit voile avec 60 navires à 50 rameurs (soit 3.000 rameurs), emmenant 30.000 18 hommes et femmes, des vivres et tout ce qu’il faut». La question qui mérite d’être posée: le Maroc était-il en ce moment une terra nullius, pour que nous acceptions l’idée de débarquement de tout ce monde sur le sol du Maroc antique?

15. Et s’il apparaît à ces chercheurs que le Maroc avait ses habitants, alors comment expliquer que Hannon puisse débarquer avec ses 30.000 et que les habitants ne réagissent pas contre ceux qui découpent leur terre et qui vivent de ses richesses? Pourquoi jamais une expédition carthaginoise n’a été enregistrée au Maroc? Les Carthaginois, supposés être au Maroc, n’étaient-ils jamais menacés?

16. Si la terre de l’Afrique Mineure, en général, et celle du Maroc antique en particulier étaient à l’abandon et que tout étranger pouvait s’y installer à sa guise, pourquoi à la fin du IXe siècle déjà, on voit les autorités des autochtones commander le sort de leur terre, tenir à sa possession puisque, d’après la fameuse tradition, ils louent un lopin de terre aux Phéniciens et ne l’offrent, ni le vendent? Pourquoi de l’autre côté de l’Afrique Mineure, les commerçants phénico puniques ou qualifiés comme tels, restaient ils sur des îles et dans leurs embarcations se contentant de descentes furtives sur la terre ferme et pratiquant un commerce dit «à la muette»? L’entassement de tessons découvert sur l’île faisant face à la ville de Mogador, et qui n’a pas de semblable sur la terre ferme, ne peut-il pas être le révélateur d’un contrat d’autorisation de débarquement limité à cette île?

17. Et puis quel intérêt pour les Carthaginois de venir sur la côte atlantique nord du Maroc? Quel intérêt à fonder autant de villes entre Tingi et Lixus ou sur la côte nord atlasique du Maroc? Quels sont les produits qu’ils pouvaient avoir de cette côte et pas de la côte méditerranéenne de ce pays?

18. Les Carthaginois et avant eux les Phéniciens, créaient-ils des comptoirs pour cabotage? Ou pour le commerce? Si c’est surtout pour cette dernière raison (car on peut caboter même ailleurs que chez soi 19), quel est l’intérêt donc pour des marins tels les Carthaginois à créer des comptoirs sur la côte nord du royaume de Maurétanie, si leur objectif était celui d’acquérir directement la poudre d’or, les œufs et plumes d’autruches, de l’ivoire etc. 20, sans, ou avec le moins possible d’intermédiaires? Par cette grande aventure, les Carthaginois ne cherchaient-ils pas à éviter des intermédiaires? Le commerce avec les Éthiopiens que nous rapporte Scylax n’est-il pas une preuve de ce contact direct?

19. A supposer que ces comptoirs à propos desquels nous parle, aussi, Strabon 21, dont le chiffre (300) est sûrement exagéré, eussent été créés sur la côte du royaume de Maurétanie, doit-on supposer aussi que les Pharusii et les Nigrites avaient traversé les Atlas, les plaines et plateaux maures pour les détruire? Pourquoi les Maures auraient-ils laissé ces peuplades traverser leur territoire pour les saccager?

20. A supposer que les Maures avaient souhaité ce saccage, pourquoi ne l’auraient-ils pas fait eux mêmes directement? Mais si au contraire, ces Maures n’avaient pas cette envie et avaient plutôt, par intérêt, souhaité à ce que ces comptoirs continuent à exister, pourquoi alors ne les auraient-ils pas protégés? Pourquoi ce sont les Pharusii 22 les Nigrites 23 habitant tous au sud des Atlas, voisins des Aethiopes, qui, précisément, ont procédé à ces destructions? Cela ne traduit-il pas le résultat d’une envie ou de griefs dus au voisinage et aux relations directes?

21. Si les Carthaginois étaient partout comme on le suppose et étaient à l’origine des villes, des civilisations, des produits de céramiques etc., pourquoi leur pratique funéraire n’était pas répandue partout sur le sol du Maroc; même si la découverte d’une sépulture avec céramique ou bijoux 24, relevant d’une telle ou telle civilisation, ne permet pas de définir l’ethnie du défunt? Il peut s’agir d’une mode, d’une acculturation. Autrement dit, il peut s’agir de femmes amazighes se parant de bijoux carthaginois, ou d’hommes amazighs buvant ou mangeant dans une vaisselle de céramique étrangère. Ces gens là utilisaient bien la céramique grecque! 25 Les Indonésiens qui se font enterrer la tête orientée vers la Mecque sont-ils tous Arabes ou avaient-ils été colonisés par les Arabes? 22. Si la terre marocaine était devenue phénicienne et carthaginoise pourquoi les villes ne portent-elles pas des noms phénicien et punique à l’exception de Rus Addir composé lui-même de Rus (cap en phénicien) et Addir (piémont en amazigh)? Peut-on accepter d’office l’idée même que les noms de cités composés de Rus étaient forcément de fondation phénicienne ou punique? Si c’est le cas, les cités dont le nom est composé d’Acra doivent-elles être, elles aussi, considérées de fondation grecque?

23. Si les Puniques dominaient le royaume du Maroc antique ou le tenaient économiquement, pourquoi Baga a-t-il pu agir contre les intérêts des Carthaginois en faisant accompagner leur ennemi, le prince Massinissa aux frontières du royaume de ses pères? 26 24. Les Maures ne peuvent-ils pas être méfiants vis-à-vis de ce peuple à qui leurs congénères de l’Est avaient, jadis, loué un lopin de terre qu’ils n’ont pas tardé à transformer, par la force de l’épée, en un Empire 27. Les guerres répétées que les Carthaginois menaient contre les Africains ne peuvent pas ne pas arriver aux oreilles des chefs du pays du couchant. La pratique du commerce dit à la muette où les Phénico-puniques ne devaient fouler la terre des Hespérides que pour échanger furtivement leurs marchandises, ne constitue-t-elle pas une preuve de leur méfiance? La méfiance de Bocchus I 28, encore à la fin du IIe siècle avant J.-C., ne traduit-elle pas une peur héritée du passé?

25. Si le royaume du Maroc était bondé de Carthaginois, pourquoi ces mêmes Carthaginois du Maroc n’ont-ils pas pris part aux guerres puniques aux côtés de Carthage?

26. Si ces villes, que d’aucuns considèrent d’origine phénicienne ou punique, l’étaient vraiment, pourquoi les techniques de construction utilisées dans les bâtiments de ces cités ne sont-elles pas phéniciennes et carthaginoises 29; même si l’introduction de celles-ci dans tel ou tel pays ne veut pas dire présence physique du peuple inventeur? Les techniques grecques ne sont-elles pas introduites en abondance sur le sol du Maroc antique sans domination, ni présence grecque? 30 Ceci ne prouve-t-il pas qu’une technique peut être importée sans avoir à introduire le peuple inventeur avec? Qu’aurait-on entendu si les techniques de construction sur le modèle grec qu’on rencontre dans de nombreuses cités du Maroc antique étaient phéniciennes ou carthaginoises!

27. Si les Puniques étaient partout sur le sol marocain, pourquoi les traces de leur divinité principale Tinit ne s’y trouvent pas? Se sont-il débarrassés de cette croyance avant de venir au Maroc?

28. Si les Puniques étaient partout sur le sol marocain, pourquoi les traces de leur langue ne sont-elles pas restées dans la langue amazigh (berbère) de ce pays 31

29. Si les Puniques étaient partout sur le sol marocain, pourquoi hormis Volubilis, nous n’y trouvons pas de trace de suffétat; même si on peut introduire une institution sans la présence physique de ses inventeurs? 32 L’inscription punique, quant à elle, découverte à Volubilis 33 et dans laquelle le dédicant, chose curieuse, décline les noms de ses ancêtres et leur fonction de suffétat, affirme-t-elle que ces personnes sont de Volubilis ou y avaient exercé leur suffétat?

30. Si les Puniques constituaient la majorité ou une bonne partie de la population du Maroc antique, pourquoi les noms des personnes, à l’exception de Bostar 34, ne sont pas phéniciens ou puniques; même si le nom ne reflète pas toujours l’ethnie de celui qui le porte. Les Amazighs ne portent-ils pas les noms arabes tels que Mohammed, Fatima, Zineddine et Zidane? Des princes et des rois qu’on sait Amazighs n’avaient-ils pas porté des noms à consonance punique tel que celui d’Adherbal et de Mastanabal?

31. Si les Puniques étaient vraiment les maîtres du commerce au Maroc antique, pourquoi n’y trouve-t-on pas ce genre de céramique hellénique connu pour avoir été commercialisé par Carthage et dont la découverte se limitait, bizarrement, à l’Espagne, au territoire Carthaginois et ses environs 35; même si la découverte d’une céramique, même phénicienne ou punique, ne constitue pas une preuve de la présence physique des Phéniciens et des Carthaginois sur le sol du Maroc antique? La découverte de céramique grecque et italienne, datant du Ie siècle avant J.-C., sur le sol du Maroc antique, constitue-t-elle une preuve de présence de Grecs et de Romains sur ce territoire à cette époque? Le sens du commerce; quant à lui, peut ne pas être l’apanage des Phéniciens et Carthaginois uniquement. Les Soussis 36, les Mzabis, les Jerbis sont connus pour leur sens du commerce; ceci ne peut-il pas être la perpétuation d’une tradition venue des temps lointains?

32. Si la présence des Phéniciens et des Puniques était d’une telle importance, pourquoi les inscriptions phéniciennes sont-elles absentes. Pourquoi celles dites 37 puniques se comptent sur les doigts de la main, alors que celles dites Libyques (donc Tifinagh) sont abondantes sur le sol du royaume? 33. Comment des cités comme Sala, Banasa, Thamusida, voire Volubilis 38 qu’on dit fondées au IIe siècle avant J.-C. peuvent-elles être l’oeuvre de Carthage qu’on sait en guerre depuis le dernier quart du IIIe siècle, ensuite vaincue, affaiblie, enchaînée par le traité et enfin détruite en 146 avant J.-C.? 34. La céramique produite sur le sol marocain et dont on dit qu’elle est «de tradition punique», si elle rappelle celle des Carthaginois, mais pas celle des Phéniciens, n’est-elle pas ipso facto africaine? La trouver à Cirta, à Banasa, à Thamusida, à Volubilis ou à Carthage c’est une chose normale. Elle leur vient toutes de cette terre qui leur est commune, l’Afrique, sauf qu’elle est célèbre d’abord à Carthage grâce à la célébrité de celle-ci. La thèse de la domination phénico-punique au Maroc est tellement forte dans l’esprit de certains chercheurs qu’une poterie découverte sur le sol marocain peut avoir des caractéristiques différentes, être de meilleure qualité que celle de Carthage, mais il n’en demeure pas moins qu’elle reste à leurs yeux un sous produit de celle-ci. C’est ainsi que décrivant des vases découverts à Banasa, A. Luquet écrit :

Tous sont monochromes et ne sont pas décorés de lignes noires. Alors qu’à Carthage, les couleurs normalement employées durant le VIIIe siècle et le VIIe siècle sont le noir, le rouge, le violet et le marron, nos vases de Banasa son  peints de couleurs plus claires: marron clair, jaune clair, jaune orangé, brun rouge, terre de Sienne, terre de Sienne brûlée, sépia et brun Van Dyck, et en dernier lieu, dans les couches inférieures, quelques fragments peints de couleur vermillon. Comme on peut le constater, la gamme de ces couleurs est assez variée; par contre, les formes et les décors linéaires se rapprochent assez 39 de la céramiques punique archaïque… 40.

Les potiers carthaginois

[…] utilisaient comme dégraissant un sable marin relativement très grossier, à peine broyé. Le travail de la pâte était imparfait et la céramique est très souvent
grossièrement fissurée la qualité de dégraissant est relativement faible.

Tout au contraire, les poteries récoltées à Banasa sont de prime abord mieux travaillées. Le dégraissant employé est souvent du quartz finement broyé, intimement lié à la pâte, dont le degré de finesse est remarquable pour certaines pièces. La cuisson a été bien menée, la cassure est nette, sans fissure, entièrement rose ou quelquefois rubéfiée 41.

Malgré cette constatation, l’auteur n’y voit que la main des Carthaginois ou le cas échéant celle des Espagnols. «Quelle serait l’origine de ces ateliers de potiers?» se demande l’auteur, qui répond :

Dans une première hypothèse, on pourrait imaginer des colons débarquant sur la côte atlantique et apportant avec eux des ustensiles de première nécessité tels que réchauds en terre, vases jattes, marmites, etc. Ces ustensiles ne sont pas de longue durée et il faut les remplacer. L’importation y pourvoira d’abord, puis on fera venir des potiers (sic) qui construiront des fours et tourneront des vases et des jattes à l’image de ceux qu’ils fabriquaient à Carthage. Autre hypothèse, continue le chercheur français, il n’est pas impossible que des potiers de la Bétique se soient expatriés, pour une raison que nous ignorons, et se soient installés à Banasa 42.

Ainsi comme on peut le constater, cet auteur cherche, malgré tout, une intelligence et des mains d’un peu partout sauf du sol même du Maroc. C’est dire à quel point le mythe de la présence carthaginoise est ancré dans l’esprit de certains chercheurs, d’une part, et à quel point ils suggèrent la stérilité de la nature du peuple autochtone, d’autre part 43.

35. Si le Maroc était submergé par le commerce des puniques, pourquoi n’y a-t-on pas découvert leur monnaie en quantité reflétant une telle présence économique?

36. Si les Carthaginois étaient les maîtres de l’économie du Maroc antique, pourquoi le système monétaire du royaume de Maurétanie était-il tout a fait différent de celui de Carthage? Constatant le manque d’influence étrangère sur les monnaies du royaume, J. Mazard 44 aboutit à une conclusion, le moins qu’on puisse dire, surprenante, puisqu’il écrit:

De cette vision rapide de la numismatique maurétanienne, que devons nous conserver? C’est tout compte fait, la faiblesse des influences extérieures. La création d’une monnaie, continue l’auteur français, ne répondait pas à de véritables nécessités économiques (sic). Ce fut vraisemblablement dans le but de manifester l’exercice d’un droit régalien, plutôt que dans celui de créer un véritable instrument d’échange, que ces princes et ces cités furent conduits à battre monnaie. En raison de ces préoccupations strictement (sic) personnelles et locales, les influences étrangères ne pouvaient être que légères et fugaces. C’est pourquoi cette numismatique affecte un caractère original qui la distingue de ses proches et en particulier de celles de l’Est africain et de l’Espagne? 45

Ainsi, cette inventivité, cette richesse dans les symboles gravés (épis de blé, grappes de raisin, palmiers dattiers, abeilles, poissons, chevaux, bovins, navires etc.) ne traduisent pas, selon J. Mazard, une force, mais une faiblesse. Cette originalité de la monnaie, aurait-elle fait dire à ce chercheur la même chose s’il s’agissait d’un autre Etat de la Méditerranée, la Gaule par exemple?

37. Dans le paragraphe 8 du périple, Hannon s’est fait accompagner de Lixitains pour lui servir d’interprètes entre lui et les Éthiopiens. De là on a supposé que la langue de communication entre eux était forcément le punique et que par conséquent les Lixitains, en question, étaient des sujets phénico-puniques. Mais comme il n’y a pas de preuve de l’arrivée de Phéniciens ou Puniques au sud au Maroc avant Hannon, on a déduit qu’il s’agissait d’habitants de la Lixus située face à Gades, qu’on suppose être une fondation phénicienne 46. Or ce qui échappe aux défenseurs de cette thèse, et J. Carcopino à leur tête, c’est que Hannon est un africain. Il peut très bien avoir parlé l’Amazigh (berbère) avec les Lixitains, langue de sa terre natale. Ce dont il pourrait avoir besoin c’est d’interprètes de l’Ethiopien à l’Amazigh et vice-versa. Et s’il arrivait qu’il ne parle pas l’Amazigh, lui qui a procédé à tant de préparatifs, qui va longer la côte du pays des Amazighs, allait-il oublier de se faire accompagner de personnes parlant cette langue? Ainsi les Lixites ne feront que traduire à Hannon ou aux Amazighs l’accompagnant de l’Ethiopien à l’Amazigh. Ceci nous libère de l’obligation de situer les Lixitains dans une zone pouvant avoir eu un contact, préalable, avec les Puniques ou les Phéniciens.

38. Vouloir identifier des Lixitains nomades de Hannon avec les sédentaires de la cité de Lixus du nord n’a-t-il pas semé le trouble dans l’esprit des gens de l’antiquité à nos jours? N’a-t-on pas été gêné par l’ordre des toponymes en raison de la place qu’occupe le pays des Lixitains dans cet ordre? N’a-t-on pas, parfois, procédé à la réécriture du texte? N’a-t-on pas douté de la véracité même du texte?

Toutes ces interrogations et bien d’autres nous poussent à penser qu’il faudrait revoir l’idée selon laquelle les Lixites de Hannon seraient les habitants de la Lixus du nord. Et quand on sait que les Ethiopiens, leurs voisins, sont localisés par les auteurs anciens au sud des Atlas, il y a tout lieu de chercher au sud du royaume du Maroc un emplacement pour ces Lixites, autre que celui auquel on a toujours voulu les attacher. Et justement, le terme Alekous, qui donne à ses natifs le qualificatif Oulekkous en Amazigh et Al-Lekkoussi, en arabe, ne manque pas dans la région du Souss. Il a été porté par des personnalités éminentes natives de cette région 47. Il a été porté, aussi, par la rivière qui traverse le bassin de Tarswath et par les gens de cette zone située à proximité et au sud de la ville de Tafrawt, toujours dans le Souss. A cela s’ajoutent d’autres toponymes de la même famille. Ainsi nous avons la ville d’Alkoust (féminin d’Alkkous), qui fut la capitale des Gzoula (plaine du Souss) au XIIe siècle 48, Tanekkist (ou Talekkist), vallée de l’Anti-Atlas occidental ouverte par le cours supérieur de l’oued dit actuellement, dans son cours inférieur, Oued Massa 49, Adrar Elekkest ou N’Lekest 50 qui est le nom du versant occidental de l’actuel Anti-Atlas, Anekkis, Anekist 51 ou plutôt Alekkis, Alekist 52, nom ancien de l’Anti-Atlas, lui-même. Tous ces toponymes et anthroponymes qui ne sont pas sans nous rappeler le nom du fleuve Lixus et les Lixites, existaient dans le Souss 53, zone productrice d’argent 54, de cuivre 55, de zinc ou de l’antimoine 56, de salpêtre 57 et plaque tournante du commerce de poudre d’or du Soudan, de peaux, d’esclaves noirs, de cire, de gomme, d’ambre gris de première qualité, de musc, de civette, d’indigo, d’ivoire, d’œufs et de plumes d’autruches pendant le Moyen-âge et à l’époque moderne 58. C’est au sud et à l’ouest de la plaine du Souss que se trouve la zone des gisements de sel, de cuivre, d’or, d’argent, du Todrha 59, de Tazrart 60 et de Tamedoult 61, exploités au tout début du Moyen-âge et avec laquelle elle était liée par l’historique route commerciale passant par les cols de l’Anti-Atlas 62. C’est au sud-est de cette plaine même que se trouve le site appelé encore actuellement, par les autochtones, Agadir n’ Finiqs, termes qui invitent avec force à la traduction “le mur (ou la place forte) des Phéniciens” et qui est, curieusement, situé sur la route caravanière, appelée “piste impériale”, reliant Tiznite, ville de la plaine du Souss, à Tindouf et à Dakar 63.

C’est, donc, à l’extrême sud du royaume de Maurétanie, laquelle extrême est située, selon Al Bakri, à un mois de marche (soit 900 km) de Tingi 64, qu’il faut, à notre sens, placer ces comptoirs carthaginois 65. C’est là-bas qu’il faut renforcer les efforts de fouilles.

C’est dans cette région du Sud du royaume du Maroc antique qu’il faudrait, à notre avis, chercher la Lixos, dite 66 fondée par les Puniques 67, située au voisinage des Éthiopiens et des Pharusii 68, à une distance quasi infinie de Tingi 69 et à trente jours de marche de Lynx (autrement dit de Lixus, la célèbre), selon les sources de Strabon 70, sources auxquelles le géographe ne croit pas tellement, parce que, entre autres, sa pensée allait, justement, et à tort, à la Lixus du nord.

La proximité de la Lixus du nord et sa célébrité ont fait que, de l’antiquité à nos jours, on n’a pas cessé, à tort, de voir en elle la cité dont les habitants sont mentionnés par Hannon et ce malgré l’ordre dans lequel sont cités ces Lixites par rapport à l’itinéraire maritime du récit du Carthaginois. Cet ordre a beaucoup dérangé, au point où d’aucuns ont cru devoir douter de la véracité du périple 71. En effet, le fait d’être en présence de deux paramètres
géographiques pour deux lieux, l’un connu, l’autre méconnu, portant deux noms identiques, a semé le trouble dans les esprits. C’est cette confusion dans la tête même de Pline qui consiste à prendre des Lixites du sud, dont il ignore l’existence, pour les Lixites du nord, eux célèbres, qui lui a fait écrire:

minus profecto mirentur portentosa Graeciae mendacia de his et amne Lixo prodita qui cogitent nostros nuperque paulo minus monstrifica quaedam de iisdem tradidisse, […], quaeque alia Cornelius Nepos avidissime credidit 72

Au sujet de l’autre Lixus bien éloignée de Tingi. C’est, aussi, en partie 73, le fait de prendre la Lixus du sud, voisine des Pharusiens et des Ethiopiens (peuplades qu’on savait vivre au-dessus des Atlas) pour la Lixus du nord, dont on sait qu’elle fait face à Gadeira, que Strabon, après Artémidore, croit devoir rejeter ce qu’a rapporté Eratosthène 74. C’est en voulant concilier entre ce qui est rapporté au sujet de la Lixus du nord et celle du sud, les croyant une et même ville, que l’auteur du périple de Pseudo-Scylax, s’est mis dans une situation inextricable que ne peut illustrer que la confusion de son texte quant à situer les toponymes 75.

Hlima Ghazi-Ben Maïssa, Faculté des Lettres, Université Mohammed V, Rabat.

Cet article a été publié initialement dans L’Africa romana XVII, pp. 97-114.

1. Le Périple de Hannon, 6.
2. PLIN., nat., V, 9.
3. J. DESANGES, Pline l’Ancien, Histoire naturelle, (trad. et comm.) éd. Les Belles Lettres, Paris 1980, p. 111,
4. Cfr. PLIN., nat., II, 169.
5. Il y a bien, selon le texte relatif au périple de Hannon, création de comptoirs avant l’arrivée au territoire des Lixitains.
6. N’oublions pas que le texte nous décrit les zones côtières.
7. Cfr. entre autres PLIN., nat., V, 10, 43 et 77 et spécialement 10 où cet auteur les qualifie de Darathitas; HDT., VII, 69; SCYL., 112; STRAB., II, 3, 4; III, 4, 3; XVII, 3, 5; XVII, 3, 7 et 8, XVII, 3, 23; MELA, III, 96; SALL., Iug., XIX, 6-7; APPIAN., Numid., V; PAUS., I, 33, 5; OROS., I, 2, 91-93; AMM. MARC., XXIX, 5, 37; OROS., I, 2, 93; ISID., Etymol., XIV, 5.
8. «Les commerçants, nous rapporte Pseudo Scylax, sont des Phéniciens quand ils arrivaient à Kerné, ils amarrent leurs vaisseaux ronds et dressent les tentes dans l’île. Ils déchargent leur cargaison et la transportent à terre dans de petites embarcations. Il y a là des Ethiopiens, avec qui ils font des échanges», PS. SCYL., 112. Cet épisode relaté, aussi, par Hérodote (IV, 196) doit ˆetre placé avant le Périple de Hannon. La decouverte de tessons d’importation sur l’ˆıle de Mogador, dont la date remonterait au VIIe siècle, plaide dans ce sens.
9. Ibid.
10. PAUS., I, 33.
11. Auteur almohade anonyme, Al Istibçar fi Aja’ibi Al-Amçar, Casablanca 1985, (en arabe), p. 211.
12. PLIN., nat., V, 4.
13. PALAIPHATOS, Peri`·apistvnq, XXXI.
14. J. ONRUBIA-PINTADO, Des marins de fortune aux Fortunées il y a trois mille
ans? Quelques considérations sur le basin de Tarfaya (Sahara nord atlantique) à l’aube
du premier millénaire avant J.-C. et le problème de la colonisation de l’archipel canarien,
«AntAfr», I, 33, 1997, p. 27.
15. PLIN., nat., VI, 203.
16. PLIN., nat., V, 9-10.
17. C’est cette image, voire même réalité, qui, à notre avis, demeura encore au Moyen-âge. Ainsi au Xe siècle, IBN HAWQAL, La configuration de la terre, Beyrout 1965 (trad. française), t. 1, p. 89-90 parlant du Souss nous dit «Il n’y a dans le Maghreb entier aucune région plus riche et plus pourvue de produits précieux. On y voit tout espèce de comestibles, tant des régions froides que celles des régions chaudes, comme des limons, des noix, des amandes, des dattes, de la canne à sucre, du sésame, du chanvre et toutes sortes de légumes qui ne se trouvent guère réunis ensemble en d’autres lieux».
18. Certains pensent que ce chiffre annoncé au moment de l’embarquement est exagéré, mais ceci reste à être prouvé. Par contre, ce qui apparaît logique à notre avis, c’est que ce chiffre, qui peut être authentique au départ, doit aller diminuant sérieusement, par la force de l’aventure et à mesure qu’on s’éloigne du point de départ. Ce qui enlève aux arrivants, à ces destinations si lointaines, ce caractère massif qui peut être effrayant et paraître menaçant aux yeux des autochtones et qui aurait eu lieu si l’aventure s’était arrêtée aux alentours de la Lixus du nord.
19. Autrement, on aurait assisté à la poussée de comptoirs sur les différentes côtes suite à tout périple de l’histoire de l’humanité.
20. Recevoir ces produits par des intermédiaires, ils pouvaient le faire même de chez eux. Les Pharusii n’arrivaient-ils pas aux portes de Cirta, selon STRAB., XVII, 3, 7.
21. STRAB., XVII, 3, 3.
22. STRAB., XVII, 5, 33 et XVII 3, 7; PLIN., nat. V, 10, 16, 43 et 46; VI, 195; MELA, I, 22; III, 103 et 104; STRAB., II, 5, 33; XV, 3, 3 et 7; XVII, 3, 3 et 7.
23. Nigrites ou Nigretes, cfr. entre autres, STRAB., II, 5, 33; XVII, 3, 3 et 7. PLIN., nat., V, 30 parle du fleuve Nigris et dit (V, 43) qu’ils doivent leur nom à ce fleuve; soit le Niger actuel.
24. Rien de semblable, de près ou de loin, à ces impressionnantes sépultureshypogées du type de celles que renferme la nécropole de Carmona (Espagne) que nous avons eu le plaisir de visiter dans le cadre des activités du XVII Colloque de L’Africa romana, le 15 décembre 2006, n’a été découvert sur le sol du Maroc, soi disant habité par des Phéniciens et des Puniques. Il faut souligner que ce que renferme ce site prouve bien que quand il y a, effectivement, présence avérée des Phéniciens ou Puniques à un endroit, il y a persistance de leur mode de sépulture même à des époques ultérieures, ici, à l’époque romaine. 25. On peut m’enterrer avec un bijou suédois, cela ne fait pas de moi une suédoise. Un marocain peut être enterré avec une assiette chinoise, est-il pour autant
chinois?
27. Par contre, la présence de ces mêmes Phéniciens ou Carthaginois à l’extrême sud du royaume, ne constitue aucun danger pour ceux qui le gouvernent. Ils sont loin et bien loin de leurs forces et de leur réservoir d’hommes et toute aide à des fins hostiles peut être facilement interceptée sur la longue côte du royaume. De plus pour atteindre ce point, les dangers de la mer doivent toujours réduire sérieusement le nombre initial des passagers.
28. STRAB., II, 3, 3.
29. La technique de construction dite opus africanum est l’une des plus rarement utilisées sur le sol du Maroc antique.
30. Ce grand élan d’hellénisme a vu le jour, à notre avis, sur la terre du Maroc actuel, sous le règne du Roi Bogud et non de celui de Juba II, comme on l’a toujours soutenu. Cfr. H. GHAZI-BEN MAÏSSA, Le règne de Bogud (78-38 avant J.-C.) ou l’extraordinaire effervescence économique du Maroc antique, «La Recherche Historique», 3, 2005, p. 5-23.
31. Le substratum de notre langue aurait alors des ressemblances avec celui de la langue du pays des cèdres.
32. Le titre de Pacha a été largement introduit dans l’administration du Maroc, sans que les Turcs n’aient à dominer le pays.
33. J. FÉVRIER, Inscriptions puniques et néo puniques, dans Inscriptions antiques du Maroc, Paris 1966, p. 84-98; G. CAMPS, A propos d’une inscription punique. Les suffètes de Volubilis aux III et IIe siècle avant J.-C., «BAM», IV, 1960, p. 423-6.
34. ILMar., 116; IAMar., lat., 2, 448.
35. Cfr. J. P. MOREL, Céramique à vernis noir du Maroc, «AntAfr», 2, 1968, p. 69-70.
36. Le phénomène Soussi est étudié dans les Hautes Ecoles de Commerce (à Bordeaux notamment).
37. Les graphies dites punique et néo-punique, doivent, à notre avis, porter les noms des terres sur lesquelles elles ont éclos. La graphie grecque, qu’on dit dériver du Phénicien, ne porte-t-elle pas le nom du pays sur lequel elle a vu le jour? La graphie latine qui vient, comme chacun sait du grec, ne porte-t-elle pas le nom de son pays, le Latium, au lieu de rappeler, éternellement, son ancêtre le Grec ou le Phénicien?
38. Rien ne permet de dater son existence du IIIe siècle avant J.-C. L’inscription punique sur laquelle on s’est basé, son dédicant et ses ancêtres peuvent ne pas avoir exercé le suffétat à Volubilis, comme nous l’avons dit plus haut; c’est, peut-être même, pour cette raison, que, bizarrement, c’est le dédicant qui y étale les fonctions des ses aïeux.
39. Malgré tout l’auteur cherche à tout prix à la lier à la céramique punique.
40. A. LUQUET, La céramique préromaine de Banasa, «BAM», V, 1964, p. 122.
41. Ibid., p. 123.
42. Ibid., p. 121-2.
43. G. Charles-Picard, l’avait, lui, écrit sans ambages. Cfr. G. CHARLES-PICARD, Les religions de l’Afrique antique, Paris 1954, p. 25.
44. J. MAZARD, Création et diffusion des types monétaires maurétaniens, «BAM», IV, 1960, p. 107-16.
45. Ibid., p. 116.
46. J. CARCOPINO, Le Maroc antique, Paris 1943 (IVe édit.), p. 85-105.
47. Le cheikh de Tamanarte, mort en 1563, s’appelait bien «Mohamed Ben Ibrahim Ben ‘Amer Ben ‘Abd Al-Jabbar Al-Jazouli Al-Tamanarti» de demeure, «Al- Lekkoussi» d’origine (cfr. D. JACQUES-MEUNIÉ, Le Maroc Saharien des origines à 1670, Paris 1982, t. 1, p. 475, note 19; p. 476, notes 20, 21, 22). Le fameux savant et biographe Amazigh du Souss, Mohamed Ibn Ahmed Al-Haddigui Al-Loukkoussi, qui a vécu au XVIIIe siècle, porte bien, aussi, ce nom. Cfr. A. AMEZGOU, Les classes d’Al-Haddigui, Thèse, Université Mohammed V, Faculté des Lettres, Rabat, 1994, p. 14,
note 34.
48. D. JACQUES-MEUNIÉ, Le Maroc Saharien des origines à 1670, Paris 1982, t. 1, p. 250, 258-9, note 17, 346, note 42, 360, note 63, 370-3, 475, note 19. L’auteur
pense que cette cité pourrait être située à l’entrée en plaine du cours supérieur de l’oued dit actuellement Massa.
49. Ibid., t. 1, p. 115, 139, 259, note 17, 347, note 43, 360, 466, note 8.
50. Ibid., t. 1, p. 87, 110-7, 138-9, 347, note 43, 360, note 63, 358-61.
51. Ibid., t. 1, p. 259, 346-8, 376-80, 389.
52. Le passage du L au N est chose courante chez les Haratins très présents dans les zones sud du Maroc.
53. Peut-être que c’est l’oued dit, actuellement, Oued Massa qui portait, du temps de Hannon, le nom de Alux ou Alecus. N’est-il pas issu pour une grande part des vallées du Jebel Lekest? Cfr. JACQUES-MEUNIÉ, Le Maroc Saharien, cit., t. 1, p. 138-9. C’est sur le site dit Tankist ( = Talkist) que les eaux de l’oued furent retenues par la construction, en 1973, du barrage «Youssouf Ibn Tachfin». S. Gsell avait, lui, vu, dans le Lixus de Hannon, l’Oued Dra’a. Cfr. S. GSELL, Histoire Ancienne de l’Afrique du Nord ( =HAAN), t. 1, Paris 1913, p. 482, 484. note 7. Il sera suivi par M. MARCY, Notes linguistiques autour du périple d’Hannon, «Hespéris», t. XX, 1935, p. 60.
54. AL-MOURRAKOUCHI (’ABD AL-WAHID), Al-Mo’jib fi talkhiçi Akhbari Al- Maghrib, Beyrout 1998 (en arabe), p. 259. L’auteur évoque, ici, le nom de la cité Alkoust, comme étant l’Urbs de Gzouladu Souss.
55. Ibid., p. 260.
56. Ibid.
57. JACQUES-MEUNIÉ, Le Maroc Saharien des origines, cit., t. 2, p. 743.
58. Ibid., t. 2, p. 740-820.
59. Ibid., t. 1, p. 217, 220.
60. Ibid., t. 1, p. 220.
61. AL-YA‘QOUBI, Al-Bouldan, Annajaf 1957 (en arabe), p. 110: «[…] Des localités des Beni Dar‘a, se trouve celle, pas grande, de Tamedoult […] autour d’elle des gisements d’or et d’argent à fleur du sol, on dit que les vents les emportent»; cfr. aussi AL-BAKRI, Description de l’Afrique Septentrionale, Paris 1965 (IIe édit., trad. française), p. 316.
62. Cfr. JACQUES-MEUNIÉ, Le Maroc Saharien des origines, cit., t. 1, 395-6. Errata: les références signalées par l’abréviation «Ibid.» des notes 384 et 385 de notre article H. GHAZI-BEN MAÏSSA, Image ou mirage de la Tingitane à travers les sources arabes médiévales, dans L’Africa romana XIV, p. 2249 renvoient à l’ouvrages de Jacques-Meunié et non pas à ceux des auteurs signalés à la note précédente.
63. Cfr. JACQUES-MEUNIÉ, Le Maroc Saharien des origines, cit., t. 1, p. 165.
64. Cfr. AL-BAKRI, Description, cit., p. 214.
65. Suite à la brève analyse que nous avons faite (GHAZI-BEN MAÏSSA, Image ou mirage de la Tingitane, cit., p. 2249-50) du texte de Strabon (XVII, 3, 3), nous proposons, avec beaucoup de réserve, que le comptoir de Thymiatérion soit confondu avec le site de la ville d’Asfi (ville entourée des plaines de Doukkala et d’Abda); celui de Caricon Teichos avec celui de la ville d’Agadir dont le nom complet est un nom composé de «Agadir» et «N’Ighir» et qui veut dire textuellement «le Mur ou l’Enclos de l’Epaule (de la montagne)». Ainsi, Teichos correspondrait à Agadir et Caricon à Ighir. GSELL, HAAN, t. 1, p. 483, avait fait le même rapprochement, mais lui, en raison du terme punique (cfr. PLIN., nat., IV, 120 et AVIEN., ora mar., V, 268-269), donc africain, Agadir, qu’il considère, à tort, d’origine phénicienne. D’ailleurs, à notre connaissance, ce terme n’apparaît nulle part dans le monde phénicien, excepté sur la côte, curieusement, toute proche et faisant face à l’Afrique. Mais, paradoxalement, nous le rencontrons avec abondance sur la terre de Tamazgha (la Berbérie).
66. Le périple ne mentionne pas cette ville parmi les fondations des marins; par conséquent, nous pensons, que c’est une ville fondée par les autochtones après l’arrivée des Carthaginois et suite à l’efflorescence du commerce avec eux.
67. PS. SCYL., 112.
68. «Ces Pharusii […] habitent […] vers les Ethiopiens occidentaux […] se rencontrent, mais rarement, avec les Maurusiens en traversant le désert». STRAB., XVII, 3, 7.
69. Selon les sources de PLIN., nat., V, 4.
70. STRAB., XVII, 3 et 8.
71. D’autres ont voulu le limiter à Lixus, la célèbre, ce qui aurait fait perdre à ce Périple tout son sens. D’autres ont voulu y voir “l’éternelle” perfidie des Carthaginois, désireux de brouiller les pistes.
72. PLIN., nat., V, 4.
73. Le chiffre 300 avancé comme étant le nombre de cités créées par les Phéniciens sur la côte de Libye (cfr. STRAB., XVII, 3, 3) doit aider à douter de l’information. D’ailleurs si l’on adopte ce chiffre, c’est l’idée de «villes» de 100 habitants chacune que l’on doit accepter en supposant, bien suˆ r, que tous les partants (30.000) sont arrivés sains et saufs à destination. Ce qui relève de l’impossible.
74. STRAB., XVII, 3, 8.
75. Cfr. PS. SCYL., 112.

Bassem ABDI

Passionné d'histoire, j'ai lancé en 2013 Asadlis Amazigh, une bibliothèque numérique dédiée à l'histoire et à la culture amazighe ( www.asadlis-amazigh.com). En 2015, j'ai co-fondé le portail culturel Chaoui, Inumiden.

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