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Les Berghouatas, une dynastie amazighe hors-norme

Dr. Mohamed Chtatou

Professeur universitaire, Rabat, Maroc

Du milieu du 8èmesiècle jusqu’au milieu du 11ème siècle au moins, un peuple berbère connu sous le nom de Berghouata a vécu de façon de plus en plus inconfortable à la périphérie occidentale de l’Afrique du Nord. L’histoire arabe médiévale les dépeint d’une manière qui montre une ambivalence croissante à l’égard de leurs pratiques religieuses distinctives, ce qui a fini par les vilipender et les condamner. Pourtant, ces mêmes histoires conservent des représentations qui montrent que les Berghouatas n’ont pas toujours été considérés comme des hérétiques à vaincre.[i]

Le changement historiographique décrit ici est le reflet de plusieurs dynamiques. Certaines sont larges, comme l’idéal d’orthodoxie de plus en plus uniforme dans la région. L’image des Berghouatas a été de plus en plus réduite à une caricature, subtilement contredite par les sources historiques fiables.

Les Berghouatas étaient une confédération de groupes berbères habitant la côte atlantique du Maroc, qui appartenaient à la division tribale berbère Masmouda. Après s’être alliés avec la rébellion soufie kharijite au Maroc contre les Omeyyades, ils ont établi un état indépendant (744 – 1058) dans la région de Tamesna sur la côte atlantique entre Safi et Salé sous la direction de Tarif al-Matghari.[ii]

En effet, les Berghouatas, ont fondé un état berbère indépendant solide doté d’une religion et d’une grande armée capable, selon le géographe andalou al-Bakrī,[iii] de mettre plus de 12 000 cavaliers sur le terrain simultanément. Ils semblent, indéniablement, avoir joué un rôle politique, prépondérant, en Afrique du Nord jusqu’à l’arrivée des Almoravides (deuxième moitié du 11ème siècle).[iv]

Qui sont-ils ?

La conquête du Maghreb par les musulmans, qui a commencé au milieu du 7ème siècle, a été réalisée par le califat omeyyade au début du siècle suivant.[v] Elle a apporté la langue arabe et l’islam dans la région. Bien que faisant partie d’un empire islamique vaste, le Maroc a d’abord été organisé comme une province subsidiaire de l’Ifriqiyya, avec des gouverneurs locaux nommés par le gouverneur musulman de Kairouan.[vi]

Les tribus berbères indigènes ont adopté l’islam, mais ont conservé leur droit coutumier azref. Ils payaient également des impôts kharaj et des tribus jizya[vii] à la nouvelle administration musulmane.[viii] Le premier état musulman indépendant dans la région du Maroc de ce temps a été le royaume de Nekkor,[ix] un émirat des montagnes du Rif. Il a été fondé par Salih I ibn Mansour en 710, en tant qu’état client du califat omeyyade. Après le déclenchement de la révolte berbère en 739, les Berbères ont formé d’autres états indépendants tels que les Meknasas de Sijilmasa et les Berghouatas de Tamesna.

Les Berghouatas ont régné sur Tamesna, la plaine côtière où se trouvent aujourd’hui Casablanca et Rabat, du début du 8ème jusqu’au milieu du 11ème siècle.  Pendant 300 ans, ils ont régné sur un royaume farouchement indépendant.  Non seulement ils étaient libres de toute ingérence politique extérieure et de toute domination arabe, mais l’un de leurs rois, Younes (842-884), a tenté d’affirmer l’autonomie culturelle et religieuse des Berbères en introduisant une version berbère de l’islam.  Alors que ce nouvel islam n’a duré, comme orthodoxie dans leur royaume, que pendant moins d’un siècle, sa simple existence, avec un nouveau prophète et un texte sacré, témoigne de la détermination des Berghouatas à rester séparés des conquérants arabes, tant politiquement que culturellement.[x]

Parmi les différents royaumes berbères d’Afrique du Nord, les Berghouatas étaient particulièrement prédisposés à mener une rébellion culturelle sous la forme d’un islam berbère ; leur indépendance politique et économique par rapport aux régions environnantes sous domination arabe les mettait en contact permanent avec les Arabes qui cherchaient à les conquérir.  En outre, le califat omeyyade traitait très mal les musulmans non-arabes, ce qui a accentué le ressentiment des Berbères envers les Arabes.

L’apparition de l’islam Berghouata, au 9ème siècle, a été une période de turbulences où les Berbères arrachaient aux Arabes le contrôle de leurs terres.  La religion Berghouata a cherché à distinguer les Berbères des Arabes conquérants, mais ne s’est pas considérée comme une nouvelle foi. Cela suggère que les habitants du royaume Berghouata (ou plutôt son roi) ont embrassé l’islam, mais ont rejeté une perception de la foi comme étant pratiquée au Maroc au 9ème siècle.[xi]

Pendant un certain temps après les premières conquêtes arabes, les Berbères ont surtout vécu sous la domination arabe.  Les premiers dirigeants arabes ont été le califat omeyyade, dont la capitale se trouvait dans la lointaine ville de Damas au Machrek.  Bien que de nombreux Berbères se soient convertis à l’islam et aient aidé les Arabes dans leur conquête d’Al-Andalous par Tarik ibnou Zeyyad,[xii] ils ont continué à être maltraités par le califat, étant dans certains cas lourdement taxés ou même pris comme esclaves.

Ces inégalités ont déclenché une véritable révolte berbère en Ifriqiyya en 741, mais dans les siècles qui ont suivi les conquêtes arabes, les états contrôlés par les Berbères ont commencé à récupérer leur souveraineté et leur autorité.  Le califat abbasside, qui a pris le pouvoir au milieu du 8èmesiècle, a traité les musulmans non-arabes bien mieux que les Omeyyades, cédant même le contrôle direct du Maroc aux Idrissides.

Alors que la dynastie des Idrissides a été fondée par des Arabes, son sultan s’est marié avec une Berbère et a vécu au Maroc parmi les Ourabas de Walili (Volubilis), plutôt que dans le Machrek; cela a sans aucun doute conduit à une amélioration du traitement des Berbères au Maroc.

En Ifriqiyya, il y a aussi des cas où les Berbères ont obtenu plus d’autonomie par rapport au Machrek, comme les Hammadides. Il s’agit d’une dynastie berbère située dans l’Algérie actuelle, qui a déclaré son indépendance vis-à-vis des Fatimides et a renoncé à la doctrine chiite fatimide en 1014. Dans le contexte de cette renaissance politique berbère, la nouvelle tradition religieuse des Berghouatas peut être considérée comme une rébellion culturelle contre la domination arabe, un complément logique à leur rébellion politique déjà réussie.

Les Berghouaṭas, confédération tribale amazighe qui a créé un état politico-religieux au Maroc (8ème – 11ème siècle) sont membres de la famille Maṣmouda habitant la plaine entre la chaîne de montagnes du Moyen Atlas et l’Atlantique. Ils avaient rejoint les Meknasas et Ghomaras amazighs dans la révolte Kharijite contre le calife omeyyade en 740-742,[xiii] s’emparant de Tanger et défaisant les armées omeyyades d’Espagne dans la Bataille des Nobles en 740 (en arabe : غزوة الأشراف (Ghazwat al-Ashraf)).[xiv]

Vue sur le fleuve marocain du Sebou ou eu lieu la Bataille de Bagdoura qui était un affrontement décisif dans la révolte berbère face au Omeyyades à la fin de l’année 741, elle faisait suite à la Bataille des Nobles de 740

Peu de temps après, la rébellion a été réprimée, mais un nouveau chef, Ṣaliḥ ibn Ṭarif, a émergé en 748-749 parmi les Berghouaṭas et s’est présenté comme un prophète, enseignant un mélange de croyances islamiques, païennes et astrologiques. Ses successeurs ont propagé cette doctrine dans toute la confédération. Sous le règne d’Abou Ghoufail (885-913), la confédération s’est fermement établie sur le territoire des Berghouaṭas et a contribué à la création d’un Etat hautement défensif qui s’est également avéré commercialement prospère.

Berghouata est une déformation phonétique du terme Barbati, un surnom que portait Tarif. On pense qu’il est né dans la région de Barbate, près de Cadix en Espagne, mais Jérôme Carcopino[xv] et d’autres historiens pensent que le nom est beaucoup plus ancien et que la tribu est la même que celle que les Romains appelaient les Baquates, qui jusqu’au 7ème siècle vivaient près de Walili ( Volubilis).

La révolte amazighe des Berghouatas (739-743)

En 740, sous l’impulsion d’agitateurs kharijites puritains, la population berbère indigène se révolte contre le califat omeyyade au pouvoir. La rébellion a commencé parmi les tribus berbères de l’ouest du Maroc, et s’est rapidement étendue à toute la région. Bien que l’insurrection se soit arrêtée en 742 avant d’atteindre les portes de Kairouan, ni les dirigeants omeyyades de Damas ni leurs successeurs abbassides n’ont réussi à rétablir leur domination sur les régions à l’ouest de l’Ifriqiyya.

Le Maroc a échappé au contrôle des Omeyyades et des Abbassides et s’est fragmenté en un ensemble de petits Etats berbères indépendants tels que Berghouata, Sijilmassa et Nekkor, en plus de Tlemcen et Tahert dans ce qui est aujourd’hui l’ouest de l’Algérie. Les Berbères ont ensuite façonné leur propre version de l’islam. Certains, comme les Banou Ifrens, ont conservé leurs liens avec des sectes islamiques radicales et puritaines, tandis que d’autres, comme les Berghouatas, ont construit une nouvelle foi syncrétique.

Les Berghouatas, avec les Ghomaras et les Meknasas, ont lancé la révolte berbère de 739 à 740. Ils ont été enflammés par les prédicateurs du groupe Soufri Kharijite, une secte musulmane qui a adopté une doctrine représentant l’égalitarisme total en opposition à l’aristocratie du Coran qui s’était accentuée sous le califat omeyyade. Les rebelles ont élu Maysara al-Matghari pour mener leur révolte, et ont réussi à prendre le contrôle de presque tout ce qui est aujourd’hui le Maroc, inspirant de nouvelles rébellions au Maghreb et en al-Andalous.

Lors de la bataille de Bagdoura,[xvi] les rebelles ont anéanti une armée particulièrement puissante envoyée par le calife omeyyade de Syrie. Mais l’armée rebelle elle-même a finalement été vaincue dans la banlieue de Kairouan, en Ifriqiyya, en 741. Dans la foulée, l’alliance rebelle s’est dissoute.

Avant même ce dénouement, les Berghouatas, en tant que fondateurs de la révolte, avaient éprouvé du ressentiment face à la tentative des adhérents ultérieurs, notamment les chefs des Zenatas, en alliance avec les commissaires soufis de plus en plus autoritaires, de prendre le contrôle de la direction de la rébellion. Comme leur objectif principal – la libération de leur peuple du régime omeyyade – avait déjà été atteint et qu’il y avait peu de chances qu’il soit réimposé un jour, les Berghouatas ne voyaient pas l’intérêt de poursuivre les campagnes militaires. En 742 ou 743, les Berghouatas se retirèrent de l’alliance rebelle et se replièrent dans la région de Tamesna, sur la côte atlantique du Maroc, où ils fondèrent leur nouvel Etat indépendant et abandonnèrent leur soufisme kharijite.

Les Berghouatas ont régné dans la région de Tamesna pendant plus de trois siècles (744-1058). Sous les successeurs de Salih ibn Tarif,[xvii] Ilias ibn Salih (792-842) ; Younes ibn Ilias (842-888) et Abou Ghoufail (888-913), le royaume tribal a été consolidé, et des missions ont été envoyées aux tribus voisines. Après de bonnes relations initiales avec le califat de Cordoue, il y a eu une rupture à la fin du 10ème siècle avec les Omeyyades au pouvoir.

Deux incursions omeyyades, ainsi que des attaques des Fatimides ont été repoussées par les Berghouatas. À partir du 11ème siècle, une guérilla intensive a eu lieu avec les Banou Ifrens. Même si les Berghouatas ont été très affaiblis par la suite, ils ont réussi à repousser les attaques des Almoravides. Le chef spirituel des Almoravides, Ibn Yasin, est tombé au combat contre eux en 1058.[xviii] Ce n’est qu’en 1149 que les Berghouatas ont été éliminés par les Almohades en tant que groupe politique et religieux.

En concomitance avec la principauté Berghouata sur l’Atlantique, le royaume de Nekkor était un émirat centré dans la région du Rif au Maroc. Sa capitale était initialement située à Temsaman, puis s’est déplacée à Nekkor. Le régime politique a été fondé en 710 par Salih I ibn Mansour. Sous sa direction, les tribus berbères locales ont adopté l’islam, mais l’ont ensuite déposé en faveur d’un az-Zaydi de la tribu Nafza. Ils ont ensuite changé d’avis et ont renommé ibn Mansour. Sa dynastie, les Banou Sslihs, a ensuite régné sur la région jusqu’en 1019. En 859, le royaume a été vaincu par des Vikings armés de navires à Nekkor. Après avoir séjourné huit jours au Maroc, les Vikings se sont retirés en Espagne.

Étendard de la dynastie Berghouata

Dynastie controversée

Les Berghouatas, l’une des dynasties les plus controversées de l’histoire du Maroc, représentent un phénomène hérétique qui suscite la suspicion et le ressentiment même à l’époque moderne ; souvent, les récits de leur domination au Maroc sont incomplets, voire absents des programmes scolaires et des annales de l’histoire dynastique marocaine. La raison de ce manque flagrant d’attention à leur histoire s’explique au mieux par l’acceptation et la pratique par les Berghouatas d’une doctrine religieuse qui était antithétique et hétérodoxe par rapport à l’islam orthodoxe standard, bien que leur hérésie soit plus profonde que l’islam.[xix] L’hérésie des Berghouatas a finalement transcendé le dogme religieux et la spiritualité, s’étendant également aux domaines de la gouvernance et de l’organisation militaire.

L’abandon et le rejet général de l’islam traditionnel et de l’état islamique orthodoxe s’expliquent au mieux par les dirigeants du mouvement, notamment Younes ibn Ilias, qui ont cherché à maintenir une identité séparée et distincte de celle des Arabes envahisseurs et du califat omeyyade rival. Grâce à une combinaison de direction avisée, de prouesses militaires et de l’importance d’une identité amazighe distincte et fière, la dynastie des Berghouatas a pu maintenir sa mainmise sur le pouvoir et étendre son règne pendant près de trois cents ans (de 729 à 1027), établissant un héritage notable pour elle-même des dynasties omeyyades et idrissides rivales de son époque.

Bien que la dynastie ait été fondée par Salih ibn Tarif (729/730 – 793), un fidèle disciple des Kharajites, c’est son petit-fils, Younes ibn Ilias (qui a régné de 842 à 884) qui a pris sur lui de “berbériser radicalement l’islam sous une forme locale et totalement indépendante“.[xx] Bien que pour beaucoup, la révélation du Coran berbère soit attribuée à Salih ibn Tarif, Norris explique que c’est probablement parce que Younes, qui était considérablement moins charismatique que son grand-père, a exploité le nom de son grand-père pour gagner en popularité pour son nouveau mouvement .[xxi] Bien que les motivations de Younes restent encore quelque peu floues, on peut supposer qu’après un voyage en Orient, il est revenu avec un zèle religieux et un dédain nouveaux pour l’islam orthodoxe qui, dans son esprit, en était venu à représenter l’identité arabe, et non celle de ses compatriotes amazighes.

Il convient, toutefois, de mentionner que pour parvenir à l’invention d’un islam berbère, Younes s’est moins appuyé sur les traditions et les pratiques propres au paganisme berbère préislamique que, ironiquement, sur des idées venues de l’islam oriental dans la région du Maghreb. Quoi qu’il en soit, il espérait parvenir à une “libération culturelle” pour le peuple amazigh et y est parvenu en changeant l’islam de manière jugée hérétique selon les normes traditionnelles.[xxii]

La dynastie Berghouata est un chapitre remarquable de l’histoire amazighe au Maroc

La dynastie Berghouata est un chapitre remarquable de l’histoire amazighe, à la fois mémorable et controversé pour son défi à l’orthodoxie islamique dans le Maroc ancien. Le présent travail examinera la nature de sa rébellion contre le traditionalisme islamique dans les domaines de la religion et de la politique, et étudiera comment les questions d’identité et d’auto-préservation contribuent à expliquer les motivations d’un tel mouvement et les raisons de sa longévité. Je ferai valoir que les motivations politiques de la dynastie Berghouata sont dues à la rébellion kharijite qui a eu lieu pendant la première guerre civile islamique, dans le cadre de la lutte pour la succession entre Le calife rachidoune Ali et Mou’awiya, le premier général putschiste de l’histoire de l’Islam.[xxiii]

En outre, l’adoption par les Berghouatas d’un islam berbère peut être considérée comme une libération culturelle s’ajoutant à l’indépendance politique des Berbères obtenue par le mouvement kharijite. L’exploitation des croyances islamiques orthodoxes pour légitimer leurs interprétations hétérodoxes, la volonté d’affirmer l’identité des minorités et d’injecter à un groupe socialement défavorisé une certaine dose de pouvoir social et politique semblent être au cœur de l'”hérésie” des Berghouatas. Outre l’invention de l’islam berbère, les Berghouatas ont bénéficié d’une armée puissante et d’un certain nombre de dirigeants astucieux qui ont contribué au règne tricentenaire de la dynastie.

La dynastie des Berghouatas a duré de 729 à 1027 et s’étendait sur un territoire allant de Salé à Azemmour au Maroc. Tarif, l’ancêtre de ses souverains, était très probablement un Kharijite – une origine qui explique les origines politiques des Berghouatas et l’idéologie hétérodoxe. Dans la lutte pour la succession après la mort du prophète Mohammed, les forces d’Ali Ibn Abi Talib sont allées se battre contre celles de Mou’awiya. Un groupe de l’armée d’Ali s’est révolté quand Ali a accepté de cesser les combats et de négocier entre les deux parties. Le groupe s’est d’abord opposé à la cause de Mou’awiya en tant que rébellion contre Ali, le calife légitime, et s’oppose maintenant à Ali parce qu’il semble vouloir compromettre son autorité légitime. Ainsi, Tarif et ses fils, issus de ce groupe séparatiste connu sous le nom de Kharijites, ont pu contribuer à obtenir pour les Berbères de l’époque une liberté politique par rapport à l’ordre arabo-islamique.[xxiv] Et pendant le règne de l’arrière-petit-fils de Tarif, Younes, cet héritage d’indépendance politique a donné l’impulsion à la campagne de libération culturelle de Younes, qui s’est exprimée par l’invention de l’islam berbère.

Au milieu du 10ème siècle, les Berghouaṭas ont eu suffisamment d’influence pour maintenir des relations diplomatiques avec les Omeyyades de Cordoue, malgré les croyances non conformes des Amazighs et le sunnisme rigide de cette cour musulmane d’al-Andalous. Les relations entre les deux puissances ont cependant été tendues à la fin du siècle, et les Berghouaṭas ont été assailli par deux invasions en provenance d’Espagne (977-978 ; 998-999) et une attaque par un agent de la dynastie fāṭimide en provenance de l’est (982-983). Les Berghouaṭas ont réussi à faire face à ces incursions, mais au 11ème siècle, ils ont été conquis par leurs voisins amazighs, les Banoū Īfrens, alliés des Omeyyades.

Les Berghouatas furent accusés d’hérésie par les dynasties voisines qui se succédèrent sur le territoire de l’actuel Maroc (Idrissides, Zirides, Almoravides et Almohades) qui déclarèrent une guerre sainte contre eux.[xxv] Cependant l’émirat réussira pendant 3 siècles à résister aux attaques de ses ennemis jusqu’à l’avènement des Almohades au pouvoir qui par le biais de leur chef militaire Abdelmoumen réussira à conquérir la principauté Berghouata en  1149 et à exterminer totalement sa population “hérétique“. La région de Tamsena fut isolée pendant plusieurs décennies jusqu’à ce que les Almohades dans un acte de punition décidèrent d’y transférer des tribus arabes qui se sont unis au rebelle Ibn Ghania, ennemi des Almohades.

Défiance de l’orthodoxie islamique

Younes ibn Ilias, qui a régné entre 842 et 884, a été responsable de la manifestation de défi la plus particulière de la dynastie Berghouata contre l’orthodoxie islamique. Younes a développé et imposé une forme d’islam berbère qui utilisait les idées et les croyances de l’islam de l’Est avec les traditions locales et mettait l’accent sur le pouvoir et la légitimité de la lignée des descendants de Tarif.[xxvi] Si la révolte kharijite des ancêtres de Younes a constitué une rupture avec la structure politique des califats islamiques, l’invention d’un nouvel islam berbère a également apporté une libération culturelle.

Cette religion, qui n’est pas un rejet de l’islam mais une réinterprétation de celui-ci, semble avoir mis à profit certaines croyances islamiques orthodoxes afin de maintenir la légitimité historique de la religion de l’islam tout en élevant les souverains berbères à des statuts religieux prestigieux aux côtés des figures orthodoxes du Coran. Par exemple, la religion a reconnu la prophétie de Mohammed, mais l’a présenté comme le prophète des Arabes;[xxvii] elle a salué Salih ibn Tarif comme le Mahdi, celui à qui le Coran berbère a été révélé en secret[xxviii] et derrière qui  Jésus prierai à la fin des temps.[xxix]

L’islam berbère ayant équilibré et mélangé les croyances islamiques orthodoxes et hétérodoxes, cette période controversée peut être considérée comme une remarquable affirmation de l’identité berbère pendant une période de domination arabo-islamique, et le désir d’auto-préservation d’un groupe minoritaire travaillant dans le cadre religieux et culturel d’un groupe majoritaire détenant un pouvoir social bien plus important qu’eux-mêmes.[xxx] Diverses adaptations infimes et apparemment arbitraires des croyances de l’islam, telles que le mois de jeûne et le jour de l’assemblée religieuse,[xxxi] semblent soutenir l’idée que l'”hérésie” des Berghouatas était davantage une affirmation symbolique de leur propre identité ethnique.

En outre, il est important de noter que les changements apportés par les Berghouatas à l’islam n’étaient pas toujours une adaptation, mais aussi un ajout. Par conséquent, dans une certaine mesure, il semble que l’hétérodoxie des Berghouatas ait été partiellement motivée par un désir d’affirmer une domination ou une supériorité sur les origines arabes de l’islam. Par exemple, alors que l’islam orthodoxe exige cinq prières quotidiennes, l’islam berbère en exige dix.[xxxii]

Cependant, la spécificité de l’islam des Berghouatas n’est pas la seule raison de la longévité de la dynastie. En effet, le règne des Berghouatas s’est poursuivi plus de 100 ans après l’imposition de l’islam berbère sur leurs terres.[xxxiii] La longévité de la dynastie Berghouata s’explique en partie par la chance qu’elle a eue d’avoir parmi elle un certain nombre de souverains rusés, intelligents, charismatiques et souvent impitoyables, ainsi qu’une armée redoutable et bien structurée.

L’un de ces dirigeants était Younes ibn Ilias, qui affirmait que son grand-père Salih était le premier prophète de l’islam berbère. Mohamed Talbi, cependant, propose que Younes était un dirigeant calculateur et charismatique qui a inventé la religion lui-même et “a projeté l’évolution de la secte en arrière dans l’âge d’or de son grand-père respecté[xxxiv] afin de donner une légitimité à ses revendications et de soutenir la religion au-delà de son règne.

Alors que Younes était également connu pour ses batailles sanglantes,[xxxv] les Berghouatas ont compris l’importance de gérer les relations avec les tribus et les empires voisins. Abdallah Abou an-Ansar convoquait chaque année son importante armée pour annoncer des raids sur les tribus voisines, qui ne tardaient pas à les apaiser par des cadeaux et des promesses d’amitié, aman. Ayant réussi à gagner la crainte et le respect des tribus, Abdallah allait maintenir la paix sur ses terres en retirant la menace de raids jusqu’à l’année d’après.[xxxvi]

Bien sûr, les prouesses militaires des Berghouatas étaient renommées et la capacité constante de la dynastie à se défendre militairement a contribué de manière importante à son impressionnant règne. Zammour al-Barghawati a écrit que Salih commandait 3 200 chevaliers, 10 000 cavaliers des tribus berbères et 12 000 autres cavaliers parmi les musulmans.[xxxvii] Ce n’est qu’en 1027, trois cents ans après le début de la dynastie, que les Berghouatas ont été vaincus au combat.[xxxviii]

 

Les Berghouatas ont défié la convention historique selon laquelle les Berbères n’étaient que des fantassins au service des puissants Arabes ; cet islam berbère est la preuve que, pendant un temps, les Berghouatas ont également cherché à défier l’idée que les Berbères abandonnaient joyeusement leurs hérésies sauvages en faveur de l’orthodoxie arabe islamique.  Dans ce contexte, il est significatif que Younes, l’homme qui a introduit ce nouvel islam à la Berghouata, ait voyagé en Orient arabe.  Bien que le dossier historique du voyage de Younes en Orient soit incomplet (la seule information disponible est qu’il a voyagé avec quatre autres Kharijites, et a visité Damas et est devenu accro aux substances psychotropes, nous pouvons supposer qu’il a été confronté à une culture islamique très différente de la sienne au Maroc).  Et, étant originaire d’une région éloignée du monde musulman, sa pratique de la foi a probablement été tournée en dérision ou perçue comme étant très imparfaite par ceux qui habitaient l’épicentre du monde musulman.

Après avoir été raillé pour sa différence, Younes a été encouragé à rentrer chez lui et à promouvoir cette différence.  L’émergence de l’identité ethnique[xxxix] a été expliquée en termes similaires, dans l’exemple classique de l’anthropologue Gellner du Ruritanien qui visite la Mégalomanie.  Un Ruritanien d’un petit village se rend dans sa capitale, la Mégalomanie, à la recherche d’un emploi, et on se moque de ses diverses différences culturelles, qu’il n’avait jamais remarquées auparavant.  De retour dans sa ville natale, il est fier de sa culture ruritanienne et prêche l’émancipation politique du pouvoir mégalomaniaque.[xl]

Dans ce cas, Younes a voyagé du Maroc vers l’Orient, se croyant un musulman pieux comme les autres.  À son arrivée, il se rend compte qu’il est différent des Arabes qui l’entourent, et il est peut-être raillé ou méprisé à cause de cette différence ou à cause de sa berbérité.  À son retour au Maroc, il cherche à affirmer la différence ethnique des Berbères par rapport aux Arabes, et à les libérer de la domination culturelle arabe, en modifiant et en créant un islam amazigh.

Les atouts de la dynastie

L’un des atouts majeurs de la dynastie des Berghouatas était son aptitude militaire, qui a contribué à sa pérennité et à sa domination tout au long de son règne. Pendant le règne de Younes ibn Ilias, toute la force de cette puissance militaire a été utilisée pour maintenir les sujets de la dynastie dans le rang et empêcher toute sorte de dissidence ou de mouvements concurrents. On dit que Younes obligeait les gens à le suivre en “tuant tous ceux qui ne l’acceptaient pas jusqu’à ce qu’il ait dépeuplé trois cent quatre-vingt-sept villes… le nombre de morts s’élevait à sept mille sept cent soixante-dix“.[xli]

Mais ce n’est pas seulement la poigne de fer avec laquelle Younes a régné qui a rendu l’armée si redoutable. Parmi les tribus berbères Berghouatas, il y avait “dix mille cavaliers… [et] parmi ceux qui leur devaient allégeance parmi les musulmans et qui sont attachés à leur royaume… on compte environ douze mille cavaliers“.[xlii]

La taille et les effectifs de l’armée que les Berghouatas contrôlaient ont fait de la dynastie une force avec laquelle il fallait compter parmi ses ennemis. Leurs prouesses militaires leur ont également permis de contrôler de nombreux fleuves importants qui se jettent dans l’Atlantique, donnant aux Berghouatas un avantage stratégique sur la dynastie rivale de son époque, à savoir les Idrissides. En s’appuyant sur une combinaison impressionnante de leadership militaire astucieux, de profondeur stratégique et de puissance martiale pure en termes de nombre, les Berghouatas ont pu maintenir leur puissance pendant plusieurs générations, malgré la pression extérieure des Idrissides et des Omeyyades.

Au sujet de la longévité du règne des Berghouatas, Sarah Hawkings écrit :[xliii]

“Quand on examine l’indépendance politique des Berghouatas et leur durabilité en tant que régime, il semble tout à fait naturel qu’ils soient le royaume berbère à la recherche d’une émancipation culturelle des Arabes.  Ils ont maintenu un régime berbère indépendant pendant quatre siècles, en commençant moins d’un siècle après les conquêtes arabes.  Leur longévité peut être attribuée à plusieurs facteurs.  Tout d’abord, ils avaient une position géographique avantageuse.  Une grande partie de leur frontière se trouvait le long de l’océan Atlantique, et un seul royaume voisin, Al-Andalous, disposait d’une marine de guerre compétente.  Les Berghouatas étaient amis avec Al-Andalous, ce qui signifie qu’ils pouvaient concentrer l’essentiel de leurs défenses sur leurs frontières terrestres. Comme ils dépensaient si peu d’énergie à protéger leur frontière océanique, les Berghouatas pouvaient se permettre de maintenir une armée exceptionnellement importante pour défendre leurs frontières terrestres.  La topographie de leur territoire était complexe, avec d’innombrables vallées fluviales sinueuses, ce qui rendait difficile la navigation en tant qu’envahisseur extérieur ; cela décourageait les royaumes voisins d’envahir. “

 

Et va plus loin pour affirmer que leur supériorité militaire et le fruit de leur connaissance du terrain et de la richesse de leurs terres agricoles :

“Nous ne pouvons pas non plus négliger l’importance des lignes de communication des Berghouatas, qui utilisaient les signaux de feu et les rivières locales, pour leur permettre d’avoir le dessus sur une armée d’invasion.  De plus, leur territoire stratégiquement situé avait un sol très fertile, ce qui leur permettait de produire leurs propres récoltes et de minimiser leur dépendance matérielle vis-à-vis des royaumes environnants.  Les avantages de leur géographie – un océan sans marine menaçante à proximité, une topographie complexe et un sol fertile – ont permis aux Berghouatas de prospérer pendant quatre siècles en tant que royaume berbère politiquement et économiquement indépendant. “

Hérétiques dévots

Les Ibadis berbères sous la direction d’Ibn Roustam à Tahart, en Algérie, ont créé des manifestations uniques de la culture islamique en contradiction avec une grande partie de la pratique orthodoxe orientale.[xliv] Cependant, ils n’étaient peut-être pas la forme unique de l’Islam berbère. Les Ibadis utilisaient l’arabe et le Coran arabe dans leurs écrits religieux. Les musulmans plus proches de Kairouan faisaient partie d’une sphère plus large d’arguments théologiques et religieux qui ont défini les débuts de l’histoire de l’islam dans son ensemble. En revanche, les Berghouatas et les mystérieux disciples de Ha-Mim ont créé une forme d’islam qui était beaucoup plus dominée par la langue berbère et les traditions et modes de vie berbères locaux.

Prophète parmi la tribu berbère Madjkasa,[xlv] Ha-Mim est né Mann-Allah ibn Hafiz ibn ʿAmr ; il était également connu sous le nom d’Abou Mohammed. Il a commencé à enseigner ses croyances religieuses vers 925. Sa religion semble avoir persisté bien après sa mort pendant une période de temps inconnue. Cependant, elle semble avoir disparu au début du 11ème siècle. Ha-Mim a été tué dans une bataille contre les Berbères de Masmouda, en 927 ou 928, juste à la sortie de Tanger. Sa lignée est donnée comme suit : Ha-Mim fils de Mann Allah, fils de Hariz, fils de ʿAmr, fils d’Ou-Jefoul, fils d’Ou-Zeroual.

Les historiens indiquent que Ha-mim a proclamé sa prophétie vers l’an 927. Dans une région où la population est encore peu éduquée, il a rapidement réussi à drainer les foules. En effet, le “Livre des exemples“, de l’historien et penseur Ibn Khaldoun (1332 – 1406), décrit Ghomara, le fief de Ha-Mim, comme étant habitée, à cette époque, par :[xlvi] “des hors-la-loi bédouins, illettrés et dépourvus de toute bienveillance”.

Au sujet de la religion de Ha-Mim, l’historien marocain Ahmad ibn Khalid an-Nasiri (1835 – 1897) précise dans son ouvrage “Kitâb al-Istiqsa“ que Ha-Mim a conseillé deux prières par jour à ses fidèles à la place des cinq prière de l’Islam arabe:[xlvii]

“ L’une au lever du soleil et l’autre au coucher, avec trois prosternations pour chacune, accompagnées de psalmodies de leur Coran : “Eloigne-moi du pêché, Ô toi qui a sorti Joseph des baleines et Moïse de la mer. En Ha-Mim je crois et en son père. Mon esprit, mon cœur et le plus profond de mon âme croient en lui, en Thalya et en sa sœur“.

 

Ces deux dernières, connues pour leurs pouvoirs magiques, ont souvent été implorées dans les prières des fidèles de Ha-Mim. En peu de temps, le prophète proclamé a gagné de nombreux adeptes autour de lui. Mais deux ans plus tard, les Omeyyades de Cordoue (929 – 1031) ont eu des échos de ses capacités unificatrices. Ils ont alors décidé de couper court à son élan, qui pourrait représenter un danger pour leur pouvoir politique et religieux. Ahmad ibn Khalid an-Nasiri raconte cela dans “Kitâb al-Istiqsa“ :[xlviii]

“Des soldats andalous ont été envoyés à Ha-Mim. Ils se sont réunis au palais de Masmouda et ont mis en place une stratégie pour éliminer le faux prophète. Celui-ci a été crucifié sur place et sa tête envoyée au roi de Cordoue. Ses fidèles ont également été tués par l’armée omeyyade, et ceux qui y ont échappé sont revenus à l’islam. “

Youssef Dahmani et Ghita Zine présentent le Pays Ghomara de Ha-Mim dans les termes suivants dans le journal électronique Yabiladi :[xlix]

“Dans le nord du Maroc, le pays de Ghomara a marqué l’histoire à travers les siècles, notamment pour avoir vu naître des érudits religieux comme Abdeslam Ben Mchich Alami. Mais avant cela, au 10ème siècle, la région a connu une effervescence sans précédent. Sous le nom de Ha-Mim, un homme a prétendu à la prophétie en proposant de réformer l’islam. Il a réussi à transmettre ses idées pendant deux ans, avant de connaître une fin tragique, lorsque les califes omeyyades d’Al-Andalous ont décidé d’effacer son existence. “

Ils nous informent aussi que :

“L’histoire est jalonnée de périodes charnières où une figure charismatique prétend à la prophétie. Elle s’érige en apôtre et en fédère d’autres, qui lui doivent obéissance et soumission. Le Maroc a été marqué par nombre de ces personnages, autour desquels se sont construits des mythes. Ha-Mim, prophète de Ghomara, en fait partie. “

Younes a dû percevoir que son peuple accepterait des changements dans sa pratique, tant qu’il resterait musulman en titre.  Même aujourd’hui, les musulmans étrangers considéreraient certaines traditions marocaines, comme la prière à un saint, comme hérétiques, mais les musulmans marocains qui visitent des saints ne le feraient jamais.  Ainsi, il n’est pas si difficile d’envisager que les Berghouatas récitent un texte berbère, car ils prient – une vision qui scandaliserait un musulman arabe – tout en se considérant toujours comme de bons musulmans.

Bien qu’ils soient parfois présentés comme des “hérétiques dévots” dans l’historiographie maghrébine, les Berghouatas sont souvent montrés du doigt dans les écrits historiques pour des pratiques qui auraient été jugées “étranges” par la plupart des musulmans au 10ème siècle.[l] Ils n’utilisaient pas un horaire fixe déterminé par le soleil. Ils priaient plutôt selon le chant du coq. Bien que de nombreux écrits sur les Berghouatas, comme le récit d’al-Bakri,[li] soient probablement biaisées.

Le fils de Tarif, Salih, héritant peut-être de la rébellion du mouvement kharijite, a fait un pas que la plupart des kharijites, aussi radicaux soient-ils, auraient fait. Il a rejeté non seulement l’autorité des califes, mais aussi le Coran lui-même, en ajoutant des sourates (ou chapitres) uniques au livre le plus saint de l’islam. Cette réécriture berbère du livre le plus sacré de l’islam s’est produite alors même que des juristes de Fès, Damas et Bagdad soutenaient que le Coran était si saint qu’il n’a pas été créé, mais est une manifestation inviolable de la parole et de l’être d’Allah. En proclamant des versets en berbère, il a violé un principe fondamental du Coran, à savoir que la vérité ne peut se manifester qu’en arabe (la religion du paradis) et que l’arabe est une clé qui peut ouvrir les portes de la croyance et du paradis.[lii]

Ha-Mim, un autre prophète,[liii] est né au sein de la tribu berbère Majkasa des Ghomara, qui était une confédération importante dans le nord des montagnes du Rif au Maroc : site de nombreuses rébellions futures au cours de l’histoire du Maghreb. Ha-Mim, nommé d’après deux lettres de l’alphabet arabe, peut-être une référence aux lettres secrètes au début de nombreux versets du Coran, a prospéré jusqu’au 10ème siècle. Comme les Berghouatas, Ha-Mim a modifié et reformulé l’islam, réduisant le nombre de prières quotidiennes requises de cinq à deux. Le Ramadan, le mois de jeûne, a été réduit d’un mois à trois jours. Reflétant peut-être une tendance de la tribu Majkasa au matriarcat, les femmes et le pouvoir des oracles étaient un élément central de la prophétie de Ha-Mim :

Oh [Dieu] qui a créé l’univers pour que nous le voyions, délivre-moi de mes péchés ! Je crois en Ha-Mim et en son père Abou Khalif Min Allah ; mon esprit, ma tête et mon cœur, tout ce qui est enfermé dans mon sang et dans ma chair [tous] croient. Je crois en Tabait, tante de Hamim et sœur d’Abou Khalif Min Allah”.[liv]

Plus précisément, Tabait, la tante maternelle de Ha-Mim, a été invoquée dans plusieurs de ces prières. Ibn Khaldoun l’appelait une magicienne.[lv] La soeur de Ha-Mim, appelée Debou, était également connue pour sa magie et pour ses sorts pendant la guerre et la sécheresse. Ibn Khaldoun rapporte que les femmes, en particulier les jeunes femmes, étaient célèbres pour leur culture des arts magiques dans le Rif jusqu’au 14ème siècle.

En même temps, les histoires de pratiques “magiques” pourraient n’avoir été qu’une tentative de la part de musulmans sunnites plus orthodoxes de délégitimer à la fois le Ha-Mim et les Berghouatas. Ce qui semblait être “magique” d’un certain point de vue était une pratique religieuse légitime qui reflétait les traditions culturelles et les notions locales sur les rôles et les pouvoirs des femmes dans la société.

La religion des Berghouatas

Après la conversion à l’islam au début du 8ème siècle et le soulèvement de Maysara (739-742), les Amazighs Berghouatas ont formé leur propre émirat sur la côte atlantique, entre Safi et Salé. Le royaume des Berghouatas suivait une religion syncrétique inspirée de l’islam (peut-être influencée par le judaïsme) avec des éléments de l’islam sunnite, chiite et kharijite, mélangés à des croyances astrologiques et berbères traditionnelles. Ils auraient eu leur propre Coran en langue berbère comprenant 80 sourates sous la direction du second souverain de la dynastie Salih ibn Tarif qui avait participé au soulèvement de Maysara. Il se proclamait prophète et prétendait être le Mahdi final, et qu’Isa (Jésus) serait son compagnon et prierait derrière lui.

Certains spéculent que Younes a fabriqué la nouvelle religion et son Coran dans son intégralité, puis a rétroactivement fait de son grand-père son prophète afin de profiter de la noble réputation de Salih et de son héritage sans tache.  Un peu plus indulgente, une source affirme que le Coran berbère pourrait avoir évolué à partir du commentaire de Salih sur le Coran arabe (un exemple précoce de la tradition amazighe – commentaire en langue berbère sur le Coran, écrit en arabe). Si nous acceptons Younes comme le cerveau de l’Islam des Berghouatas, il est important de noter qu’il a fait un pèlerinage en Orient en 816, et certains chercheurs spéculent qu’il a trouvé l’inspiration pour créer un nouvel Islam berbère après avoir visité le monde arabe.

Le Dieu des Berghouatas s’appelait non Allah, mais Yakouch, et le Coran berbère (détruit par la dynastie qui lui a succédé, les Almoravides), comportait 80 sourates, nommées d’après les prophètes. La différence la plus notable entre l’Islam orthodoxe et l’interprétation adoptée par les Younes et les Berghouatas est que ces derniers croyaient en un prophète du nom de Mahdi, derrière lequel toutes les nations, sans exception, priaient.

Cette manifestation distincte de l’islam reste importante pour comprendre l’identité des Berghouatas car, bien qu’empruntée aux pratiques kharijites et chiites, la religion est devenue le visage de la dynastie et a été une force extrêmement puissante en termes de consolidation de l’identité amazighe et d’attraction des adeptes du mouvement des Younes. Sur le plan politique, elle a permis aux Berghouatas de légitimer leur état et leur gouvernance auprès du peuple qu’ils dirigeaient, formant ainsi la base d’une dynastie capable de rivaliser avec ses rivaux contemporains, les Idrissides, les Almoravides et les Omeyyades.

Younes était un dirigeant politique avisé, capable de manipuler sa nouvelle religion pour faire contrepoids à la doctrine religieuse de ses rivaux politiques, ce qui lui a permis d’acquérir un capital politique considérable parmi ses sujets. En tant qu’homme cultivé et autodidacte dans les domaines de l’astronomie, du débat politique et de la polémique, il avait un avantage considérable sur les personnes qu’il cherchait à diriger et il était capable d’exploiter l’ignorance générale de la population afin de maximiser son gain politique.

Il a pu atteindre de tels sommets politiques grâce à une combinaison de talents et en exploitant ses liens avec son grand-père, que beaucoup admiraient et respectaient, et qu’il a utilisé pour la création de l’Islam berbère.  Il a créé une foi suffisamment similaire à l’islam pour qu’elle soit toujours accessible aux Amazighs qui avaient adopté l’islam auparavant, mais suffisamment distincte du dogme austère des Omeyyades, dont de nombreux Imazighens voulaient être libérés politiquement.

La plus grande différence entre l’islam des Berghouatas et l’orthodoxie musulmane réside dans leurs textes sacrés.  Les Berghouatas avait un Coran en langue berbère avec quatre-vingts sourates, que les adeptes croyaient être la parole directe de Dieu (Yakouch) telle qu’il l’avait révélée à Salih ibn Tarif. En conséquence, Salih était considéré comme le dernier et le plus grand prophète de l’islam.  Les Berghouatas croyaient toujours que Mohammed était un prophète, mais simplement le prophète des Arabes.  Salih ibn Tarif était le prophète des Berbères, ou waryawari, “celui après qui aucun autre (prophète) ne viendra”.

En plus des pratiques musulmanes modifiées, il y avait également des allusions au judaïsme et au paganisme dans leur pratique religieuse, comme le tabou entourant la consommation d’œufs et de poulets, et la croyance que la salive du prophète contenait de la baraka, ou, en gros, de la béatitude.

Cette nouvelle religion Berghouata est très différente de l’orthodoxie musulmane, mais elle se considère toujours clairement comme une forme d’islam.  Premièrement, la position de Salih en tant que prophète est partiellement justifiée par la mention d’un Salih dans le Coran arabe dans la sourate at-Tahrim (L’Interdiction) :

“Si vous vous repentez à Allah c’est que vos coeurs ont fléchi. Mais si vous vous soutenez l’une l’autre contre le Prophète, alors ses alliés seront Allah, Gabriel et les vertueux d’entre les croyants (salih al-mu’minin), et les Anges sont par surcroît [son] soutien“. Coran, 66 : 4.

 

Ici, “salih” est parmi les plus protégés par Dieu ; cela a servi de preuve que la prophétie de Salih ibn Tarif a été annoncée dans le Coran des Arabes, rendant ainsi l’islam des Berghouatas plus crédible. En revanche, un musulman typique n’irait pas à la recherche de la légitimité de Mohammed dans la Bible ou la Torah.  C’est notre première indication que, si les Berghouatas voulaient rompre définitivement avec l’islam tel qu’il était pratiqué par les Arabes, ils ne cherchaient pas des justificatifs dans le Coran des Arabes.

Le Coran des Berghouatas

Parmi les chapitres du Coran des Berghouatas, il y en avait un sur le Coq, un sur Harut et Marut de Babel, un sur Iblis (le diable en arabe), et un sur les merveilles du monde.[lvi] Comme plus tard, les mouvements religieux soutenus par les Berbères, l’un des tenants centraux des Berghouatas était le Mahdisme, une concentration sur le Mahdi, celui qui inaugurerait la fin des temps. Peut-être en imitant le prophète Mohammed qui était le “sceau des prophètes“, Salih était appelé le waryawari en berbère. Cela signifiait “celui après qui il n’y aura pas d’autre prophète”.

D’autres récits suggèrent qu’un certain Younes ibn Ilias (né en 842 et mort en 884) est celui qui a composé le Coran amazigh imposant cette religion hétérodoxe par la force.[lvii] Malgré les tentatives constantes des dynasties voisines pour les anéantir, les Berghouatas ont duré plus de trois cents ans. Salih, et pas seulement Mohammed, a été proclamé comme le dernier des prophètes dans les terres occidentales du Maghreb. Leurs savants ont visité Cordoue, et leur règne a même survécu aux gloires du califat omeyyade dans l’Espagne musulmane. L’arrivée des Almohades du désert au 12ème siècle mettra fin progressivement au règne des Berghouatas.

Les données sur la religion des Berghouatas sont relativement rares et probablement biaisées, à l’exception de deux courts récits d’Ibn Hawqal[lviii] au 10ème siècle[lix] et d’al-Bakri au 11ème siècle ; Le récit d’al-Bakri est basé sur un rapport du Sahib Salatihim “le vénérable chef de prière” des Berghouatas, Abou Salah Zammour qui a visité la cour du calife omeyyade à Cordoue Abou Mansour Isa (a régné de 953 à 79), dans une mission diplomatique en 963.

Au sujet de la religion des Berghouatas, Roman Loimeier écrit :[lx]

“Finalement, la nouvelle religion peut être considérée comme un effort des Berghouatas pour contextualiser l’Islam dans le milieu des Imazighens. Les Berghouatas, en fait, avaient leur propre Coran, qui consistait en quatre-vingts sourates. Bien que nombre de ces sorates étaient des traductions du Coran arabe, certains de leurs noms étaient différents et faisaient référence à des prophètes tels que Salih et Younes ainsi que Ayyoub (Hiob) ou d’autres noms comme Fir’aun (Pharoah), Yagog et Magog, al-Dajjal et Nimrod“.

Le prophète Mohammed est également une figure importante du Coran amazigh, apparaissant dans la toute première sourate, intitulée la sourate de Job qui aurait commencé par ces mots :[lxi]

“Au nom de Yakouch (Allah) qui a envoyé ce livre à l’humanité. Yakouch (Allah) y a fait connaître Ses rapports.  Ils ont dit que Satan (Iblis) avait une connaissance du destin.  Yakouch (Allah) l’interdit.  Satan n’a pas le pouvoir de savoir comme Yakouch (Allah) le sait.  Renseignez-vous sur tout ce qui maîtrise les langues dans ce qu’ils disent.  Allah seul est celui qui commande le parler des langues des hommes.  Il le fait par Sa volonté pour la langue qu’Il a envoyée avec la vérité pour les hommes.  La vérité est devenue droite, solide et bien établie.  Voici Mohammed quand il était vivant, tous ceux qui étaient ses compagnons étaient droits jusqu’à sa mort.  Puis les hommes sont devenus corrompus.  C’est un menteur qui dit que la vérité est saine et correcte, et pourtant il n’y a pas de messager de Yakouch (Allah). “

 

Cette première sourate affirme que Yakouch (Allah) a révélé des vérités à l’humanité, et un exemple de cela a été les révélations de Mohammed en Arabie.  Le Coran berbère utilise Mohammed, et non Salih, comme exemple d’un humain qui connaissait la vérité de Yakouch (Allah) et vivait pieusement.  Favoriser Mohammed dans ce cas est la preuve que le prophète arabe et sa tradition religieuse continueront à faire partie intégrante de cet islam berbère, et que ce n’était certainement pas une religion sans rapport.

En plus de ces clins d’œil à la tradition arabo-musulmane dans l’islam Berghouata, al-Bakri et d’autres soulignent une autre raison pour laquelle un Coran berbère pourrait être un élément acceptable de la pratique musulmane.  Comme l’indique la première sourate de ce Coran, Iskander explique que :[lxii]

“la vérité ne pourrait pas être préservée sans un prophète qu’ils [les Berbères] pourraient reconnaître”.

Cela, explique-t-il, s’accorde bien avec la croyance musulmane selon laquelle Dieu a envoyé des messages à la terre dans de nombreuses langues différentes afin que tous les peuples puissent apprendre la vérité.  À la lumière de cette croyance, le Coran berbère semble nécessaire et plus légitime ; ils avaient enfin reçu la parole de Dieu dans leur langue locale, et pouvaient désormais pratiquer correctement leur culte, ayant été délivrés de l’ignorance.

Les rois Berghouatas

Les rois Berghoutas connus des historiens pour leur bravoure, faits d’armes et longévité au pouvoir sont comme suit :

  • Tarif al-Matghari
  • Ṣāliḥ ibn Tarif (744- ?), qui s’est déclaré prophète en 744 et est parti à l’âge de 47 ans, en promettant de revenir.
  • Ilias ibn Salih (?792-842), qui aurait professé publiquement l’islam mais secrètement la religion de Ṣaliḥ, et qui est mort dans la cinquantième année de son règne.
  • Younes ibn Ilias (?842-888), qui a officialisé la religion de Ṣaliḥ et a tué tous ceux qui ne voulaient pas se convertir (tuant 7770 personnes, selon les sources d’Ibn Khaldoun, dont certaines dans un endroit appelé Tamloukeft). Curieusement, il aurait également accompli le Hajj. Il est mort dans la 44ème année de son règne.
  • Abou Ghafir Mohammed (?888-917), qui aurait également été appelé prophète (selon un poème cité par Ibn Khaldoun) et qui a eu 44 femmes et plus de fils. Il est mort la 29ème année de son règne.
  • Abou an-Ansar Abdoullah (?917-961), enterré à Ameslakht. Il est mort en la 44ème année de son règne.
  • Abou Mansour Isa (?961- ?), qui avait 22 ans lorsqu’il est devenu roi.


Tribus de la confédération (llef) Berghouata
La confédération Berghouata était composée de 29 tribus. 12 de ces tribus ont adopté la religion Berghouata (islam berbère) tandis que 17 ont conservé l’islam arabe :[lxiii]

  • Les tribus de la religion Berghouata (syncrétique avec l’islam) sont: Gerawa, Zouagha, Branès, Banou Abi Nacer, Menjasa, Banou Abi Nouh, Banou Ouaghmar, Matghara, Banou Borgh, Banou Derr, Matmata, et Banou Zaksent.
  • Les Tribus musulmanes Kharijites sont: Zenata-Jbal, Banou Bellit, Nemala, Ounsent, Banou Ifren, Banou Naghit, Banou Nuaman, Banou Fallousa, Banou Kouna, Banou Sebker, Assada, Regana, Azmin, Manada, Masina, Resana, et Trara.

Certaines tribus constitutives, comme Branès, Matmata, Ifren et Trara, étaient des fractions de groupes tribaux beaucoup plus importants, et seules leurs fractions basées sur Tamesna ont rejoint la Confédération Berghouata et sa religion.

Conclusion : indépendance amazighe : religion amazighe

Il existe des raisons évidentes pour lesquelles les Berghouatas du 9ème siècle, contrairement à tout autre royaume berbère à une autre époque, ont choisi d’introduire une forme d’islam radicalement différente, mais deux questions demeurent : Pourquoi maintenir des vestiges de l’islam ?  Pourquoi ne pas créer une religion entièrement nouvelle, qui s’appuie sur les traditions monothéistes précédentes, comme l’islam s’appuie sur le christianisme et le judaïsme ?  Il n’y a pas d’explication unique à cela.

Cependant, on peut supposer que Younes s’est peut-être inquiété de l’emballage de cette nouvelle religion.  Nous avons déjà vu son attention à ce sujet dans la décision (supposée) de faire de son grand-père vénéré le prophète de cette nouvelle foi pour tenter de lui donner du crédit.  Il vendait une version extrêmement différente, voire blasphématoire, de l’islam à son peuple, qui se considérait probablement comme des musulmans pratiquants.  Younes a dû percevoir que son peuple accepterait des changements dans sa pratique, tant qu’il resterait musulman en titre.

Même aujourd’hui, les musulmans étrangers au Maghreb considéreraient certaines traditions marocaines, comme la prière à un saint et le culte du maraboutisme comme hérétiques, mais les musulmans marocains qui visitent des saints et les célèbrent annuellement (moussem) en pratiquant des sacrifices de taureaux et des rites de bravoure guerrière connus sous le nom de tbourida et entretiennent des pratiques païennes comme Boujloud/Bou-irmawen[lxiv] ne le feraient jamais.  Ainsi, il n’est pas si difficile d’envisager que les Berghouatas récitent un texte berbère, car ils prient – une vision qui scandaliserait un musulman arabe – tout en se considérant toujours comme de bons musulmans.

Aujourd’hui, la dynastie Berghouata est souvent considérée comme hérétique pour son adaptation de l’Islam hétérodoxe et la propagation de l’Islam berbère. Cependant, ce travail a fait valoir que l’invention de leur nouvelle religion n’était pas motivée par un désir de rejeter en bloc les enseignements de l’islam arabe, mais d’affirmer leur identité ethnique et culturelle légitime et d’élever d’importants Berbères à des statuts religieux honorés, auparavant réservés à des figures de l’ordre social arabo-islamique.

La longévité de la dynastie n’était cependant pas uniquement due à leur religion, car les Berghouatas ont persisté bien après que l’islam berbère ait cessé d’être imposé sur leurs terres. L’attention des Berghouatas pour l’identité culturelle et ethnique ne s’est pas faite aux dépens d’institutions étatiques fortes, et cet article a examiné un certain nombre de dirigeants qui ont contribué aux prouesses militaires de la dynastie.

Bien que l’héritage de la dynastie des Berghouatas soit toujours contesté à l’époque moderne, ses contributions aux annales de l’histoire du Maroc restent une composante importante de l’identité contemporaine des Imazighens. En créant une religion et un état qui cherchaient à se distinguer des envahisseurs arabes, et des vestiges de l’invasion arabe que l’on pouvait trouver dans les dynasties idrisside et omeyyade, la dynastie des Berghouatas s’est établie sur la plate-forme de la berbérité (amazighitude), l’idée que la population autochtone devait politiquement et culturellement se libérer de l’influence des étrangers.

C’est cela, par-dessus tout, qui a rendu si forte la tendance des Berghouatas à l’hérésie et aux croyances islamiques hétérodoxes. La capacité de son plus important chef, Younes ibn Ilias, à tirer parti de la puissance de cette identité unique et fière, ainsi que l’habileté politique et militaire avec laquelle il a pu légitimer son pouvoir, ont permis à la dynastie des Berghouatas de s’épanouir pendant près de trois cents ans, dont l’héritage, bien que controversé, reste primordial pour l’identité des Imazighens modernes partout dans Tamzgha.

L’introduction, puis la disparition, de l’Islam Berghouata est un phénomène historique intéressant qui contredit notre perception commune du Maghreb post-invasion arabe.  On nous a appris que les Berbères d’Afrique du Nord ont accueilli les Arabes et leur nouvelle religion à bras ouverts.  Cependant, le nouvel islam des Berghouatas prouve que ce n’était pas tout à fait le cas et que certains Berbères ont cherché à se libérer de l’impérialisme arabe.  Le royaume des Berghouatas a persisté pendant plus de trois siècles et a été fondé lors des invasions arabes.  Cela signifie qu’ils ont enduré l’essentiel de la domination culturelle et politique arabe des débuts, défendant à maintes reprises leur territoire et leur culture contre les incursions arabes.

Leur autonomie politique et économique va à l’encontre de la perception selon laquelle les Berbères ont servi avec bonheur et passivité leurs seigneurs arabes.  L’introduction par les Berghouatas d’un islam amazigh indique également que les Berbères ne se sont pas tranquillement soumis aux normes culturelles arabes ; au contraire, ils ont essayé de modifier une religion ethniquement arabe pour l’adapter à l’expérience berbère.  L’islam berbère a finalement échoué à la main d’autres Berbères plus orthodoxes, notamment les Almoravides et les Almohades, mais les déviations marocaines modernes par rapport à l’orthodoxie musulmane, comme le culte des saints (maraboutisme), nous rappellent, avec véhémence, la détermination persistante des Amazighs à pratiquer l’islam dans leur propre contexte culturel et à leur façon.

Notes de fin de texte :

[i] https://web.archive.org/web/20141126150220/http://www.achaari.ma/Article.aspx?C=5790

يقول الناصري في الاستقصا: «اختلف الناس في نسب برغواطة هؤلاء إلى أي شيء يرجع، فبعضهم يلحقهم بزناتة، وبعضهم يقول في متنبئهم صالح بن طريف البرغواطي؛ إنه يهودي الأصل من سبط شمعون بن يعقوب عليه السلام-نشأ ببرباط-حصن من عمل شدونة من بلاد الأندلس- ثم رحل إلى المشرق، وقرأ على عبيد الله المعتزلي، واشتغل بالسحر وجمع منه فنونا، وقدم المغرب فنزل بلاد تامسنا, فوجد بها قبائل جهالا من البربر، فأظهر لهم الصلاح والزهد، وموه عليهم، وخلبهم بلسانه، وسحرهم بنيرنجاته، فصدقوه واتبعوه، فادعى النبوة وشرع لهم شرائع، ووضع لهم قرآنا..فكان يقال لمن تبعه ودخل في دينه برباطي ثم عربته العرب فقالوا برغواطي، فسُمُّوا برغواطة.. والتحقيق أن برغواطة قبائل شتى ليس يجمعهم أب واحد، وإنما هم أخلاط من البربر، واجتمعوا إلى صالح بن طريف الذي ادعى النبوة بتامسنا سنة خمس وعشرين ومائة (125/742) من الهجرة في خلافة هشام بن عبد الملك بن مروان، وتَسَمَّى بصالح المؤمنين، وشرع لأتباعه الديانة التي أخذوها عنه.. »- ج/2-ص: 179.

ثم ذكر كذلك محاربتهم من طرف المرابطين فقال: « فلما سمع عبد الله بن ياسين بحال برغواطة وما هم عليه من الكفر رأى أن الواجب تقديم جهادهم على جهاد غيرهم، فسار إليهم في جيوش المرابطين-والأمير يومئذ على برغواطة هو أبو حفص عبد الله- فكانت بينه وبين عبد الله بن ياسين ملاحم عظام، مات فيها من الفريقين خلق كثير، وأصيب عبد الله بن ياسين الجزولي- مهدي المرابطين- فكان فيها شهادته.. واستمر الأمير أبو بكر بن عمر على رياسته، وجددت له البيعة بعد وفاة عبد الله بن ياسين، فكان أول ما فعله بعد تجهيزه إياه ودفنه، أن زحف إلى برغواطة، مصمما في حربهم، متوكلا على الله في جهادهم، فأثخن فيهم قتلا وسبيا حتى تفرقوا في المكامن والغياض. واستأصل شأفتهم وأسلم الباقون إسلاما جديدا، ومحا أبو بكر بن عمر أثر دعوتهم من المغرب..»-ج/2-ص: 182- الاستقصا لأخبار دول المغرب الأقصى- تأليف: أحمد بن خالد الناصري- منشورات وزارة الثقافة والاتصال- مطبعة النجاح الجديدة- الدار البيضاء- طبعة/2001.

[3] زمور بن صالح: أو أبو صالح زمور بن موسى بن هشام صاحب كتاب:”مسالك البكري”أو ” المسالك والمماليك” وهي المصدر الوحيد المعتمد في تاريخ دولة برغواطة. مكتبة المتنبي – بغداد 1982 ص:134-وانظر: الاستقصا /ج-2-ص:

180.

ويقول أمين قداحة: «ظهر البرغواطيون في المغرب الأقصى في أوائل القرن الثاني الهجري .واستمروا حتى منتصف القرن السادس الهجري .ولم تتمكن الدولة الإدريسية ولا الدول المتعاقبة على المغرب من القضاء عليهم حتى ظهر المجاهدون المرابطون … يقول البكري أن إقليم تامسنا كان مرتعا لقبائل زناتة وزواغة (تاريخ المغرب الأقصى-محمد العبادي-ص: 278). ويقول صاحب كتاب الاستبصار أنهم :[كانوا قوما جهالاً من زناتة ] (تاريخ ابن خلدون-ج/6-ص: 58)، [وأكد ابن عذارى أنها تنتسب إلى قبائل زناتة وأن برغواطة من قبائل البربر (مجلة البحث العلمي-ع:2/1964-ص: 34) ووافقه ابن حوقل في ذلك». (انظر: البكري-ابن حوقل-ابن الخطيب-ابن أبي زرع-الناصري

[ii] Cf. L’houari, Bouattar.  “Le Royaume des Berghouata,”  in Amazigh World, 19 août 2009.

http://www.amazighworld.org/history/index_show.php?id=1916>.

[iii] Cf. Al-Bakri. Description de l’Afrique Septentrionale, traduction de Mac Guckin de Slane, 2ème ed. Alger : A. Jourdan, 1913 (Paris : Imprimerie Impériale, 1859).

[iv] Cf. Tourneau, R. le, “Barg̲h̲awāṭa,” in: Encyclopaedia of Islam, Second Edition, Edited by: P. Bearman, Th. Bianquis, C.E. Bosworth, E. van Donzel, W.P. Heinrichs. Première publication en ligne: 2012

Première édition imprimée: ISBN : 9789004161214, 1960-2007

[v] Cf. Clancy-Smith, Julia. “Introduction” in Julia Clancy-Smith ed., North Africa, Islam and the Mediterranean World, from the Almoravids to the Algerian War (New York: Frank Cass, 2001), 1–10, 1.

[vi] Cf.  Abun-Nasr, Jamil M. A History of the Maghrib in the Islamic Period. Cambridge: Cambridge University Press, 1987, p.33.

S’appuyant sur les deux éditions précédentes de son Histoire du Maghreb, le professeur Abun-Nasr a écrit une histoire complètement nouvelle de l’Afrique du Nord au sein de la période islamique, qui commence avec la conquête arabe et remonte jusqu’à aujourd’hui. Il souligne les facteurs qui ont conduit à l’adoption de l’islam par la quasi-totalité de la population, la position géographique de la région, qui en a fait le principal lien commercial entre le monde méditerranéen et le Soudan et a conduit à son implication dans la confrontation entre les mondes chrétien et islamique. Au Maroc, cette confrontation a conduit à l’émergence d’une communauté politico-religieuse distincte dirigée par des dynasties charifiennes et, dans le reste du Maghreb, à l’intégration dans l’empire ottoman. L’évolution politique et économique des régences “pirates” d’Algérie, de Tunisie et de Libye, l’établissement du régime colonial européen, les mouvements nationalistes et la réforme religieuse islamique sont traités en détail. L’équilibre entre le récit factuel et l’interprétation rend le livre particulièrement utile aux étudiants en histoire africaine et islamique.

[vii] Sous les derniers Omeyyades, à partir d’Omar ii (717-720), les autorités ont commencé à faire la distinction entre le kharāj, l’impôt foncier à payer par la plupart des propriétaires terriens, et la jizya, l’impôt de capitation à payer par les non-musulmans. … La majorité des juristes musulmans considéraient la jizya comme une punition, un moyen de dégrader les non-musulmans.

https://www.encyclopedia.com/religion/encyclopedias-almanacs-transcripts-and-maps/kharaj-and-jizya

[viii] Ibid., 33-34.

[ix] https://histoireislamique.wordpress.com/2014/10/11/histoire-de-la-dynastie-arabe-des-salihides-banu-salih-de-nekor-nord-maroc-par-ibn-khladoun-al-hadrami/

[x] Cf. Peyron, Michael.  « Barghawata et Résistance. »  La Résistance marocaine à travers l’histoire, ou le Maroc des Résistances. (Mohammed Hammam & Abdellah Salih, eds.), Rabat : IRCAM, vol. 2 (2005): 165-181.

[xi] Cf. Kifani, Abdelouahab.  « Berghwata, nos ancêtres les païens. »  TelQuel Online, 18 Nov 2006.

[xii] https://www.universalis.fr/encyclopedie/tariq-ibn-ziyad/

Les musulmans lui furent redevables à jamais dans l’établissement d’un califat à Al Andalus. Tariq ibn Ziyad, éminents chef militaire et bras droit du gouverneur de l’Ifriqiya Mūsā ibn Nuṣayr (698 – 717), permit en effet aux Omeyyades (661 – 750) de rallier les territoires andalous à leur empire, sous le règne du calife omeyyade ʾAbū Al-ʿAbbās Al-Walīd ibn ʿAbd Al-Malik (705 – 715), dit Al-Walīd Ier. Les historiens rapportèrent qu’il était né en 675 et mort en 720. « C’était un homme grand de taille et blond, de quoi on reconnaissait typiquement les Berbères à l’époque », nota Ibn Idhari en le décrivant dans son ouvrage « Al-Bayan al-Mughrib». Ines Mohamed El Bahiji rappela par ailleurs qu’il était issu des « premières tribus Berbères d’Afrique du Nord » qui furent islamisée. https://www.yabiladi.com/articles/details/80065/biopic-tariq-ziyad-conquerant-d-al.html

[xiii] Cf. En-Noweïri (trad. M. de Slane), Histoire de la province d’Afrique et du Maghrib, Paris, Journal Asiatique (1re éd. 1841) http://archive.wikiwix.com/cache/index2.php?url=http%3A%2F%2Fremacle.org%2Fbloodwolf%2Farabe%2Fnoweiri%2Fhistoire.htm

[xiv] La Bataille des Nobles (en arabe : غزوة الأشراف (Ghazwat al-Ashraf)) est une confrontation importante lors de la grande révolte berbère en décembre 740. Il en résulte d’une grande victoire des berbères sur les Arabes près de Tanger. Au cours de la bataille, de nombreux aristocrates arabes sont massacrés, ce qui a conduit à ce que l’affrontement soit nommé la « bataille des nobles ». Khalid ibn Hamid al-Zanati, un chef berbère zénète, et successeur de Maysara, est la tête des soldats berbères révoltés.

Cf. Charles-André Julien.  Histoire de l’Afrique du Nord : des origines à 1830. Paris: Payot, 1961 (1re éd. 1931): 30.

Cf. Khalid Yahya Blankinship, The End of the Jihâd State: The Reign of Hishām ibn ʻAbd al-Malik and the Collapse of the Umayyads. Albany, NY: State University of New York Press, 1994, 208-9, 280, 399.

[xv] Cf. Jérôme Caporcino. Le Maroc antique, Paris, Gallimard, 1943.

[xvi] La bataille de Bagdoura (ou Baqdoura) a été un affrontement décisif dans la révolte berbère de la fin de l’année 741 de notre ère. Elle a fait suite à la Bataille des Nobles de l’année précédente et a abouti à une victoire berbère majeure sur les Arabes au bord de la rivière Sebou (près de l’actuelle Fès). Cette bataille allait briser définitivement l’emprise du califat omeyyade sur l’extrême ouest du Maghreb (Maroc), et le retrait des forces d’élite syriennes en Espagne qui en résulta aurait des implications pour la stabilité d’al-Andalous.

https://histoireislamique.wordpress.com/2014/09/18/gouvernement-omeyyade-difriqiya-de-kulthum-ibn-iyad-al-koshayri-al-qasi-741-revolte-kharijite-berbere-et-le-jund-syrien-en-espagne-par-lhistorien-arabe-al-nowayri-vers-1280-1331/

[xvii] Un personnage mentionné pour la première fois au 10ème siècle dans le texte de Ibn Ḥawḳal, Ṣurāt al-arḍ , comme ayant vécu 200 ans auparavant et ayant été le prophète présumé des Berg̲h̲ouātas, une confédération berbère du groupe Maṣmūda, installé dans la région de Tasmanie, entre Salé et Azemmour au Maroc.

Le père de Ṣāliḥ, Ṭarīf b. S̲h̲amaʿūn b. Yaʿḳūb b. Isḥāḳ, peut-être d’origine juive, avait été un compagnon de Maysara al-Matg̲h̲arī, qui avait mené une révolte en 122/740 dans le nord du Maroc au moment de la révolte Ḵh̲ārid̲j̲ite.

Cf. De la Véronne, Ch., “Ṣāliḥ b. Ṭarīf”, in: Encyclopaedia of Islam, Second Edition, Edited by: P. Bearman, Th. Bianquis, C.E. Bosworth, E. van Donzel, W.P. Heinrichs. Consulted online on 26 July 2020 http://dx.doi.org/10.1163/1573-3912_islam_SIM_6539

First published online: 2012

First print edition: ISBN: 9789004161214, 1960-2007

[xviii] Al-Bakri affirme même qu’ils ont été anéantis en 1029, bien que cela soit en contradiction avec ce qu’il déclare lui-même ailleurs concernant leurs batailles avec les Almoravides.

[xix] Cf. John Iskander, “Devout Heretics: The Barghawata in Maghribi Historiography, “ in The Journal of North African Studies Volume 12, 2007: 37–53.

[xx] Cf. Norris, H. T. “Les Barghawata et leur Coran berbère”. Les Berbères dans la littérature arabe.

Londres: Longman, 1982: 94.

[xxi] Ibid., 94.

[xxii] Ibid.

[xxiii] Cf. Pignon, Tatiana. “Grande Discorde (al-fitna al-kubrâ) 655-661,“ in Les Clés du Moyen Orient du 22 mars 2012. https://www.lesclesdumoyenorient.com/Grande-Discorde-al-fitna-al-kubra.html

[xxiv] Cf. Norris, H.T. “The Barghawata and their Berber Koran.“ In The Amazigh Studies Reader, Edited by Michael Peyron, Ifrane: Al-Akhawayn university, 2006: 67-80,  69.

[xxv] Cf. Talbi, Mohamed. “Hérésie, acculturation et nationalisme des Berbères Bargwata.” In Actes du premier congrès d’études des cultures méditerranéennes d’influence arabo-berbère (pp. 217–233). Alger: Société Nationale d’Édition et de Diffusion, 1973.

[xxvi] Ibid., 69.

[xxvii] Ibid., 70.

[xxviii] Ibid., 72.

 

[xxix] Ibid., 72.

[xxx] Cf. Maddy-Weitzman, Bruce. The Berber Identity Movement and the Challenge to North African States. Austin: University of Texas, 2011.

[xxxi] Cf. Norris, H.T. “The Barghawata and their Berber Koran. “2006, op. cit.:76.

[xxxii] Ibid., 75.

[xxxiii] Ibid., 69.

[xxxiv] Ibid., 68.

[xxxv] Ibid., 73.

[xxxvi] Ibid.

[xxxvii] Ibid., 77.

[xxxviii] Ibid., 78.

[xxxix] Chtatou, Mohamed. “omprendre la trinité culturelle amazighe.“ in Le Monde Amazigh du 7 septembre 2018. http://amadalamazigh.press.ma/fr/comprendre-la-trinite-culturelle-amazighe/

[xl] Cf. Gellner, Ernest.  Nations and Nationalism.  Malden, Mass.: Blackwell Publishing, 2006.

[xli] Cf. Norris, H. T. “Les Barghawata et leur Coran berbère”. 1982. Op. cit.: 98.

[xlii] Ibid., 104.

[xliii] Cf. Hawkings, Sarah. “The Barghawata Heresy: Contextualizing a Berber Cultural Rebellion“ in Michael  Peyron’s Berber website du 28 mai 2011. http://michaelpeyron.unblog.fr/2010/05/28/the-barghawata-heresy-contextualizing-a-berber-cultural-rebellion/

“When we examine the Barghawata’s political independence and durability as a regime, it seems only natural that they would be the Berber kingdom to seek a cultural emancipation from the Arabs.  They maintained an independent Berber regime for four centuries, starting less than one century after the Arab conquests.  Their longevity can be attributed to several factors.  Firstly, they had an advantageous geographical position.  A huge portion of their border was along the Atlantic Ocean, and only one nearby kingdom, Al-Andalous, had a skilled navy.  The Barghawata were friendly with Al-Andalous, meaning they were able to focus the bulk of their defenses on their land borders. Since they spent so little energy protecting their oceanic border, the Barghawata could afford to maintain an unusually large army to defend their land frontiers.  The topography of their land was complex, with countless winding river valleys, which made it difficult to navigate as an invading outsider; this discouraged neighboring kingdoms from invading. “

  

“We also cannot discount the importance of the Barghawata’s lines of communication, which made use of fire signals and local rivers, in allowing them to have the upper hand over an invading army.  In addition, their strategically located territory had very fertile soil, permitting them to produce their own crops and minimize their material dependence on surrounding kingdoms.  The benefits of their geography—along an ocean with no nearby threatening navies, complex topography, and fertile soil—permitted the Barghawata to thrive for four centuries as a politically and economically independent Berber kingdom“.[16] 

[xliv] Cf. Aillet, Cyrille. “ L’ibâḍisme, une minorité au cœur de l’islam, “ in Revue des mondes musulmans et de la Méditérranée de décembre 2012 : 13-36. https://journals.openedition.org/remmm/7752

[xlv]

La tribu berbère Madjkasa est l’une des tribus berbères parlant le ghomara dans les montagnes du Rif Atlas. Plus précisément, à cette époque, le territoire occupé par les Madjkasas près de Tétouan, le ghomara est l’une des langues berbères du nord et les tribus ghomaras ont historiquement occupé une zone dans ce qui est maintenant le nord.

[xlvi] Cf. Ibn Khaldoun. Le Livre des Exemples, vol. II : Histoire des Arabes et des Berbères au Maghreb, texte traduit, présenté et annoté par Abdesselam Cheddadi, (Bibliothèque de la Pléiade, 585). Paris : Gallimard, 2012.

[xlvii]
أحمد بن خالد الناصري

ج 6 :

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بقية الأجزاء:
ط دار الكتاب, الدار البيضاء سنة 1954م

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والجزء الأول :

ط قديمة سنة 1335 هـ (موافق 1916-1917 م)
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[xlviii] Ibid;

[xlix] Cf. Youssef Dahmani et Ghita Zine. “Les Prophètes du Maroc #1 : Ha-mîm, le messager crucifié de Ghomâra.“ in Yabiladi du 28 mars 2018. https://www.yabiladi.com/articles/details/63249/prophetes-maroc-ha-mim-messager-crucifie.html

[l] Cf. John Iskander, “Devout Heretics: the Barghawata in Maghribi Historiography,” Journal of North African Studies 12 (2007): 37–53.

[li] Cf. Al-Bakri, Description de l’Afrique Septentrionale, traduction de De Slane, 2ème ed. Alger : A. Jourdan, 1913.

[lii] Hamad, Nazir. “ La langue comme référence sacrée, “ in La revue lacanienne 2010/1 (n° 6) : 151-156. https://www.cairn.info/revue-la-revue-lacanienne-2010-1-page-151.htm

[liii] Ḥā-Mīm b. Mann Allāh b. Ḥāfiẓ b. ʿAmr, known as al-Mouftarī : Prophète berbère du début du 10ème siècle, qui est apparu chez les G̲h̲oumāras berbères, ou, pour être plus exact, dans la tribu des Mad̲j̲kasas installés non loin de Tétouan. Il a commencé à prêcher sa religion en 925 et a été tué non loin de Tanger, dans une bataille contre les Maṣmoūḍa, en 927-8. Sa religion semble lui avoir survécu pendant une période dont on ignore la durée, mais qui n’a pas dépassé la fin du 10ème siècle. Tout comme dans la religion des Berg̲h̲ouaṭas.

[liv] Cf. Ibn Khaldoun, Histoire des Berbères, vol. Alger : Berti Editions, 2001 : 308.

[lv] Cf. Ibn Khaldoun, Histoire des Berbères, vol. 1. Alger: Berti Editions, 2001: 295–301.

[lvi] Ibid.

[lvii] Cf. Mohamed Talbi, “Hérésie, acculturation et nationalisme des Berbères Bargawata” in Micheline Galley and David Marshall, eds. Proceedings of the First Congress of Mediterranean Studies of Arabo-Berber Influence (Algiers: Société nationale d’édition et de diffusion, 1973), 221–226.

[lviii] Mohammed Aboul-Kassem ibn Hawqal (arabe محمد أبو القاسم بن حوقل), né à Nisibis est un voyageur, chroniqueur et géographe arabe du 10ème siècle. Il est l’auteur d’un ouvrage de géographie fameux, « La Configuration de la Terre » (977, Surat al-Ardh, صورة الارض). Ses voyages se sont déroulés entre 943 et 969.

[lix] Cf. Garcin, Jean-Claude. “ Ibn Hawqal, l’Orient et le Maghreb. “ in

Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, Année 1983, 35 : 87, pp. 77-91. https://www.persee.fr/doc/remmm_0035-1474_1983_num_35_1_1982

[lx] Loimeier, Roman. Muslim Societies in Africa. A Historical Anthropology. Bloomington: Indianapolis, Indiana University Press, 2013.

“Eventually the new religion may be seen as an effort by the Barghawata to contextualize Islam in Imasighen milieu. The Barghwata, in fact, had their own Qur’an, which consisted of eighty sûras. Although many of these sûras were translations from the Arabic Qur’ân, some of their names were different and referred to Prophets such as Salih and Yûnus as well as Ayyûb (Hiob) or other names as Fira’un Pharoah), Yagog and Magog, al-Dajjâl and Nimrod. “

[lxi] Cf. Cf. al-Bakri 1992, chap. 1380, 826 f.

[lxii] Cf. John Iskandar, op. cit.

[lxiii] https://web.archive.org/web/20141126150220/http://www.achaari.ma/Article.aspx?C=5790

[lxiv] Cf. Chtatou, Mohamed.The Jajouka Master Musicians: A Universal Hym To Tolerance And Peace from Morocco To The World, “ in Eurasia Review of September 16, 2019. https://www.eurasiareview.com/16092019-the-jajouka-master-musicians-a-universal-hymn-to-tolerance-and-peace-from-morocco-to-the-world-analysis/

Références:

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