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Algérie : en finir avec le système des revolvers sur la table !

Les Algériens bravent la peur, s’expriment. Ils ont repris la parole et ne veulent plus renoncer à leurs droits à l’expression. Un citoyen raconte l’invraisemblable.

C’est avec une parole hésitante et une certaine terreur dans le regard que Karim (1), employé dans un grand restaurant de la banlieue d’Alger (2), raconte : «J’étais de service ce jour-là, la salle était pleine, et le patron nous avait averti que c’était une réunion très importante du FLN. J’assurais le service avec discrétion.

En revenant dans la salle depuis les cuisines, l’ambiance avait totalement changé. C’était un brouhaha d’invectives et brusquement des pistolets furent sortis avec des menaces et des insultes… La pagaille. J’étais terrorisé car une balle perdue pouvait vite arriver. Je me suis vite éclipsé vers l’office…

Le lendemain des hommes étaient venus pour enquêter. Lorsqu’ils m’ont appelé dans un bureau, ils m’ont demandé de raconter ce que j’avais vu. Moi, sentant le piège, j’ai tout nié : je n’ai rien vu, rien entendu, pas de bagarre, pas de pistolets, rien. Avant de partir, leur chef m’avait donné une tape amicale sur l’épaule en disant, d’un air entendu, “c’est bien jeune homme !». Ils ne sont plus revenus pour nous interroger”.

Bien évidemment, au cours de cette réunion de règlements de comptes entre redresseurs et autres factions du FLN, il n’y avait pas mort d’homme car ‘’les crocodiles ne se mangent pas entre eu” ; il y avait tellement de privilèges à partager (passe-droits innombrables, lots de terrains, appartements AADL détournés, voyages à l’étranger, cessions de maisons coloniales et d’entreprises à 1 DA symbolique, placement des enfants dans des entreprises et participations aux capitaux, prêts bancaires sans aucune obligation de remboursement, transferts de devises vers l’étranger et surfacturations systématiques des commandes de l’import-import, …). Pour tout cela, la Camorra, ou Cosa Nostra, ne se suicide pas !

C’est tout cela que le soulèvement populaire, dans toutes les régions et villes du pays depuis des mois, ne veut plus voir se reproduire.

C’est toutes ces têtes impliquées jusqu’au coup dans les divers gouvernements, les dilapidations des richesses nationales et les confiscations des libertés depuis 1962 que les Algériens ne veulent plus voir.

C’est tous les hommes de l’ombre, dont personne ne sait d’où ils viennent et où ils sont, que les Algériens ne veulent plus accepter de les voir continuer à diriger le pays, comme la mafia italienne.

C’est toute cette faune qui se bouscule aujourd’hui pour organiser des élections dites ‘’transparentes’’, les ministres-candidats comme les organisateurs-manipulateurs des listes électorales à l’insu des citoyens concernés, que les Algériens récusent et rejettent.

Pour ceux qui disent aujourd’hui que « les militaires n’ont pas de candidats maison », ils peuvent toujours le clamer, les Algériens sont des centaines de milliers à avoir passé leur service militaire, et par conséquent savent comment se passe le vote dans les casernes et comment faire passer un candidat du sérail.

Rachid s’en souvient : « c’était dans le Sud, le jour des élections dans la caserne. Le commandantt nous avait réunis sur la place d’armes et expliqué comment voter. Le soir du vote, chaque soldat devait présenter les autres bulletins de vote pour prouver qu’il ‘’a voté correctement’’, et la punition est terrible pour ceux qui n’appliquaient pas la consigne. Ensuite, il y avait une deuxième consigne pour le jour des élections au niveau national : il fallait nous habiller en civil, avec chacun 3 ou 4 cartes de vote de citoyens dans la poche, et aller voter à leur place dans les différents bureaux de vote de la ville. ».

C’est cela le vote ‘’transparent et honnête’’ du bourrage des urnes du ‘’système politique des revolvers sur la table’’  dont les Algériens ne veulent plus en entendre parler !

C’est le passage obligé «pour porter haut et fort cette prise de conscience collective et la volonté du peuple algérien de bâtir une société juste, égalitaire, fraternelle et humaine ».

Aumer U Lamara, physicien, écrivain

Notes et liens :

(1) Les prénoms ont été changés.
(2) Nous ne donnons pas le nom de cet établissement algérois. Il n’est pas responsable des pratiques maffieuses du FLN.

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