Communiqués

Déclaration d’Agadir du Conseil Fédéral du CMA

Le Conseil Fédéral international (CFI) du Congrès Mondial Amazigh (CMA), a tenu sa première session post congrès de Tunis, les 23 et 24 février 2019 à Agadir (Maroc), avec l’aimable soutien de l’Université d’été d’Agadir.

Le Conseil Fédéral international du CMA déplore l’absence de plusieurs de ses membres à cause d’obstacles administratifs arbitraires. Zainab Sassi Krir et Abulgasem Ashur, membres du Conseil Fédéral de Libye n’ont pas obtenu leurs visas de la part du Consulat du Maroc à Tunis sans motif, le renouvellement du passeport de Mestafa Felfoul est bloqué au niveau du ministère algérien de l’intérieur et Hamou Chekebkeb du Mzab, est sous interdiction de quitter le territoire algérien. Le Conseil Fédéral du CMA dénonce fermement ces entraves à la libre circulation des Amazighs dans les pays de Tamazgha (nord de l’Afrique).

Suite aux exposés présentés par les membres des Conseils Fédéraux de chaque région de Tamazgha et de la diaspora, et après analyses et débats sur la situation dans chaque région, le Conseil Fédéral international a conclu que les gouvernements de tous les pays du nord de l’Afrique continuent de pratiquer l’exclusion ou la marginalisation de l’amazighité, les discriminations multiformes à l’encontre des Amazighs, la criminalisation et l’oppression des défenseurs de leurs droits et libertés. Certains acquis tels que la reconnaissance de Tamazight comme langue officielle en Algérie et au Maroc, se sont avérés n’être que des écrans de fumée destinés à tromper l’opinion publique, à semer la confusion et à gagner du temps. Dans tous les pays de Tamazgha, le contexte actuel reste donc fortement marqué par une grande hostilité des Etats et des groupes islamo-panarabistes dominants à l’égard de tout ce qui représente l’amazighité.

En Algérie, les territoires de Kabylie, du Mzab et de l’Aurès sont soumis à un état d’exception en dehors de tout cadre légal, avec une présence policière et militaire aussi excessive qu’injustifiée, la surveillance et le harcèlement policiers permanents exercés particulièrement contre les défenseurs des droits des Amazighs et les membres des mouvements politiques qui militent pour le droit à l’autodétermination, qui exercent pourtant leurs activités de manière pacifique et démocratique. Les autorités algériennes vont jusqu’à priver de passeports plusieurs dizaines de Kabyles afin de les empêcher de se rendre à l’étranger pour témoigner de l’oppression qu’ils subissent. Pendant ce temps, le pouvoir machiavélique algérien prépare honteusement le 5ème mandat de M. Bouteflika. Vu son état de santé très dégradé, on peut même se demander s’il n’est pas candidat malgré lui ? Le CMA recommande aux Amazighs d’Algérie de ne pas participer à cette n-ème mascarade électorale algérienne qui ne les concerne pas.

En Tunisie, la pseudo-révolution de 2011 n’a rien enfanté de positif pour les Amazighs de ce pays. Plus que jamais la Tunisie reste cramponnée à l’araboislamité et refuse fermement de reconnaitre l’amazighité qui est pourtant son identité première. De manière complètement illégitime et illégale, le gouvernement vient même de refuser l’agrément de Tinest, le seul parti politique qui reconnait les droits des Amazighs de ce pays. C’est un acte discriminatoire et anti-démocratique absolument injustifié et par conséquent condamnable. Par ailleurs, le gouvernement tunisien n’a mis en œuvre aucune des recommandations que lui a adressé l’ONU en 2009 et en 2016 et que nous rappelons ici : « Reconnaitre la langue et la culture du peuple autochtone amazigh et en assurer la protection et la promotion, prendre des mesures administratives et législatives afin d’assurer l’enseignement de la langue amazighe à tous les niveaux scolaires et encourager la connaissance de l’histoire et de la culture amazighes, abroger le décret n°85 du 12/12/1962 et permettre l’enregistrement des prénoms amazighs dans les registres de l’état civil, faciliter un déroulement serein des activités culturelles organisées par les associations culturelles amazighes ». Le CMA et l’Association Tunisienne de la Culture Amazighe (ATCA) interpellent fermement le gouvernement tunisien à ce sujet.

Au Maroc, la langue amazighe est toujours marginalisée ou exclue huit ans après sa reconnaissance constitutionnelle comme langue officielle. Cela prouve une fois de plus le mépris de l’Etat marocain et du lobby islamo-panarabiste envers Imazighen et leur langue. Les terres des Amazighs dont ils ont été dépossédés par la force par l’Etat colonial français en 1919, sont aujourd’hui sous le contrôle de l’Etat marocain. Le CMA renouvelle son total soutien au peuple et aux communautés amazighs du Maroc qui revendiquent la restitution de leurs terres et la réparation des préjudices qu’ils ont subis, conformément à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Le CMA dénonce la constante politique de marginalisation et de répression des Rifains depuis « l’indépendance » du Maroc. Rien ne justifie les violences policières, ni les mauvais traitements, ni les incarcérations de centaines de Rifains notamment au cours du printemps 2017. Le CMA exige la libération immédiate des détenus Rifains, la réparation des préjudices subis ainsi qu’un vigoureux plan de rattrapage économique et social en faveur du Rif. L’Etat marocain doit abandonner les poursuites contre les petits cultivateurs de cannabis et proposer une économie alternative crédible à la culture du cannabis, en concertation avec les populations concernées.

Dans l’archipel Canarien, le peuple autochtone amazigh continue de subir les conséquences de la colonisation espagnole qui le privent de ses ressources naturelles et de ses droits politiques et identitaires. Comme les autres peuples, les Canariens ont le droit d’exercer leur droit à l’autodétermination.

En Libye, la guerre civile qui n’en finit pas de déchirer le pays depuis huit ans, n’a pas empêché l’idéologie islamo-panarabiste de s’épanouir et de chercher à s’imposer comme l’unique composante de l’identité du pays, éliminant l’amazighité qui est pourtant l’élément autochtone fondateur de la Libye. Le projet de nouvelle Constitution qui prévoit l’islam comme religion de l’Etat, la Chari’a islamique comme source du droit et l’arabe comme seule langue officielle, illustre bien l’exclusion de l’amazighité et le racisme anti-amazigh de la part de la composante arabe de la Libye. Le CMA réitère sa solidarité avec le Haut Conseil des Amazighs de Libye et le Conseil suprême des Touaregs de Libye et les assure de son soutien total dans les positions qu’ils adopteront et les actions qu’ils entreprendront dans le but de faire respecter leurs droits, leurs intérêts et leur dignité.

Dans leurs territoires ancestraux du Sahara, traversés par les frontières des Etats de l’Algérie, du Mali, du Niger, de la Libye, du Burkina-Faso et de la Mauritanie, les Kel-Tamacheq (Touaregs) sont privés de leur liberté de circulation et du bénéfice de leurs ressources naturelles. De plus, le réchauffement général du climat aggrave de manière dramatique leurs conditions de vie. Les Kel-Tamacheq sont déjà des sinistrés climatiques. Avec des gouvernements (du Niger, du Mali, d’Algérie, de Libye) et des armées nationales et étrangères qui les pourchassent et les répriment, l’existence de ce peuple est terriblement menacée. Le Conseil Fédéral international du CMA dénonce fermement les exactions commises sur les populations civiles notamment dans l’Azawad. Le non respect par le gouvernement malien des accords de paix et les ingérences étrangères (les Etats et les groupes terroristes islamistes et autres malfaiteurs) demeurent la source de tous les conflits. Cette situation très inquiétante, appelle la solidarité avec le peuple Kel-Tamacheq non seulement de la part de tous les Amazighs, mais aussi de la communauté internationale. Pour le Conseil Fédéral, le CMA doit multiplier les efforts pour concrétiser ces solidarités.

En Europe, les Amazighs sont victimes des mêmes politiques d’araboislamisation que celles mises en œuvre dans leurs pays d’origine. Afin de faire valoir leurs droits, il appartient aux citoyens Amazighs de s’organiser et de se mobiliser pour rendre visible leur identité dans la diaspora. Le CF international du CMA recommande également aux communautés amazighes installées dans les différents pays d’immigration, de tendre la main à leurs régions d’origine par le biais notamment de la mise en œuvre de projets de codéveloppement. Le Conseil Fédéral soutient la demande des Amazighs de la diaspora d’une émission en Tamazight sur la chaine de télévision France 24.

L’ONU a déclaré l’année 2019, année internationale des langues autochtones. Le CFi du CMA recommande vivement à chaque association mais aussi à chaque personne, de prendre au cours de cette année, au moins une initiative en faveur de la langue amazighe. Toutes les actions mises en œuvre seront répertoriées sur la page Facebook et sur le site internet du CMA et adressées à l’Unesco. Par ailleurs, les Amazighs sont appelés à saisir l’opportunité de cette année des langues autochtones pour réduire significativement le recours aux langues étrangères et privilégier les usages concrets de Tamazight. Le CFi du CMA rejette l’appellation « Maghreb arabe » qui nie la dimension amazighe du nord de l’Afrique et exige la mise en œuvre effective et sans délai du caractère officiel de Tamazight au Maroc et en Algérie.

Une nouvelle fois le CMA réclame de manière énergique l’ouverture de la frontière terrestre algéro-marocaine, l’abolition des visas et la totale liberté de circulation des Amazighs dans tous les pays de Tamazgha.

Au moment où se tient un procès politique contre douze dirigeants catalans à Madrid, le Conseil Fédéral international du CMA renouvelle son total soutien aux détenus et aux exilés catalans et exprime sa pleine solidarité avec le peuple catalan tout en réaffirmant que le droit à l’autodétermination du peuple catalan n’est pas un délit mais un droit à respecter.

Le Conseil Fédéral international du CMA rappelle que les Etats de Tamazgha (nord de l’Afrique) sont tenus de respecter leurs engagements internationaux et de mettre en application les recommandations qui leur sont adressées par les différents organes des Nations Unies.

Enfin, le Conseil Fédéral international du CMA tient à remercier vivement l’Université d’été d’Agadir et la famille de Mohamed Mounib pour l’hospitalité fraternelle qu’elles ont offert à la délégation du Congrès Mondial Amazigh.

Agadir, 12/02/2969 – 24/02/2019

Le Conseil Fédéral du CMA.

 

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