“Maghreb” des polices ou Tamazgha des peuples ?
Il y a quelques semaines, les services de polices marocains et algériens avaient demandé aux polices espagnoles et hollandaises, via Interpol, de procéder à l’arrestation pour faits de terrorisme, des citoyens marocains et algériens qui s’étaient réfugiés sur leur territoire.
L’accusation est sans ambiguïté : “crime graves liés à la constitution d’une association de malfaiteurs… crime et homicide volontaire, de corruption et de trafic international de stupéfiants”. Ils n’ont pas hésité à charger la barque !
En fait de terroristes, il s’agissait de militants mozabites, militant dans le mouvement pacifique pour l’autonomie du Mzab qui avaient réussi à échapper à la police de Ghardaïa (qui avait alors pris le parti des agresseurs du Djound El Khalifa), et de militants du mouvement pacifique du Rif, le Hirak, qui s’étaient réfugiés aux Pays-Bas (1).
On ne dit jamais assez que l’ADN des dictatures c’est le mensonge, quel que soit l’habillage “démocratique” qu’on y applique.
Ces militants pacifistes menacés d’expulsion n’ont pas fait exploser les bombes de Marrakech et de l’aéroport d’Alger, n’ont pas attaqué le poste de Guemmar et l’école de police de Soumaâ, n’ont pas massacré les habitants de Raïs, Bentalha, Beni Messous, n’ont pas assassiné Tahar Djaout, Boucebci, Tigziri, Yefsah, Katia Bengana, Matoub, Hervé Gourdel,…. La liste est trop longue malheureusement pour pouvoir citer les plus de 200 000 morts, les dégâts et traumatismes causés par les véritables terroristes islamistes.
Cette démarche concertée ou non des polices marocaines et algériennes pour réprimer leurs opposants respectifs n’est pas nouvelle. Ce cynisme et cette complicité n’ont pas cessé de fonctionner depuis des décennies, déjà sous Hassan II et Boumediène.
Au plus fort de la tension entre les deux pays, après l’annexion par le Maroc du Sahara Occidental, et les terribles expulsions du territoire algérien des 45000 Marocains (2), principalement dans l’Oranie, les services de polices s’échangeaient leurs prisonniers, opposants politiques pris de part et d’autres des frontières !
Les autorités du Makhzen marocain et du Conseil de la révolution algérien se faisaient la guerre, par les ondes et par les armes, mais collaboraient pour protéger leurs pouvoirs respectifs.
La fermeture actuelle de la frontière n’a d’autres finalités que d’asseoir la logique guerrière et pénaliser ce peuple qui se trouve de chaque côté de la frontière. Par ailleurs, cette fermeture n’empêche nullement les trafics divers (drogue, armes, essence, cheptel, produits subventionnés, …) ainsi que le nouveau trafic d’être humains, impactant les réfugiés subsahariens. Ils se poursuivent au vu et au su des autorités des deux pays.
La France coloniale avait édifié la ligne Morice, barrage électrifié et de champs de mines, Le Maroc et l’Algérie font mieux aujourd’hui en construisant un mur en dur ou fossé en excavation, pour une situation … durable. C’est cela la coopération “maghrébine” des syndicats de chefs d’États de l’arabo-islamisme, pour… la préparation de l’avenir !
Il faut se rendre à l’évidence que l’union des pays nord-africains ne sera jamais faite avec les pouvoirs en place.
Rappelons que les frontières actuelles sont issues des guerres de pouvoirs entres des chefs locaux suite à l’effondrement des grands mouvements unificateurs, tels les Almohades et les Almoravides. Les pouvoirs qui leur ont succédé n’ont donc survécu que par opposition à leurs voisins et par leur vassalisation à l’arabo-islamisme des dynasties orientales qui les instrumentalisaient. Les pouvoirs issus de la décolonisation ont malheureusement suivi ce chemin (Mohamed V au Maroc, Ben Bella en Algérie, Bourguiba en Tunisie, plus tard Gadafi en Libye).
L’union, puis l’intégration des pays d’Afrique du Nord n’a comme perspective que sa construction par la base, hors (ou contre) des pouvoirs en place, par des échanges et visions communes, pour avancer dans le sens de l’Histoire, afin de faire tomber ces frontières dans une Tamazgha unificatrice.
Les pionniers de l’Etoile Nord Africaine (E.N.A.) avaient tracé le chemin. Ils étaient peut-être en avance sur leur temps.
Aumer U Lamara, écrivain
Notes :
(1) Les personnes connues sont Salah Abbouna pour le MAM (Mouvement pour l’autonomie du Mzab), arrêté puis relâche en Espagne, et Saïd Chaou pour le Hirak rifain, ancien député d’El Hoceima/Taghzut.
(2) L’immigration rifaine en Oranie date des premières fermes de la colonisation française. Ils venaient alors travailler en saisonniers. Après l’indépendance de l’Algérie, beaucoup s’y sont fixés et fondé des familles, souvent mixtes. Le 18/12/1975 Boumediène avait décidé d’expulser 45000 Rifains, en représailles suite à l’annexion du Sahara Occidental par le Maroc (l’annexion était déjà actée en 1973, donc un simple prétexte). Des familles ont été séparées, spoliées de leurs biens et mises dans des bus en direction de la frontière. Durant tous ces mois de chasse au Marocain, les autorités locales organisaient à Oran le pillage des domiciles abandonnés par leurs propriétaires, et des milliers d’objets étaient revendus au marché informel de Mdina Jdida. Des témoignages existent. Au quartier Es-senia, c’était le garde-champêtre le chef de bande pour les razzias.
A ce jour, les Marocains n’ont pas été indemnisés par l’Algérie.