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Cosmogonie Libyco-Numide

Les études relatives au dossier des civilisations antiques d’Afrique du Nord connaissent un tournant positif fondamental. Le contexte aussi bien local qu’international y est pour beaucoup. Dans ce cadre, nous aimerions dire, qu’une rétrospective d’ordre strictement épistémologique, par ailleurs vivement souhaitée de voir le jour, est d’un intérêt incontesté pour visualiser le passé, le présent et bien évidement l’avenir de ces recherches.

D’abord, signalons quelques recherches effectuées à ce sujet, qui portent uniquement sur la Tunisie, qui peut constituer un jalon non négligeable et fort intéressant pour lancer cette enquête[1].

Cette recherche inédite qui vise à élucider la question de l’identité culturelle Libyco-Numide et plus précisément la vision de l’univers religieux chez les Libyens et les Numides. Cette étude fait partie d’une approche plus globale sur les Libyco-numides. Pour cette rencontre on va se limiter à certains aspects de cette civilisation. Ainsi, notre étude va se focaliser sur l’analyse de quelques documents archéologiques qui se rapportent à trois grands thèmes religieux de portée universelle, du moins orientale et méditerranéenne, à savoir le péché originel d’Adan et d’Eve, le retour de l’âme du mort vers le paradis et enfin le Déluge du prophète Noé.

Cette présentation sera classique dans son plan. Elle comportera trois axes principaux. Les axes de notre communication porteront sur la l’exposition des mobiles de cette recherche. Ensuite, la présentation commentée de documents archéologiques relatifs aux trois thèmes précédemment choisis pour tenter de cerner l’identité religieuse des Libyco-numides. Enfin, Nous tenterons de trancher la question de l’origine ou au moins de la connexion culturelle de ces documents et des idées qu’elles véhiculent.

Commençons par attirer l’attention à un fait primordial qui est celui de l’état des recherches sur les habitants de l’Afrique du Nord antique en quantité et en qualité. Les études relatives aux Libyco-numides, habitants de l’Afrique du nord antique, se caractérisent par leur rareté frappante. Les efforts des recherches aussi bien historiques qu’archéologiques ont un champ encore très inexploité à explorer à l’avenir. Dans la plupart des études relatives à l’Afrique du Nord antique, les autochtones étaient souvent présentés à l’ombre des civilisations qui ont effleuré l’Afrique du Nord ou qui y ont carrément élit domicile nous citons principalement, à commencer la période située vers la fin de la préhistoire, les Mycéniens, Les Phéniciens, les Grecs et les Romains. De surcroit, les approches appliquées à l’étude du patrimoine historique et archéologique des Libyco-numides nécessitent elles aussi une révision fondamentale pour laquelle nous auront une vision directrice que nous espérions présenter probablement dans un cadre similaire à celui-ci et c’est ce dont nous avons manifesté aux organisateurs de cette rencontre afin de crée un élan de recherche qui dure. Pour ce qui de notre présentation, elle est une réaction à ces approches impertinentes qui ont étudié les legs historiques et archéologiques Libyco-numides puisque plusieurs documents que nous présentons dans ce cadre étaient déjà publiés mais malheureusement ils étaient présentés et commentés avec un abus voire avec une gaucherie qui autorise de les reprendre. L’approche que nous appliquons à ces documents et à l’ensemble de la civilisation Libyco-numide se pose la question de la continuité ou de la discontinuité entre cette culture et les autres civilisations du bassin méditerranéen et de l’Orient à travers l’adoption d’idées religieuses fondamentales et communes à toutes ces cultures. Vu les limites qu’implique ce cadre, nos investigations se sont focalisées sur trois thèmes que nous considérons majeurs tel que celui du péché d’Adan et d’Eve en cueillant le fruit du paradis, du retour de l’âme du mort au paradis et enfin du déluge que connu le prophète Noé et sa communauté.

Le premier thème de notre enquête sur la vision religieuse des habitants de l’Afrique du Nord antique est celui en rapport avec le premier couple de l’Humanité que constituent Adan et Eve. Effectivement, les Libyco-numides adhéraient ils à cette histoire universelle, celle du péché originel ? Pour débattre de cette question, nous allons présenter un document très intéressant. Avouons que la présentation de ce document avec cette approche pour la première fois avait étonné beaucoup de mes collègues[2]. Nous même, la première fois que nous avons pu décrypter le décor de ce vase, nous étions très étonnés du contenu de la scène de décor qu’il arbore. Il est vrai que ce vase est intriguant aussi bien par son cas unique jusque-là que par le décor qu’il offre sur lequel nous allons revenir en détail au cours de cette présentation. C’est un vase modelé de traditions libyco-numides certaines même s’il est découvert une tombe d’époque punique dans la cité de Carthage. Cet ustensile est muni au fond de sa cuvette d’un décor, que nous précisons, qui publié ici pour la première fois, représentant à nos yeux « la scène du péché originel » commis par Adan et Eve au paradis (figures 1-3)[3].

Les vases de cette forme sont peu nombreux selon la documentation disponible[4]. De plus, ils sont peu attestés en dehors de Carthage. En ce qui concerne, la collection de Carthage, uniquement deux exemplaires nous sont parvenus intacts ou peu endommagés et, pour notre plaisir, ce sont aussi les deux exemplaires qui comportent un décor peint. Comme on va le voir tout au long de cette présentation, le décor de ces deux vases se rapprochent énormément. Le vase avec lequel on va commencer notre présentation (figures 1-3) renferme un décor peint au fond de sa cuvette qui est intéressant pour l’approche que nous présentons dans ce cadre. Il s’agit de trois silhouettes humanoïdes qui se succèdent. La première, située en avant, tend la main vers quelque chose ressemblant à un tubercule. Derrière ces trois entités, on trouve un élément sinueux. Il s’agit de tenter de décrypter ce décor, d’élucider sa signification et de déterminer le mobile de son élaboration.

Les différents éléments du décor du vase se divisent en deux catégories. La première concerne le décor contenu dans la scène peinte au fond de la cuvette, la seconde est constituée par le décor situé tout autour sur le bord de la cuvette du vase. La scène du décor située au fond de la cuvette comporte les éléments suivants. Il s’agit de trois silhouettes humanoïdes qui dominent le centre de la scène, le soi-disant tubercule situé en hauteur devant ces trois entités et l’élément en zigzag situé derrière eux. Les éléments qui se rapprochent le plus à ces figures concernent le récit relatif à l’évènement du fruit interdit qui eu lieu au paradis. C’est l’histoire d’Adan et d’Eve qui avec Iblis le chef des diables avaient transgressé l’ordre de Dieu de na pas toucher au fruit de l’arbre du paradis. Effectivement, tous les éléments de ce décor du vase de Carthage corroborent, à la perfection même, avec les multiples acteurs de cet évènement dit du péché originel. Cet évènement pourtant relaté par la Bible est encore situé entre la légende et l’histoire[5]. Cette représentation en est vraisemblablement l’une des interprétations figurées. Donc, les trois silhouettes seraient celles d’Adan, d’Eve et de Diable. La silhouette du devant serait celle d’Eve. Elle s’apprête à cueillir le fruit interdit représenté par le tubercule suspendu. Les silhouettes du milieu sont celles d’Adan et de Diable.

Le décor peint sur le bord de la cuvette du vase de Carthage est désormais plus facile à élucider. Il reflète effectivement le lieu où le décor de la scène centrale se déroule. Les rinceaux de feuillage peints sur le bord de la cuvette évoquent bien évidemment le paradis ; l’endroit où eu lieu cet évènement.

Comme nous l’avons précédemment annoncé, et c’est un fait scientifique qui n’est pas sans nous interpeller, jusque-là ce document est unique en tout cas en Afrique du Nord. Fort heureusement, nous disposons d’un autre document exhumé en Orient qui peut lui être comparé. Il s’agit d’un bol provenant de la Méditerranée orientale, plus précisément de Chypre qui est pour le moins intéressant pour notre étude. Ce bol provient probablement d’une tombe du site de Kandou. Il remonte à une période située entre le milieu du huitième et la fin du septième siècle avant J.-C. Il comporte toute une scène de décor peint constitué de multiples épisodes sur la paroi externe (figure 4)[6]. Parmi les figures de ce décor il y une qui se rapproche à celle du vase de Carthage que nous présentons ici. Cette scène comporte deux représentations de femmes associées au palmier. Dans la première représentation la femme est entre deux palmiers, elle est entrain de cueillir ses fruits (Figure 5). Dans la deuxième figure, la femme est au-dessus de l’arbre, elle semble avoir lancé un régime de dattes qui est en train de tomber. Non loin de ce régime de dattes et lui semble accroché un serpent (Figure 6). Nous présenterons brièvement le reste de ce décor juste pour compléter le tableau. Dans une troisième figure, située entre ces deux figures de la femme, une image représente un homme tenant ce qui semble être un ovidé d’une main et un objet difficile à déterminer de l’autre devant une sorte de poteau ou un arbuste. Ce document est plus explicite que le vase de Carthage. Nous retrouvons ici l’association de la femme, de l’arbre muni de ses fruits et du serpent.

Un autre vase fut découvert dans les nécropoles puniques de Carthage[7]. Par sa forme, il est similaire au vase présenté plus haut. La cuvette est elle aussi munie d’un décor peint qui, sans doute est pour évoquer le paradis. Le centre de la cuvette contient l’image de deux palmiers. Nous ne pouvons dire plus sur le décor de cet ustensile. Malheureusement, cet objet s’était brisé, la cuvette s’est divisée en deux et il a perdu son pied. De plus, il était très mal restauré et colmaté maladroitement avec du plâtre puis peint avec une couleur proche de celle de sa couleur d’origine ce qui, sans aucun doute, avait fait perdre certains éléments de la scène du décor central qui aurait été très intéressante pour nous puisque ce vase est à multiples égards proche du vase présenté en premier. En tout cas, nous pouvons affirmer que ces deux vases de Carthage évoquent tous les deux le paradis à travers leur décor. Le deuxième exemplaire, dont seul subsiste un décor de deux palmiers évoque lui-aussi les arbres du paradis (figure 7). Ces documents réunis, provenant de Carthage, nous confirment que Les Libyco-numides avaient conscience de l’idée du Paradis et plus particulièrement de l’histoire du péché originel. Le vase de Chypre renforce la notion de connexion culturelle avec le reste de l’Orient méditerranéen en tout à ce sujet précis.

Passons maintenant à voir un deuxième aspect de cosmogonie libyco-numide à savoir celui du devenir de l’âme du défunt après la mort. Le document que nous présenterons est une peinture funéraire découverte dans une tombe punique du lieu-dit de Jbel Mlezza au Cap Bon, non loin de la cité de Kerkouane (figure 8)[8].

Cette peinture avait auparavant fait l’objet de multiples études. Toutes s’accordaient à y voir le voyage de l’âme du mort vers ce qu’elles qualifient de « cité des âmes »[9]. Nous considérons que ce terme est trop flou et même impertinent pour illustrer ce à quoi croyaient les auteurs de cette œuvre. Cette représentation, illustre elle aussi le paradis vers lequel se dirige l’âme du défunt après la mort.

Le troisième et dernier thème choisi pour élucider l’univers religieux libyco-numide est celui du déluge qu’a connu le prophète Noé et sa communauté. Il s’agit d’une scène de décor peinte dans un monument funéraire de type hanout de la Tunisie du Nord, un lieu nommé Kef El-Blida, non loin de la ville d’Aïn Draham (figures 9-10)[10]. Ce document pourrait remonter au septième siècle av. J.-C.[11]. Cette peinture fut mal interprétée. Nous osons dire même qu’elle était atrocement décryptée par nos prédécesseurs. Il s’agit ici d’un problème global d’approche qui dépasse sans doute ce cadre et sur lequel nous pensons revenir prochainement dans des études ultérieures. Ainsi, la reprise de cette peinture rupestre dans cette communication vise à contribuer à sa relecture et aussi tenter de la réhabiliter. N’oublions pas tout de même qu’il s’agit d’une œuvre unique jusque-là en tout cas en Afrique du Nord. Cette représentation était presque unanimement vue comme le voyage de l’âme du mort dans l’univers de l’au-delà[12]. Nous pensons que cette scène n’est autre que la représentation du prophète Noé dans sa barque échappant aux flots du déluge. Ce document illustre lui aussi, avec pertinence, l’adhésion des Libyco-numides à un troisième et grand thème religieux de portée universelle après ceux du péché originel et retour de l’âme du mort au paradis qui est celui du Déluge survenu à l’époque du prophète Noé et enduré par lui et sa communauté.

Dans ce débat qui est celui de la vision religieuse des Libyco-numides, nous avons tenté de présenter les mobiles de cette approche et surtout son originalité. Nous avons également présenté un choix, le plus ciblé possible, de documents découverts surtout en Tunisie remontant à l’époque préromaine qui illustrent trois idées fondamentales de dimension universelle qui sont celles dite du « péché originel », de la résurrection des âmes et en l’occurrence de leur « voyage » vers le paradis et enfin du Déluge survenu à l’époque du prophète Noé. Il s’agit maintenant de définir la connexion culturelle de ces documents et bien évidemment des idées qu’elles véhiculent. Pour justifier l’insertion de ces documents dans ce débat il faut d’abord justifier leur appartenance à la sphère culturelle libyco-numide. En dehors du vase de Chypre présenté dans ce travail (figures 4 à 6) qui est exclu bien sûr de cette analyse, les autres documents jusque-là cités se divisent en deux catégories selon un critère fondamental dans leur attribution culturelle qui celui du contexte civilisationnel de leur découverte. Commençons par la peinture rupestre provenant du monument funéraire de type hanout de la région de Kef el Blida en Tunisie du Nord (figures 9 et 10). Celle-ci pose moins de problèmes d’identification et pourrait aisément être vue comme un document bel et bien libyque et facilement émanent de la culture libyque puisque les monuments funéraires de type hanout sont reconnus comme appartenant à la civilisation libyque[13]. De plus, la région du Nord-Ouest tunisien d’où elle provient est considérée comme l’un des fiefs qui ont cristallisé, avec majesté, la culture libyco-numide. Cependant, les autres documents méritent qu’on s’y arrête un peu. Il s’agit des deux vases semi-circulaires (figures 1 à 3 et 7) découverts dans des tombes puniques de Carthage et de la peinture funéraire de Jbel Mlezza, située dans les environs nord de la cité punique de Kerkouane sise dans la région du Cap Bon, au Nord Est tunisien (figure 8). Ceux-ci elles méritent un effort d’identification afin de justifier leur utilisation dans ce travail. De part leur attribution chronologique, ces documents s’insèrent dans une période caractérisée par une interpénétration presque indissociable entre la culture Libyque locale et la culture Phénicienne orientale dans une déclinaison appelée punique sur laquelle le seul consensus établi est celui de brassage entre ces deux grandissimes cultures. Ces documents furent trouvés dans des contextes funéraires puniques qui sont les tombes de Carthage et de Kerkouane ce qui peut nous laisser facilement les attribuer à la culture phénicienne. Pourtant, il faut s’armer de prudence. En effet, nous pensons qu’aussi bien les deux vases semi-circulaires que la peinture funéraire sont des œuvres appartenant à la civilisation libyque. La peinture funéraire de Jbel Mlezza présente des éléments empruntés à la culture phénicienne tel que l’autel mais elle n’est autre qu’une scène tirée de l’idéologie libyco-numide quant à la vision du devenir du défunt et son âme après la mise au tombeau. Son exécution en couleur rouge typique des milieux libyques et une preuve supplémentaire. L’absence, d’une fresque comparable en Orient, il est vrai jusque-là, nous fait pencher vers son origine africaine et son attribution à la culture libyco-numide.

Par ailleurs, l’attribution des deux vases semi-circulaires à la culture libyque est beaucoup plus assurée. La technique de fabrication de ces objets est celle du modelage qui est une technique de prédilection pour les artisans libyens. La technique de décor en engobe noir est elle aussi typique des artefacts de tradition libyque. Suite à ces analyses, nous pouvons avec assurance se prononcer sur l’attribution culturelle de ces documents à la culture libyco-numide et ainsi légitimer leur utilisation au sein de notre dossier qui est celui de l’identification de la cosmogonie des Libyens.

Le deuxième souci de cette présentation est celui de la connexion culturelle de ces documents et surtout des idées qu’elles reflètent. Avant d’aborder cette question, Nous souhaitons revenir sur une question d’ordre méthodologique déjà citée plus haut qui est celle de l’orientation générale des recherches sur ce sujet. Celle-ci est caractérisée par l’infime intérêt porté à l’étude des Libyco-numides et l’interprétation le plus souvent hexogène de tout les phénomènes mentaux et matériels que la culture africaine antique offre. Enfin, le courant qu’on peut qualifier de « paganophile » issue de l’influence des chercheurs européens qui veut que les habitants d’Afrique du Nord antique n’ont eu de contact avec les grandes idées présentées dans cette recherche que suite à l’influence des Phéniciens ou au mieux des Hébreux. Nous sommes parmi ceux qui prônent une nouvelle approche qui veut accentuer les recherches sur les Libyco-numides d’une part et qui voudrais rompre avec les études à caractère occidental où les approches païennes prédominent. Enfin, elle présente les Libyco-numides en connexion avec les grandes idées universelles en dehors d’une influence orientale spécifiquement phénicienne ou hébraïque. Effectivement, la présence de ces documents est une preuve manifeste de l’adhésion des Libyco-numides à ces grands thèmes qui sont ceux du péché d’Adan et Eve, de la résurrection des âmes après la mort et de leur quête du paradis. Enfin, du thème du Déluge qui remonte à l’époque du prophète Noé. Ces thèmes sont plus universels pour l’époque qu’étroitement liés à la culture judaïque ou phénicienne. De façon naturelle, les Libyco-numides y avaient accès mais non seulement, ils y avaient adhéré et pour preuve ils les avaient reproduits dans leurs œuvres et pour leur morts, contexte que nous admettons tous hautement significatif. Les raisons complexes de la présence de chacune de ces objets ou représentation méritent d’être élucidées mais nécessitent sans doute un travail à part qui s’avère prometteur.

Pour résumer nos idées que cette recherche a visé d’éclaircir, nous pouvons dire que le colloque pour lequel nous nous sommes réunis consacré à la personne de Massinissa ne pouvait pas omettre de se pencher sur l’étude des Libyco-numides et de leur culture. Le choix que nous avons fait était celui de nous consacrer à l’étude de la vision de l’univers religieux de ces Africains qui tout en vivant tour à tour aux côtés des Phéniciens venus de la rive Orientale de la Méditerranée, que des Romains venant de la rive septentrionale de cette mer, avaient déjà leur propre vision du monde et étaient bel et bien en connexion avec les grandes idées religieuses en cours à leur temps. Ces idées dépasseraient d’ailleurs le cadre stricte du bassin méditerranéen. Un document, fort intéressant à nos yeux, provenant d’Amérique latine représentant une barque ressemble énormément à la fresque découverte à Kef el Blida pourtant il remonte à une période située entre le douzième et seizième siècle après J.-C. (figure 11). Un autre vase en terre cuite d’époque actuelle et encore fabriqué dans le Sahel de nos jours, plus précisément dans le village de Rajiche, au Sud de la ville de Mahdia, peut être aisément vu comme la perpétuation de la mémoire de la barque de Noé et bien évidemment de l’événement du Déluge (figure 12). Certes, ces données relèvent largement du domaine de l’ethnographie. Nous y reviendrons à l’avenir mais nous avons tenu à les citer ici afin de justifier de la portée des idées que nous avons présentées ici. Cependant, si on se cantonne à la période antique, aussi bien les données éclairées par ces documents conjuguées à celles fournies par d’autres disciplines telles que l’onomastie et la toponymie sont aptes à nous aider à mieux cerner au mieux l’identité culturelle libyenne. Au travers de ces témoignages, celle-ci n’est pas ni en déconnexion, ni opposition avec celle du reste de la Méditerranée antique orientale et occidentale comme le prouve la myriade de documents présentés tout au long de ce travail. Elle, n’est pas non plus en rupture avec l’identité culturelle nord-africaine actuelle. Ce qui ne peut que confirmer cette permanence et cette continuité.

Adel Njim | Maître assistant en histoire et archéologie phénico-puniques à la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de Sfax (Tunisie).
Mail : njim_adel@yahoo.com

Liste des figures :

Abréviations et bibliographie :

Camps, 1962 : CAMPS, G. Monuments et rites funéraires protohistoriques, Tome I-II, Paris 1962.
Camps-Longerstay, 2000 : CAMPS, G.- LONGERSTYAY, M., Haouanet, dans Encyclopédie berbère, vol. XXII, p. 3361-338è, Aix-en-Provence 2000.
Cintas, 1950 : CINTAS, P., Céramique punique, Paris 1950.
Fantar, 1970 : FANTAR, Mh. H., Eschatologie phénicienne et punique, Tunis 1970.
Gutron, 2010 : GUTRON, C. L’archéologie en Tunisie (XIXe-XXe siècles) Jeux généalogiques sur l’Antiquité, Paris 2010, Éditions Karthala
Hermary, 2005 : HERMARY, A., Scènes de culte originales sur un vase chypriote archaïque, dans Atti del V Congresso Internationale di Studi Fenici e Punici, Volume I, p. 171-179, Palermo 2005.
Merlin, 1917 : MERLIN, A., Notes sur les tombeaux puniques découverts à Carthage en 1916, BCTH 1917, p.131-153.
Merlin-Drappier, 1909 : MERLIN, A., DRAPPIER, L., La nécropole d’Ard el-Khéraïb à Carthage, Notes et Documents 3 (1909), p. 1-84.
Njim, 2008 : NJIM, A., Les vases à feu phéniciens et puniques de la Méditerranée occidentale, Thèse de Doctorat, Université d’Aix-en-Provence, Juin 2008.
Njim 2013 : NJIM, A., Vase punique de Carthage avec scène de décor du péché originel, Le répertoire décoratif et iconographique en Méditerranée antique et médiévale, 3ème colloque international organisé par l’Institut Supérieur des Sciences Humaines de Tunis, 2-4 décembre 2013, En cours de publication.

Notes : 

[1] Pour la Tunisie consulter le travail relativement récent (Gutron, 2010).
[2] Njim 2013.
[3] Le lieu exact de découverte de ce vase est imprécis. Pierre Cintas nous informe qu’il fut découvert par Louis Poinssot dans la nécropole dite des citernes (Cinats, 1950, p. 544, fig., 48, p. 547). André Merlin le mentionne comme provenant du secteur dit d’Ard el Morali (Merlin, 1917, p. 136-137, fig.2).
[4] Njim, 2008, p. 214-269, n° 263-269.
[5] Bible, Livre Genèse, Chapitre La chute, Paragraphe 3.
[6] Hermary, 2005, p., 171, figure 1, p. 173, figures 2-4.
[7] Merlin-Drappier, 1909, p. 53-54, fig. 36.
[8] Fantar, 1970, p. 37, pl. XXVI.
[9] Fantar, Ibid.
[10] Fanatr, Op. Cit., pl. XXII.
[11] Camps, 1962, vol. I, p. 103.
[12] Camps, Ibid.
[13] Camps-Longerstay, 2000.

Bassem ABDI

Passionné d'histoire, j'ai lancé en 2013 Asadlis Amazigh, une bibliothèque numérique dédiée à l'histoire et à la culture amazighe ( www.asadlis-amazigh.com). En 2015, j'ai co-fondé le portail culturel Chaoui, Inumiden.

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