HistoireMoyen âge

Entre le massif de l’Aurès et les oasis

Après s’être répandu parmi les communautés pastorales de Tripolitaine, l’ibâḍisme se propagea rapidement dans les Aurès et les oasis situées au nord du Sahara. Les Hawwâra, les Banû Birzâl, les Miknâsa et les Banû Kimlân adoptèrent ce courant religieux, donnant naissance à un espace ibâḍite dans la province appelée par les textes arabes le Zāb. Le nomadisme, un mode de vie dominant dans cette région, favorisa la diffusion de ce courant et entraîna l’intégration des communautés rurales au territoire de l’imamat de Tâhart. Après un demi siècle cependant, les communautés ibâites du Zâb se réorganisèrent en deux branches rivales, le wahbisme et le nukkârisme. Cette nouvelle situation coïncidait avec l’intensification de l’activité de propagande des Shi‘îtes et des Sunnîtes malikites à partir des centres urbains du Zâb, ce qui provoqua une réaction militaire du nukkârisme sous le commandement d’Abû Yazîd. Menacées par les dynasties du Maghreb septentrional, les communautés ibâites furent progressivement repoussées vers les oasis du Sahara ou disparurent de la scène. Cette perte de terrain s’accéléra après l’arrivée des Hilâliens, provoquant la formation d’une nouvelle carte socio-religieuse dans la région.

Répartition géographique des communautés ibâdites du Zab

Bien que l’expérience politique de l’ibâḍisme maghrébin ait fait l’objet de plusieurs travaux d’une valeur inégale (Zerouki, 1987 ; Rebstock, 1983 ; Schwartz, 1983 ; Baḥāz, 1985), il existe peu d’études sur les communautés ibâḍites installées dans les zones rurales du Maghreb central. Il est donc légitime de s’interroger sur leur présence dans ces régions. T. Lewicki a commencé cette réflexion en étudiant la répartition géographique de l’ibâḍisme dans le Maghreb médiéval, particulièrement en Tunisie (Lewicki, 1957 ; Id., 1958a), et en reconstituant ses courants constitutifs (Lewicki, 1958b). Il s’est également penché sur l’une des tendances opposées au wahbisme, la doctrine officielle défendue par les Rustumides de Tâhart, dans un article consacré aux Banû Masâlita, un royaume dissident (Lewicki, 1968). Les recherches menées depuis ont largement contribué à améliorer nos connaissances du peuplement ibâḍite dans certaines régions du Maghreb, notamment le Jebel Nefûsa, le sud de la Tunisie et la région de Ouargla (Lewicki, 1957 ;Id., 1958 ; Mazhûdî, 2006 ; Bâjiya, 1976 ; Prevost, 2006 ; Id., 2007 ; Id., 2008). Les ibâḍites du Sahara libyen ont également fait l’objet d’une étude (Thiry, 1995). Cependant, le Zâb, un vaste territoire ibâḍite s’étendant de l’Aurès aux premières oasis du Sahara, reste quasi-inconnu des travaux modernes. Parmi les principales causes de cette marginalisation figure la disparition des traces écrites laissées par les partisans du nukkârisme, la tendance majoritaire localement. Il semble donc nécessaire de mener une recherche sur le peuplement ibâḍite sur ce territoire, depuis la première propagation des tendances ibâḍites jusqu’à la malikisation de la région, qui intervient principalement auxxiie-xiiie siècles. Plusieurs questions peuvent être légitimement posées : quand et comment le Zâb a-t-il été majoritairement ibaḍisé ? Par quels processus ? Peut-on connaître l’organisation de ces communautés ibâḍites ? Dans quel contexte cette région est-elle passée sous le contrôle progressif des États installés dans le nord du Maghreb ? Enfin, dans quelles conditions l’ibâḍisme a-t-il disparu dans le Zâb ? Suivre une telle démarche n’est pas une tâche facile, car les différentes communautés ibâḍites du Zâb n’ont pas laissé d’écrits, à l’exception d’une exégèse coranique composée par Muḥakkam b. Hûd al-Hawwârî. Il faut donc rechercher les informations dans d’autres textes, tout en s’appuyant sur la toponymie moderne et sur les données archéologiques (1).

Les sources

Les textes narratifs ibâḍites-wahbites qui nous sont parvenus s’inscrivent dans le cadre d’une littérature hagiographique édifiante qui a pour objectif « l’impérieuse nécessité de produire un passé convaincant donnant du sens à un présent transformé » (Bernard Guenée cité dans Borrut, 2011 : 18). De plus, leurs auteurs, de tendance ibâḍite-wahbite, rejettent les autres tendances dissidentes de l’ibâḍisme. Abû Zakariyyâ’ al-Wârjilânî (m. après 474/1081, Abû-l-Rabîʿ al-Wisyânî (m. après 557/1161), Abû-l-ʿAbbâs Aḥmad b. ʿAbd Allâh al-Fursuṭâ’î (m. 504/1110) ou encore al-Darjînî (m. 670/1271) ont rassemblé des compilations biographiques consacrées aux principales régions peuplées par les fidèles de leur tendance, à savoir le Jebel Nefûsa, Djerba, le Jérid, Arîgh et Wârjilân (Amara, 2008 : 31-40). Il n’y a aucune trace de tradition biographique relative au Zâb, à l’exception de deux récits transmis par des personnages appartenant à une branche des Banû Wâsîn installée dans un village fortifié à l’extrême sud du Zâb. De même, les textes descriptifs composés par les non-Ibâḍites, sunnites et shiʿîtes pour la plupart, se contentent d’énumérer les tribus berbères ibâḍites du Zâb sans préciser leur répartition géographique. En outre, les descriptions se font rares à partir du milieu du xiie siècle, après la prise de contrôle des voies des communications par les tribus hilâliennes.

Les textes ismâʿîlites et les textes relatifs aux Fâṭimides, ont, quant à eux, une grande importance pour la présente étude. La région du Zâb joua en effet un rôle important dans l’histoire du Maghreb sous les Fâṭimides. Avant même la fondation du califat de Mahdia, des missionnaires ismâʿîlites s’étaient installés à l’est du massif de l’Aurès au milieu des communautés ibâḍites des Hawwâra et des Mazâta. Ensuite, les textes relatent les expéditions menées par les Fâṭimides pour contrôler le Zâb et les deux axes routiers menant au Maghreb occidental. Le passage des habitants de Ṭubna à l’ismâʿîlisme (Ibn al-Ḥaytham, 2001 : 64) et la fondation de M’sila par les Fâṭimides marquent la mise en valeur de cette région steppique par ce mouvement. Les informations sur le Zâb deviennent ainsi plus nombreuses. De plus, cette région fut aussi pendant plusieurs années le théâtre de batailles opposant les troupes Fâṭimides aux insurgés ibâḍites, notamment ceux de l’Aurès. Grâce aux descriptions précises de la poursuite menée par le calife al-Manṣûr contre le chef ibâḍite Abû Yazîd, nos connaissances du peuplement et de l’histoire ibâḍite sont mieux établies.

Après le siècle fâṭimide, les informations sur le Zâb se font rares, y compris dans les textes ibâḍites-wahbites. Nous n’avons que quelques fragments épars fournis par un nombre réduit de voyageurs séjournant dans la région, tels Ibn al-Ḥâjj al-Numayrî, qui accompagna le sultan mérinide Abû ʿInân, ou Ibn Khaldûn qui séjourna à Biskra sous le règne des Banû Muznî.

Du Zâb aux Zibân

Cependant, avant d’aborder la problématique de l’ibâḍisme zabien, il nous faut délimiter ce territoire tel qu’il est perçu par les auteurs arabes du Moyen Âge. Le vocable Zâb était employé par les auteurs arabes pour désigner une vaste province s’étendant, au début de la période musulmane, de Tebessa au Hâz, à l’ouest de Ms’ila. L’origine de ce mot est incertaine, mais on sait que l’une des grandes villes du Zâb portait le nom de Zabi Justiniana, et qu’elle était située à proximité de M’sila. Les premières mentions du Zâb laissent entendre que l’étendue de cette province était plus importante au début qu’à la fin du Moyen Âge. Ainsi, al-Yaʿqûbî (1861 : 130) considère le Zâb comme un vaste pays (balad), dont le chef-lieu était Ṭubna et qui englobait plusieurs cités telles que Bâghây et Ballazma. Le relief le plus imposant de cet espace, et le plus cité par les auteurs, était le massif de l’Aurès. La lecture des textes géographiques permet donc de délimiter la province du Zâb entre les environs de Tebessa et l’ouest de M’sila, en incluant le massif de l’Aurès. Au sud, elle était bordée par les oasis situées après Biskra sur la route menant à Arîgh et à Oued Souf. L’étendue de la province était déterminée par la topographie. Elle était en effet limitée au nord par le massif de l’Aurès et au sud par les sables du Sahara et, entourée de hauts-plateaux désertiques, elle formait une cuvette marquée par la présence de nombreux lacs salés, notamment celui du Hodna. Dans ce territoire, le massif de l’Aurès occupait une grande surface (500 000 km2), suivi par le lac salé du Hodna (Birot, 1953 : 401-405).

Le Zâb connut une évolution territoriale significative. Après une subdivision en deux parties au cours du xiie siècle – le Zâb supérieur et le Zâb inférieur – (Ibn ʿIdhârî, 1980 : 1/5), la région du Hodna, soit le Zâb supérieur, se détacha de la province pour former une entité géographique et humaine distincte. Le Zâb du xive siècle n’englobait plus qu’une région de steppes occupées d’oasis-dattiers, à savoir Biskra et sa région. Celle-ci était divisée en trois zones : le Zâb occidental dont le centre était Tolga, le Zâb central dont la métropole était Biskra, et le Zâb oriental qui avait pour centre Bâdis (Ibn Khaldûn, s.d. : 6/405, Lewicki, 1978 : 22). À partir de cette période, le mot Zîbân (le Zâb au pluriel) remplaça celui de Zâb pour désigner les trois zones de la région. Au xive siècle, les localités du Zâb les plus connues étaient notamment Biskra, Tolga, al-Dawsan, Maliyân, Lamyûda, Bâdis (Badias), Jamûna, Malîlî, Tahûda et Malshûn (Ibn Khaldûn, s.d. : 6/405). C’est sur cet immense territoire du grand Zâb des premiers siècles que se propagèrent les préceptes de la troisième branche de l’Islam, l’ibâḍisme.

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Aux origines de l’ibâḍisme dans le Zâb

Peu après la pacification du Maghreb par les gouverneurs omeyyades installés à Kairouan, le pays des Berbères allait connaître un soulèvement général à la suite d’une activité missionnaire planifiée à la fois par les prédicateurs ṣufrites et ibâḍites. Les communautés pastorales qui nomadisaient sur les Steppes et les Hauts-Plateaux furent les principales actrices de cette nouvelle tendance révolutionnaire dirigée contre la politique omeyyade. Ces nomades et semi-nomades qui parcouraient l’aire géographique s’étendant de la Cyrénaïque jusqu’au sud de Tlemcen furent en général les Zanâta (Iznâten), les Luwâta, les Hawwâra et les Zuwâgha (Ibn ʿIdhârî, 1980 : 1/8-24). Sans verser dans la thèse qui fait un lien entre le khârijisme et le donatisme (Gautier, 1928 : 260-262 ; Bulliet, 1981 : 113-115 ; Savage, 1997), il est clair que l’ibâḍisme maghrébin trouva un écho favorable dans des régions où l’ancrage de la tradition chrétienne donatiste est attesté par les découvertes archéologiques.

Bien que les textes ibâḍites tardifs font de Salama b. Saʿîd le pionnier du mouvement au Maghreb (al-Darjînî, 1974 : I, 11), il est difficile de connaître avec précision la date et le lieu de ses activités, même si les événements survenus en Tripolitaine laissent penser que le succès des idées égalitaires eut lieu d’abord chez les Nafûsa et les Lawâta de cette région avant de gagner les communautés pastorales de la dorsale tunisienne et des Hauts-Plateaux du Maghreb central. À l’instar de Talbi (1982 : 31), plusieurs chercheurs pensent que le début de l’ibâḍisme au Maghreb date de la fin du ie/viie et du début du iie/viiiesiècle.

Le Zâb était un territoire doté de plusieurs centres urbains mais c’était aussi un vaste espace de nomadisme. Comme l’a bien fait remarquer Gautier (1927 : 270), il existe un lien étroit entre la propagation du khârijisme et le nomadisme, qui a favorisé la circulation et la large diffusion de ce courant. Les Zanâta et les Luwâta (Laghata/Ilaguaten) sont les deux grandes communautés attestées dans le Zâb, mais elles ne cessaient de nomadiser entre plusieurs régions du Sahara libyen, du sud de l’Ifrîqiya et du Maghreb central. Ce mode de vie rattache ces communautés à la catégorie des « Butr » dans la division classique des auteurs médiévaux (Mafâkhir al-Barbar, 2005 : 158), c’est-à-dire des nomades chameliers (2). Toutefois, nos textes ne font apparaître les premières mentions d’Ibâḍites au Zâb qu’au milieu du iie/viiie siècle. Le grand compilateur du Maghreb médiéval, Ibn ʿIdhârî al-Marrâkushî (1980 : 1/75), évoque les épisodes de l’alliance ibâḍito-ṣufrite qui fut placée sous le commandement de l’imâm de Tâhart ʿAbd al-Raḥmân b. Rustum et qui échoua face au gouverneur de Kairouan, ʿAmrû b. Ḥafṣ. Pour cette période, aucun texte ne permet d’affirmer une quelconque implantation ibâḍite dans le Zâb, contrôlé par le gouverneur de Kairouan à partir de la ville fortifiée de Ṭubna (Ibn Khurdâdhbah, 1886 : 87). Cependant, la présence dans le Zâb, à 25 kilomètres de Biskra sur la route de Tolga (Cambuzat, 1986 : 2/61), du toponyme « Malîlî », connu aussi au Moyen Âge sous la forme « Malîla », pourrait constituer un témoignage sur le début de l’implantation ibâḍite dans le Zâb. En effet, ce nom désigne une branche des Hawwâra qui avait prêté main forte à l’imâm ibâḍite de Tripolitaine, Abû Ḥâtim al-Malzûzî (Al-Wârjilânî, 1979 : 52).

L’intérêt porté au Zâb par les gouverneurs de Kairouan montre bel et bien que cette province fut importante pour la survie de la wilâya omeyyade puis abbasside. La majorité des gouverneurs de la province accédèrent par la suite à la wilâya de toute l’Ifrîqiya (Khelifa, 2009 : 205). Des campagnes de pacification y furent régulièrement organisées. Ainsi, un récit attribué au chroniqueur Ibn al-Qaṭṭân de Marrakech et transmis par Ibn ʿIdhârî (1980 : 1/107) fait état d’une expédition dirigée par ʿÎsâ b. Ray‘ân al-Azdî contre les Luwâta, les Zuwâgha et les Miknâsa sur les limites orientales du Zâb en 224/838. Or ces communautés sont un peu plus tard mentionnées comme ibâḍites.

Les récits compilés par Ibn Sallâm al-Luwâtî (m. vers 274/887) n’accordent aucune place aux ibâḍites du Zâb, mais elles citent les Hawwâra et les Zanâta, qui nomadisaient sur le territoire s’étendant de la Tripolitaine au Zâb. Ce même texte permet de penser que les premiers missionnaires furent des Arabes venus d’Orient, qui se consacrèrent à donner un enseignement dogmatique aux Berbères (Ibn Sallâm, 1985 : 142-143, 149). De même le récit d’Ibn al-Ṣaghîr sur les imams rustumides ne mentionne le massif de l’Aurès, dans le Zâb, qu’à propos de Hûd b. Muḥakkam al-Hawwârî, qui fut invité à occuper le poste de cadi de Tâhart (Ibn al-Ṣaghîr, 1984 : 49). Toutefois, le texte fait état du nomadisme des communautés ibâḍites du Zâb qui se rendaient jusqu’à la région de Tâhart au printemps : les Mazâta, les Miknâsa et les Hawwâra y venaient chercher du pâturage pour leurs troupeaux (Ibn al-Ṣaghîr, 1984 : 41).

Le premier tableau sur la situation religieuse dans le Zâb est dû au voyageur shiʿîte al-Yaʿqûbî (m. vers 284/897), qui visita le Maghreb dans la deuxième moitié du iiie/ixe siècle, peu avant la fondation du califat fâṭimide. Dans son Kitâb al-buldân, il évoque les communautés urbaines et rurales du Zâb, notamment les Afâriq et les Rûm installés dans les grands centres urbains comme Ṭubna (Thubunae), Bâghây (Bagaï), Biskra (Vescera) et ses oasis (al-Yaʿqûbî, 1992 : 350-351). Mais les zones rurales du Zâb suivaient une autre tendance religieuse, que notre auteur désigne par l’expression « shurât3 » ou qu’il nomme plus précisément ibâḍite. À propos de Hâz, une ville située à l’ouest de M’sila, al-Yaʿqûbî dit que les Banû Dammar, une communauté considérée comme étant des Zanâta, étaient des « shurât » dirigés par un chef nommé Muṣâdif b. Jurtîl (al-Yaqûbî, 1992 : 351). Ce nom montre que l’identité onomastique de ces Berbères ibâḍites du Hodna n’a pas encore été arabisée. On sait aussi que les Banû Dammar s’adonnaient à la culture et à l’élevage. La présence ibâḍite dans le Zâb était également représentée par les Hawwâra, les Banû Zandâj et les Banû Birzâl que le voyageur al-Yaʿqûbî mentionne dans le massif de l’Aurès et dans ses prolongements occidentaux tout près de Magra. Enfin, le texte d’al-Yaʿqûbî permet de repérer un peuplement ibâḍite dans l’Aurès, représenté par les sédentaires ou du moins par les semi-nomades Hawwâra (al-Yaʿqûbî, 1992 : 351). Cependant, comme la majorité des auteurs non ibâḍites, al-Yaʿqûbî ne fait aucune distinction entre les différentes tendances ibâḍites présentes dans le Zâb.

Le soulèvement du Zâb ibâḍite (ive/xe siècle)

Nous sommes mieux renseignés sur les ibâḍites du Zâb au ive/xe siècle grâce à l’apport des textes ismâʿîlites, ibâḍites-wahbites et sunnites. Le Qâḍî al-Nuʿmân (m. 363/973) nous livre un témoignage important dans son ouvrage Iftitâḥ al-daʿwa, rédigé en 346/957, et dans lequel il écrit que les Banū ʿIfnît, une branche des Kutâma, étaient anciennement ibâḍites, ce qui atteste une pénétration de ce courant dans le piémont nord du massif de l’Aurès (al-Qâḍî al-Nuʿmân, 1986 : 111). Mais les données du Qâḍî al-Nuʿmân documentent aussi la présence d’un peuplement arabe non ibâḍite dans les grands centres urbains du Zâb comme Ṭubna et Bâghây (dans le piémont nord du massif), et une propagation de l’ismâʿîlisme à l’est de l’Aurès à la suite du prosélytisme exercé par deux missionnaires venus d’Orient plus d’un siècle avant la fondation du califat fâṭimide : Abû Sufyân et al-Ḥalawânî (al-Qâḍî al-Nuʿmân, 1986 : 26-29).

Sous le règne du Mahdî, les Fâṭimides tentèrent d’imposer leur autorité aux ibâḍites de l’Aurès, sans pour autant y parvenir. Juste après l’arrivée du Mahdî à Igjân en 297/909, il désigna Yaḥyâ b. Sulaymân al-Malûsî comme gouverneur du Zâb et chargea le grand prédicateur Abû ʿAbd Allâh al-Dâʿî de pacifier les agitations provoquées dans cette province par les insurgés ibâḍites Zanâta conduits par leur chef Muḥammad b. Khazar. Il accomplit sa mission avec un grand succès, matant la rébellion et entraînant la fuite du chef ibâḍite vers le Sahara (Ibn Ḥammâd, 1984 : 23 ; Idrîs ʿImâd al-Dîn, 1981 : 26-27). Ce succès militaire n’empêcha pas les Fâṭimides de rencontrer de grosses difficultés pour contrôler un espace qui leur était hostile. Ainsi, en 310/922, le chef fâṭimide Abû Maʿlûm Faḥlûn al-Kutâmî périt avec ses troupes dans l’Aurès après avoir été attaqué par les habitants (Ibn ʿIdhârî, 1990 : 1/187). Les Zanâta du Zâb, majoritairement ibâḍites, tentèrent de contrôler la province et de chasser les gouverneurs fâṭimides. Une expédition de pacification conduite par le calife al-Mahdî en personne cibla les Banû Birzâl et les différentes communautés ibâḍites du Zâb occidental. Pour garantir la soumission des Mazâta, Hawwâra, Ṣaddîna et ʿAjîsa ibâḍites, il prit en otage leurs notables pour les installer à Mahdia. En revanche, dans la partie occidentale du massif, les ibâḍites Banî Kamlân, les Mazâta et les Kiyyâna furent sévèrement châtiés et leur forteresse, Qalʿat ʿUqâr, fut mise à sac (Idrîs ʿImâd al-Dîn, 1981 : 51-52). Tenant compte des difficultés de contrôle de ce territoire, le calife de Mahdia décida de fonder la ville fortifiée de M’sila sur le territoire des Banû Birzâl et des Banû Kamlân ibâḍites, afin de repousser l’avancée des Zanâta (Ibn Ḥammâd, 1984 : 24 ; Idrîs ʿImâd al-Dîn, 1981 : 53 ; Ibn ʿIdhârî, 1990 : 1/190). Cette expédition eut pour conséquence le début de l’exil des Zanâta ibâḍites vers les régions oasiennes. Mais quatre ans plus tard, soit en 317/929, le puissant chef ibâḍite des Zanâta Muḥammad b. Khazar, avec le soutien des Omeyyades de Cordoue, parvint à contrôler pour quelques mois la majeure partie du Zâb (Ibn Ḥayyân, 1979 : 258 ; Ibn ʿIdhârî, 1990 : 1/194). Toutefois, ses troupes furent mises en déroute dans les environs de Biskra par un détachement de l’armée fâṭimide commandé par Masʿûd b. Ghâlib (Idrîs ʿImâd al-Dîn, 1981 : 70). Cette nouvelle défaite provoqua un exil des Zanâta et des Maghrâwa au Maghreb central, et quelques éléments franchirent la mer pour aller s’installer en al-Andalus (Ibn Ḥayyân, 1979 : 304).

Nos connaissances du peuplement ibâḍite dans le Zâb s’améliorent à partir de la première moitié du ive/xe siècle grâce aux textes ismâʿîlites et sunnites. En relatant les épisodes de la révolte menée par le chef ibâḍite Abû Yazîd Makhlad b. Kaydâd, nous pouvons avoir une idée plus précise sur la répartition géographique des communautés ibâḍites-nukkârites du Zâb. Originaire de Qasṭîliyya, Abû Yazîd fut l’un des chefs de la communauté ibâḍite-nukkârite du Maghreb. Après avoir manqué une première action armée contre le gouverneur de Tiqyûs, il fut libéré par ses partisans et gagna le massif de l’Aurès, accueilli par les Banû Kamlân, la plus puissante branche des Hawwâra. Les deux toponymes actuels de Siryâna et de Mastâwa, mentionnés dans les sources médiévales et situés dans la montagne dominant la petite ville de Merouana, permettent de localiser le peuplement des communautés ibâḍites nukkârites dans la partie occidentale du massif, qui surplombe la ville de Ṭubna (antique Tubunae). Comme pour la plupart des actions armées menées par les communautés pastorales du Maghreb contre les Fâṭimides, Abû Yazîd coordonna ses activités avec le calife de Cordoue (4) afin de mener ce qu’il appela le « jihâd » contre les shiʿîtes hérétiques (Ibn Ḥayyân, 1979 : 258). Les détails de la révolte d’Abû Yazîd (332-336/943-947) ne seront pas répétés ici (Halm, 1996 : 310-325). Je me contenterai de signaler quelques événements ayant un lien avec le peuplement ibâḍite dans le Zâb. Les ethnonymes et les patronymes des partisans du chef ibâḍite nukkârite laissent entendre que les communautés ibâḍites étaient réparties tout au long du massif de l’Aurès, de la région de Tebessa jusqu’à l’ouest de M’sila. Parmi ces communautés, il y eut les Hawwâra de la région de Bâghây, dont deux membres furent commandants dans l’armée d’Abû Yazîd (Manṣûr b. Manṣûr al-Hawwârî et Aḥmad al-Hawwârî). Dans la région de Biskra nomadisaient les chameliers des Luwâta et des Mazâta (5), qui participèrent également à la révolte sous la direction de Yadras al-Mazâtî et de Rakkû al-Mazâtî. Les Miknâsa étaient installés dans la région montagneuse située à l’est de Biskra. Dans le Zâb occidental, plusieurs communautés étaient installées : les Mastâwa, les Banû Kamlân et les Hawwâra-Siryâna, dans la région de l’actuelle Merouana. Un peu plus vers l’ouest, entre M’sila et Bordj Elghadir, les Banû Birzâl et les ʿAjîsa habitaient une série de forts et de petits villages dans le jabal Sâlât, « une montagne bien protégée dans laquelle vivent plusieurs tribus berbères dont la doctrine est khârijite ibâḍite » (Idrîs ʿImâd al-Dîn, 1981 : 207-208). Sur les plaines du Zâb occidental, nomadisaient des Zanâta qui pratiquaient une autre doctrine ibâḍite que l’on ne connaît pas précisément (Idrîs ʿImâd al-Dîn, 1981 : 80-112). La prédominance du nukkârisme dans le Zâb est attestée par une lettre du calife fâṭimide al-Qâ’im, reproduite par Idrîs ʿImâd al-Dîn (1981 : 112), à propos de l’obligation de participer au jihâd contre les khârijites nukkârites : « Il faut déclarer la guerre aux gens de l’Aurès, qui sont pécheurs, infidèles et hérétiques ».

Cependant, il ne faudrait pas penser que tous les ibâḍites qui participèrent à la révolte d’Abû Yazîd faisaient partie du nukkârisme, car il reçut aussi l’appui d’ibâḍites-wahbites comme les Banû Wâsîn, qui habitaient la Qasṭîliyya et l’extrême sud de la province du Zâb. Des hommes de cette communauté se rendirent aux troupes fâṭimides après le retrait d’Abû Yazîd de Kairouan (Idrîs ʿImâd al-Dîn, 1981 : 149). Les Zanâta du Zâb occidental étaient majoritairement ibâḍites et leur chef Muḥammad b. Khazar al-Maghrâwî, qui avait combattu les Fâṭimides, déclara depuis l’oasis de Laghouat sa soumission au calife al-Manṣûr. Cependant, l’un de ses fils – en l’occurrence Maʿbad, considéré par les textes ismâʿîlites comme un vrai khârijite ibâḍite – décida de rompre avec son père et déclara la guerre aux Fâṭimides à côté de Faḍl, le fils d’Abû Yazîd (Idrîs ʿImâd al-Dîn, 1981 : 283). Dans le Zâb occidental, plus précisément dans les oasis de Banṭiyûs situées à l’ouest de Biskra, étaient installés les ibâḍites Sadrâta qui furent massacrés par le calife al-Manṣûr lorsqu’il se lança à la poursuite d’Abû Yazîd (Ibn Ḥammâd, 1984 : 41).

Les textes ne sont pas explicites sur l’organisation communautaire des ibâḍites nukkârites du Zâb. On sait que les Hawwâra de l’Aurès eurent un cadi, Fulayḥ b. Muḥammad al-Hawwârî (Idrîs ʿImâd al-Dîn, 1981 : 137). On sait également que ces communautés étaient dirigées par une assemblée de notables (wujûh), qui pourrait correspondre à la tâjmâʿatdes communautés rurales berbères. Car toutes les communautés ibâḍites du Zâb citées par les textes étaient pastorales au sud et agricoles à l’intérieur du massif, à l’image des Hawwâra-Siryâna qui pratiquaient l’élevage (Idrîs ʿImâd al-Dîn, 1981 : 149). Toutefois, d’après la chronique d’Ibn Ḥammâd al-Ṣanhâjî, on peut avoir une idée sur l’organisation générale de la doctrine ibâḍite nukkârite, qui eut pour chef spirituel Abû ʿAmmâr ʿAbd al-Ḥamîd b. ʿAbd Allâh al-Ḥajarî, et pour chef politique et militaire Abû Yazîd Makhlad b. Kaydâd. Ce dernier prit le titre de shaykh al-muslimîn et fut secondé par un conseil de ʿazzâba (Ibn Ḥammâd, 1984 : 30-31).

Dans le Zâb ibâḍite, les sédentaires habitaient généralement des villages fortifiés que les textes appellent qalʿa, ḥiṣn ou qaṣr. La zone la plus décrite est celle du jabal Sâlât où se retrancha Abû Yazîd avant sa mort. Il est écrit que les Banû Birzâl, les Hawwâra, les Masrâta et les ʿAjîsa habitaient les forteresses d’al-Ḥijâra, Shâkir et Kiyyâna (Ibn Ḥammâd, 1984 : 41-43 ; Idrîs ʿImâd al-Dîn, 1981 : 223-232). Est également mentionné le ḥiṣn de Tâmuqrâ, situé à l’est du Zâb et habité par les Miknâsa (Idrîs ʿImâd al-Dîn, 1981 : 299).

La défaite d’Abû Yazîd à la Qalʿa de Kiyyâna en 336/947 eut une conséquence fatale pour les communautés ibâḍites du Zâb, qui subirent alors une série d’expéditions punitives fâṭimides. Malgré les tentatives de Faḍl, le fils d’Abû Yazîd, et de Maʿad, le fils de Muḥammad b. Khazar, pour reprendre le contrôle des grands centres urbains du Zâb, les Fâṭimides parvinrent finalement à mater l’insurrection ibâḍite et à disperser les communautés ibâḍites nukkârites après plusieurs expéditions menées à partir de Ṣabra al-Manṣûriyya. Ainsi, les Luwâta furent chassés et poursuivis par le calife al-Manṣûr jusqu’aux steppes situées au sud de Tâhart (Idrîs ʿImâd al-Dîn, 1981 : 287-288). Les Banû Wâsîn de Qasṭîliya et les Miknâsa du Zâb oriental furent chassés de leurs forts, notamment Mawâs, un petit village fortifié. Ces Miknâsa étaient alors dirigés par Bishr b. Manṣûr al-Miknâsî, un fervent partisan de la cause ibâḍite-nukkârite (Idrîs ʿImâd al-Dîn, 1981 : 301-302). Enfin, Bâṭîṭ b. Yaʿlâ b. Bâṭîṭ al-Zanâtî, un allié des Fâṭimides, parvint à éliminer Faḍl, le dernier fils d’Abû Yazîd, près de Baghây, mettant fin à l’insurrection ibâḍite nukkârite (Ibn Ḥammâd, 1984 : 46 ; Idrîs ʿImâd al-Dîn, 1981 : 310-311).

Avant de partir pour l’Égypte, le calife al-Muʿizz envoya Bulukîn b. Zîrî en expédition dans l’Aurès pour châtier les ibâḍites. Le chef des Ṣanhâja parvint à pacifier le massif, provoquant l’exode massif des ibâḍites vers le sud du Zâb et vers les régions oasiennes. Certains parmi eux auraient même gagné le sud du grand Sahara (Ibn Ḥammâd, 1984 : 48-49).

Recul de l’ibâḍisme et début de malikisation

À travers les descriptions géographiques, nous pouvons constater une persistance de l’ibâḍisme dans plusieurs zones du Zâb malgré les campagnes répressives des Fâṭimides. Ibn Ḥawqal (m. vers 367/977), lorsqu’il décrit la route qui relie Kairouan à Fès en passant par le Zâb, mentionne les Hawwâra, les Banû Birzâl, les Banû Zindâj et les Mazâta mais ne précise pas leur appartenance confessionnelle. Il se contente d’écrire que ce sont des gens mauvais et qu’ils paient un impôt foncier (kharâj) important (Ibn Ḥawqal, 1996 : 84-85). Lorsqu’il décrit la route qui relie l’Ifrîqiya au Maghreb occidental via Biskra, il énumère les villes et les oasis du Zâb sans parler des habitants. Cependant, à propos du Jebel Nefûsa, il déclare : « Les villes des khârijîtes sont Nafzâwa, Bâdis et Biskra » (Ibn Ḥawqal, 1996 : 93). Il apparaît donc que le Zâb oriental, comme le Zâb occidental, n’a pas perdu pendant cette époque son identité ibâḍite, à l’image des autres villes et régions citées par Ibn Ḥawqal, à savoir la Qasṭîliyya, Gafsa, Nafta, al-Ḥâmma, Sumâta, Bushrâ et le Jebel Nefûsa.

L’an 358/969 marque le dernier grand soulèvement des ibâḍites, cette fois-ci wahbite, dans le Zâb. Pour expliquer ce mouvement, conduit par Abû Nûḥ et Abû Khazar, deux savants appartenant aux Banû Wâsîn du Jérid, les textes ibâḍites-wahbites mettent en avant l’exécution du savant ibâḍite Abû-l-Qâsim Yazîd b. Makhlad par les Fâṭimides (Al-Wârjilânî, 1984 : 142-143 ; al-Darjînî, 1974 : 1/126-135). Partie de la ville d’al-Ḥâmma dans le Jérid, la révolte atteignit la ville de Bâghây, située sur le piémont nord de l’Aurès, et remporta le soutien de l’un des chefs des Zanâta du Zâb, al-Muntaṣir b. Khazrûn. Après avoir mobilisé les Ibâḍites du Zâb, de Ouargla, du Jérid et d’Arîgh, les insurgés assiégèrent la ville de Bâghây, avant que son gouverneur ne réussisse à les mettre en déroute dans des circonstances mal établies (Prevost, 2006 : 206).

Deux ans plus tard, le Zâb fut à nouveau le théâtre d’une dissidence contre les Fâṭimides lorsque le gouverneur de M’sila, Ja‘far b. ‘Alî b. Ḥamdûn, mobilisa les Banû Birzâl ibâḍites contre le calife al-Muʿizz. En proclamant leur soumission au califat de Cordoue, les Banû Ḥamdûn mirent fin à l’autorité fâṭimide dans le Zâb occidental et écrasèrent l’armée des Ṣanhâja. Mais le Zirîde Bulukîn parvint à chasser les Banû Ḥamdûn et leurs alliés les Banû Birzâl, provoquant leur départ forcé pour al-Andalus où ils allaient servir al-Manṣûr b. Abî ʿÂmir et fonder un peu plus tard la principauté birzâlide de Carmona ( ʿAbd Allâh b. Buluqîn, 1995 : 91 ; Mafâkhir al-Barbar : 2005 : 135). Avec l’exode massif des Banû Birzâl, le peuplement ibâḍite dans le Zâb connut une nette régression, notamment autour de la ville de M’sila (6). En 361/971, Bulukîn b. Zîrî, émir des Ṣanhâja, massacra et dispersa les Zanâta dans le Zâb et dans la région de Tâhart, entraînant un exode massif vers la côte atlantique, le sud du Maghreb extrême et surtout vers les oasis du Sahara (Mafâkhir al-Barbar, 2005 : 97). Muḥammad b. Khazar al-Maghrâwî, le puissant chef des Zanâta, se rebella lui aussi contre les Fâṭimides, reconnut la souveraineté du calife omeyyade al-Mustanṣir et fonda un royaume sur les territoires habités par les Zanâta (Ibn al-Khaṭîb, 1964 : 153-155). L’obéissance politique au califat de Cordoue allait s’accompagner du passage des Banû Yafran de l’ibâḍisme nukkârite au sunnisme malikite, comme en témoigne plus tard Ibn Ḥazm de Cordoue.

Après l’installation des Fâṭimides en Égypte, les Ṣanhâja prirent le contrôle de la majorité du Maghreb au détriment notamment des Zanâta. Afin de sécuriser leur espace politique, ils fortifièrent leurs centres d’action (Ashîr et Tâhart) et menèrent une série de campagnes de pacification. Le Zâb ne fut pas tenu à l’écart, et il ne tarda pas à subir un destin brutal. En 398/1004, le prince Ḥammâd, fondateur de la dynastie des Ḥammâdides établit sa capitale, la Qalʿa, au milieu du territoire des Banû Birzâl et des ʿAjîsa (Amara, 2001 : 197-218). Il s’agissait de la première fondation d’un État sur le territoire du Zâb, jusqu’à cette époque majoritairement ibâḍite. En outre, le prince al-Nâṣir (454-482/1062-1088), installa son frère Khazar à N’gaous (antique Nicivibus) pour gouverner l’Aurès à partir de l’intérieur (Ibn Khaldûn, s.d. : 6/173). La raison de ce choix s’explique par la volonté des Ḥammâdides de contrôler les ibâḍites Hawwâra de l’Aurès. Dans le Zâb oriental, le puissant chef local Ṣandîl se réclama de la souveraineté des Bâdisides de Ṣabra en 415/1024. Sous le règne du quatrième prince Bulukîn (447-454/1055-1062), Biskra et sa région passèrent sous le contrôle des Ḥammâdides et furent confiées à la puissante famille locale des Banû Rummân. Par la suite, les Banû Jaʿfar et les Banû Sindî se succédèrent au gouvernement de la province (Ibn Khaldûn, s.d. : 6/172).

La mise en place de ce réseau de villes se substitua aux communautés tribales pour le contrôle du territoire. Les communautés ibâḍites se trouvèrent confrontées à une nouvelle situation et durent résister à la politique fiscale et religieuse sévère menée par les deux dynasties malikites issues des Ṣanhâja. Al-Baghṭûrî (2009 : 155) rapporte une controverse entre Abû Isḥâq al-Ashîrî, le grand savant malikite du Maghreb central, et les savants ibâḍites de Jâdû, qui témoigne de la propagation massive du malikisme. Le pouvoir politique agissait en effet sous la pression des juristes malikites, notamment al-Suyûrî (m. 460/1067) qui rendit plusieurs fatâwâ célèbres, dans lesquelles il considérait les ibâḍitessoit comme des apostats (murtaddûn), soit comme des polythéistes (mushrikûn) (al-Burzulî, 2002 : 1/336). Dans une autre consultation juridique, il apparaît hésitant, disant qu’ils peuvent être traités de « maudits », car ils sont musulmans mais ont commis de grands péchés (ahl kabâ’ir) (al-Burzulî, 2002 : 3/295). Al-Suyûrî interdit de leur donner en mariage les femmes sunnites par crainte de la conversion de ces dernières à leur doctrine. Dans une consultation juridique ultérieure, sa réponse laisse entendre qu’il les considère comme des infidèles (kuffâr) (al-Burzulî, 2002 : 2/317). Or considérer les ibâḍites comme des infidèles revenait à légitimer une ordonnance visant à les exterminer.

Les textes, aussi bien sunnites qu’ibâḍites-wahbites, relatent les expéditions menées par les Ḥammâdides et les Bâdisides dans le Jérid et le Zâb. L’éradication de la communauté ibâḍite de Bâghây est attribuée au fondateur des Ḥammâdides. Ce dernier aurait mis fin aux Mazâta du village de Tâmrînat, dont les habitants se retirèrent dans les oasis du Sahara en accompagnant leur chef Ismâʿîl al-Basîr Ibrâhîm b. Mallâl al-Mazâtî (al-Darjînî, 1974 : 2/413). Quant aux Bâdisides, ils perpétrèrent plusieurs massacres parmi les ibâḍites, notamment en 429/1037, provoquant le départ forcé de plusieurs villageois (Ibn al-Athîr, 1983 : 9/460-461 ; al-Nuwayrî, 1983 : 24/208). En 440/1048, les troupes du prince al-Muʿizz b. Bâdîs détruisirent le village fortifié de Qalʿat Darjîn et les rescapés du massacre fuyèrent vers le sud pour fonder le village de Asûf (Oued Souf) (al-Darjînî, 1974 : 407).

Rapporté par Ibn Ḥazm de Cordoue (m. 456/1063), le témoignage d’Abû Muḥammad Bûyaknâ al-Birzâlî, un ibâḍite des Banû Birzâl installé en al-Andalus, montre le passage massif de l’ibâḍisme au sunnisme de plusieurs communautés telles que les Banû Maghrâwa et les Banû Yafran, tandis que les Banû Wâsîn et les Banû Birzâl persistaient dans leur adhésion confessionnelle (Ibn Ḥazm, 2001 : 494). Un peu plus tard, le tableau dressé par al-Bakrî, qui se fonde sur la Géographie de Muḥammad b. Yûsuf al-Warrâq et sur des informations orales, nous donne un indice sur la situation du Zâb après un demi-siècle de politique exercée par les Ṣanhâja malikites. Après avoir signalé l’ibâḍisme dans le Jebel Nefûsa, al-Bakrî écrit que dans l’Aurès séjourna le fameux Abû Yazîd et que les Mazâta habitaient la région. À propos de Biskra, il dit que ses habitants sont des convertis au malikisme et que sa région était peuplée de Berbères Sadrâta et Maghrâwa (al-Bakrî, 2003 : 2/229-230). Le même géographe mentionne également la présence de Banû Birzâl et de ʿAjîsa ibâdites dans les montagnes situées au nord de M’sila, et de Hawwâra de même confession dans la localité d’al-Ghadîr,. Une peuplement ibâḍite représenté par des Hawwâra et des Miknâsa est également signalé dans l’un des trois forts de Banṭiyûs et au sud de Tahûda (al-Bakrî, 2003 : 2/254-255). Il semblerait toutefois que les données fournies par al-Bakrî remontent au siècle précédent, car elles ne font pas allusion à la présence hilâlienne dans la région. Elles sont donc à replacer au ive/xe siècle, époque où vivait al-Warrâq, sa principale source.

Nous devons recourir aux sources ibâḍites-wahbites pour avoir plus d’information sur l’impact de la politique pratiquée par les Ṣanhâja. À partir de la deuxième moitié du ve/xiesiècle, tous les récits rapportés par les auteurs font état d’une activité et d’une mobilité au sud du Zâb, notamment dans le village fortifié habité par les Banû Wâsîn, qui était en relation directe avec l’un des autres foyers ibâḍites, Asûf, habité majoritairement par les Luwâta (al-Furṣuṭâ’î, 2009 : 2/599). La tradition biographique de cette région, collationnée par Abû-l-Rabîʿ al-Wisyânî (2009 : 1/350-358), permet d’observer que les communautés ibâḍites de la région durent faire face à trois menaces. Le premier fut celle des Maghrâwa qui, sous la direction de leur chef Zîrî b. Muḥsin, devinrent hostiles aux ibâḍites après avoir renoncé à leur doctrine et razzièrent régulièrement leurs groupements. La seconde menace fut celle des Ḥammâdides qui dirigèrent des expéditions dans ces régions pour imposer leur autorité. Quant à la troisième menace, elle fut l’œuvre des Hilâliens, qui parvinrent à razzier les quṣûr.

Abû al-Rabîʿ al-Wisyânî (2009 : 1/413-414) fournit le seul témoignage de la survivance de l’ibâḍisme nukkârite dans l’Aurès au ve/xie siècle à propos d’une correspondance entre un savant nukkârite et un wahbite d’Ajlû. L’ibâḍisme durant cette période était également implanté dans le sud du Zâb, notamment dans la Qalʿa des Banû Wâsîn. Le célèbre savant wahbite Abû-l-Rabîʿ Sulaymân b. Yakhlaf al-Mazâtî (m. 471/1078) eut plusieurs disciples dans cette région (al-Wisyânî, 2009 : 448).

La modification en profondeur du tissu social et la disparition progressive de l’ibâḍisme

Le Zâb connut une présence hilâlienne notable à partir du milieu du ve/xie siècle. Bien que les témoignages sur la région soient rares, il ressort des sources écrites que le tissu social de la région fut profondément et durablement modifié. La Géographie d’al-Idrîsî (composée en 548/1153) constitue le plus ancien témoignage sur cette nouvelle conjoncture. Ainsi, elle mentionne la possession par les « Arabes » des terres dépendantes des villes du Zâb, comme à Bâdis et à Ḥiṣn Bishr (al-Idrîsî, 1989 : 1/264-270). Al-Idrîsî ne signale de peuplement berbère que dans les alentours de Bâghây et n’évoque l’ibâḍisme qu’à propos de Ouargla (al-Idrîsî, 1989 : 1/276, 296). Cette nouvelle carte est confirmée par les rares textes que nous possédons sur le Zâb dans les siècles suivants. Al-Tijânî (2005 : 125, 128, 186) fait remarquer, lors du voyage qu’il effectue en 706-708/1306-1308, que les ibâḍites habitent le Jérid et les monts de Bougie et de Constantine. Mais tandis que son témoignage sur le Jérid, sur Jerba et sur Zuwâra est basé sur une observation directe, les informations qu’il rapporte sur la présence ibâḍite dans les montagnes de Constantine et de Bougie doivent être reconsidérées. Son récit nous révèle par contre l’importance deszawâyâ rurales dans la diffusion du malikisme (al-Tijânî, 2005 : 190).

En ce qui concerne le Zâb, il est considéré, à l’instar du Jérid, comme un fief des « loups » hilâliens dans la Malʿaba, un poème composé par al-Kafîf al-Zarhûnî (1989 : 62) pour décrire l’expédition du sultan mérinide Abû-l-Ḥasan (731-752/1331-1351). En accompagnant le sultan mérinide Abû ʿInân (749-759/1349-1359) lors de sa campagne dans le Zâb en 758/1356, Ibn al-Ḥâjj al-Numayrî nous fournit lui aussi des informations intéressantes sur la situation de cette région au milieu du viiie/xive siècle. Dans son Fayḍ al-ʿubâb fî-l-ḥaraka al-saʿîda ilâ Qasanṭîna wa-l-Zâb, il évoque une pénétration hilâlienne du Zâb qui a changé profondément la région, où les villages fortifiés (quṣûr) ont remplacé les cités antiques pour le contrôle du territoire, à l’image du qaṣr fondé par ʿUthmân b. ʿAlî b. al-Riyyâḥî ou de celui élevé par son frère Sulaymân sur le site de l’antique Lambèse (pour une présentation des quṣûr hilâliens dans l’Aurès et le Hodna occidental : Hassen, 2003 : 42-45 ; Meouak, 2008 : 121-123). La description géographique dégage l’image d’un espace contrôlé par les chefs des tribus Riyyâḥ. Biskra devient alors la capitale du Zâb, sous le contrôle des Banû Muznî, hilâliens eux aussi (Ibn al-Ḥâjj, 1990 : 422-435). Le peuplement berbère n’est mentionné qu’à propos des Luwâta qui furent réduits en esclavage et travaillèrent pour le compte des nouveaux occupants, les Riyyâḥ (Ibn al-Ḥâjj, 1990 : 415). L’usurpation des terres des Berbères par les tribus hilâliennes dans le Zâb n’est toutefois pas une exception. Plusieurs fatâwâ rendues par al-Suyûrî font état d’une expropriation des domaines agricoles par les Hilâliens après avoir chassé ou réduit en esclavage les Berbères (al-Wansharîsî, 1981 : 9/593).

Les renseignements fournis par Ibn al-Ḥâjj al-Numayrî sont complétés par Ibn Khaldûn (m. 808/1406) qui passa un peu plus de six ans à Biskra. Sont confirmées notamment la domination du Zâb par les Riyyâḥ et la formation d’un nouveau réseau urbain à partir des vieilles cités oasiennes et des quṣûr nouvellement fondés après l’exil des Zanâta et des Miknâsa. Ibn Khaldûn écrit notamment que les Hilâliens « dominèrent les voisinages de villes du Zâb et du Maghreb central tandis que les Zanâta ne purent pas se défendre » (Ibn Khaldûn, s.d. : 4/19). La présence hilâlienne sur le territoire du Zâb ne dépeupla cependant pas toutes les villes et les villages fortifiés, mais leurs habitants devaient verser un tribut aux nouveaux maîtres. Toutefois, on constate alors une reconfiguration spatiale :awlâd, waṭan et aḥyâ’ deviennent les vocables d’une répartition tribale largement dominée par les différentes branches des Riyyâḥ, notamment les Dawâwda (Ibn Marzûq, 2008 : 306 ; Ibn Khaldûn, 2009 : 122 ; Amara, 2009 : 24).

Dans le tableau qu’il dresse des « tribus » berbères, Ibn Khaldûn emploie la notion de génération (jîl) à propos des Berbères qui avaient autrefois embrassé l’ibâḍisme et le ṣufrisme, mais qui du temps de l’auteur étaient devenus sunnites, s’intégrant ainsi à la deuxième « génération ». Les différentes communautés berbères concernées par cette analyse sont les Hawwâra, les Luwâta, les Lamâya, les Banû Yafran, les Banû Maghrâwa, les Banû Birzâl et les ʿAjîsa. À propos des premiers, Ibn Khaldûn (6/141-142) écrit qu’ils nomadisaient à son époque dans la région comprise entre Tebessa, Marmâjanna et Béja, et qu’ils accompagnaient les Banû Sulaym. Réduits en esclavage, ils avaient adopté le mode de vie des tribus arabes. De même, le groupe des ʿAjîsa dans les montagnes surplombant la ville de M’sila fut réduit en esclavage et remplacé par les ʿIyyâḍ (Ibn Khaldûn, s.d. : 6/145). Quant aux Zanâta, leurs principales branches – à savoir les Banû Yafran, les Banû Maghrâwa et les Banû Birzâl – désertèrent en majorité le Zâb pour aller s’établir au sud de Tlemcen et au Maghreb extrême, ainsi que dans les oasis du Sahara. Ceux qui restèrent dans le Zâb devinrent tributaires des Hilâliens (Ibn Khaldûn, s.d. : 7/7-8). Ibn Khaldûn n’établit plus aucun lien, à son époque, entre l’ibâḍisme et les Zanâta, et il affirme que ces derniers avaient adopté le malikisme. De tous les Zanâta du Zâb, seuls les Banû Sinjâs demeuraient ibâḍites du temps d’Ibn Khaldûn (7/47). Or dans l’état actuel de nos connaissances, il est difficile de localiser cette petite communauté. Il est fort probable qu’ils étaient installés dans le sud du Zâb, près de Toggourt où les Berbères Rîgha pratiquaient encore l’ibâḍisme wahbite et nukkârite au viiie/xive siècle (Ibn Khaldûn, s.d. : 7/48). Enfin, les Banû Birzâl avaient totalement déserté la montagne située au nord de la Qalʿa des Banî Ḥammâd à la suite de la répression fâṭimide et de l’exode massif vers al-Andalus (Ibn Khaldûn, s.d. : 7/53).

Bien que l’arrivée des Hilâliens ait provoqué un mouvement migratoire vers l’ouest et le sud – Ibn Khaldûn (7 : 51) mentionne notamment la fondation de plusieurs villages fortifiés à Ouargla par les Zanâta –, la thèse d’un déracinement total des communautés berbères est à reconsidérer. Il est établi que les nouveaux venus devinrent les maîtres des plaines et des plateaux, réduisant les communautés berbères existantes en esclavage ou bien en populations tributaires. Mais dans les massifs à relief accidenté, les communautés berbères gardèrent leur contrôle du territoire, à l’image des Hawwâra de l’Aurès, qui firent l’objet d’une razzia du sultan ḥafṣîde Abû Isḥâq en 648/1250 (Ibn al-Shammâ‘, 1984 : 76).

Conclusion : réflexions sur les causes de la disparition de l’ibâḍisme dans le Zâb

À quel moment exact et par quels processus les communautés du Zâb passèrent-elles de l’ibâḍisme au malikisme ? Pour répondre à cette question, les indices sont malheureusement minces. Dans son étude sur le Sahara libyen, J. Thiry (1995 : 233) rejette la thèse hilâlienne et pense que la disparition de l’ibâḍisme des oasis libyennes est dû « plutôt à un abandon très lent et graduel d’une doctrine hérétique en faveur d’un rapprochement avec le bloc malikite arabo-berbère qui, grâce à ses structures politisées, pouvait fournir une protection que les groupements ibâḍites étaient incapables d’offrir après la chute de Tâhart ». De son côté, V. Prevost (2008 : 307-318) explique la disparition de l’ibâḍisme du Jérid tunisien par plusieurs facteurs comme les guerres entre les Almohades et les Banû Ghâniyya de Majorque, les rivalités entre Wahbites et Nukkârites, l’apparition du maraboutisme, la propagande malikite initiée par les juristes, et l’isolement des communautés ibâḍites.

Pour le Zâb, bien que les querelles internes entre les différentes tendances de l’ibâḍisme aient joué un rôle dans le recul de ce courant de l’islam, elles n’ont pu pas peser sur le destin de la région, car cette dernière était acquise très majoritairement à une seule tendance, le nukkârisme. L’hypothèse avancée par J. Thiry est plausible et on a l’exemple de plusieurs ibâḍites entrant au service des troupes de dynasties sunnites, comme Ibrâhîm b. Wanmûy al-Mazâtî qui devint l’un des chefs de l’armée du prince al-Muʿizz (Abû-l-‘Abbâs al-Furṣuṭâ’î, 2009 : 2/572). Ces ibâḍites furent par la suite exclus par leurs coreligionnaires. Comme l’a signalé V. Prevost, l’émergence de réseaux mystiques sunnites entraîna une malikisation progressive de la population. Ainsi, Ibn al-Ṭawwâḥ al-Tûnisî (1995 : 52) fait état d’une diffusion du soufisme dans les régions primitivement ibâḍites grâce à l’enseignement délivré à Bougie par le grand quṭb Abû Madyan à plusieurs personnages de ces régions, notamment Ḥasan b. Muḥammad b. ʿImrân al-Nafṭî (m. 621/1224), Abû Yûsûf al-Dahmânî (m. 621/1224) et Ṭâhir al-Mazûghî (m. 646/1248). Ce dernier s’installa par la suite dans l’oasis d’Asûf, le principal foyer ibâḍite au sud du Zâb. Dans son étude portant sur la sainteté dans l’intérieur de l’Ifrîqiya, S. Alouani (2010 : 144-156) a montré le rôle joué par Qâsim b. Marâ, disciple d’al-Dahmânî et Sa‘âda al-Raḥmânî, dans la diffusion des idées mystiques sunnites en milieu tribal. Pour le Zâb, Saʿâda al-Raḥmânî, un membre des Riyyâḥ, fut à l’origine du mouvement qui fit basculer la région dans le soufisme sunnite. Quant à Biskra, elle était reliée aux réseaux juridiques et son apparition dans le corpus juridique malikite de la fin du Moyen Âge (Ibn Khantâsh al-Masîlî, 2011 : 73-74) marque la disparition totale de l’ibâḍisme du Zâb. Les dictionnaires biographiques malikites se font également l’écho d’une circulation géographique de juristes originaires des localités du Zâb, comme Abû-l-‘Abbâs Aḥmad al-Niqâwusî, né à N’gaous dans l’Aurès et auteur de plusieurs ouvrages de droit malikîte (Aḥmad Bâbâ al-Tinbuktî : 2000 : 1/91-92. L’établissement des tribus Riyyâḥ dans le Zâb provoqua toutefois une modification importante du tissu social, entraînant un déclin des communautés berbères qui perdirent le contrôle de la majorité écrasante des territoires.

Allaoua Amara, « Entre le massif de l’Aurès et les oasis : apparition, évolution et disparition des communautés ibâites du Zâb (viiie-xive siècle) », Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, 132 | décembre 2012, mis en ligne le 13 décembre 2012, consulté le 22 mars 2016.

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Notes :

1 Cet article s’insère dans le projet Maghribadite de l’Agence Nationale de la Recherche, dirigé par Cyrille Aillet. Mes remerciements à Karyn Mercier, infographiste au CIHAM-UMR 5648 pour la finalisation de la carte.

2 La question du dualisme Butr/Barânis a été étudiée de manière approfondie par plusieurs chercheurs (Bulliet, 1981 : 104-116 ; Modéran, 2003 : 685-808).

3 Le mot shurât, utilisé par les textes pour désigner les Kharijites, peut être diversement interprété. L’un des stades définis par la pensée politique ibâḍite est appelé shirâ’ : il désigne le sacrifice – littéralement la « vente » de soi – que doivent consentir les partisans du mouvement pour défendre les fidèles face au pouvoir impie (al-Darjînî, 1974 : 2/364 ; Mu‘jam, 2008 : 1/551-552).

4 Abû Yazîd envoya son fils Ayyûb à Cordoue pour solliciter l’aide du calife al-Nâṣir, mais de retour au Maghreb, celui-ci tomba dans une embuscade tendue par le gouverneur fâṭimide de Tâhart.

5 Abû Zakariyyâ’ al-Wârjilânî (1979 : 120) évoque la visite de Faḍl, le fils d’Abû Yazîd, aux groupements de nomades Mazâta (ḍa‘â’in Mazâta).

6 En étudiant le peuplement et l’onomastique berbères en al-Andalus, H. de Felipe (1997) et M. Ḥaqqî (2001) ont montré l’établissement sur ce territoire de plusieurs tribus berbères considérées comme khârijites au iie/viiie siècle (les Miknâsa, les Hawwâra, les Zanâta et les Banû Birzât).

Bassem ABDI

Passionné d'histoire, j'ai lancé en 2013 Asadlis Amazigh, une bibliothèque numérique dédiée à l'histoire et à la culture amazighe ( www.asadlis-amazigh.com). En 2015, j'ai co-fondé le portail culturel Chaoui, Inumiden.

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