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Les Amazighs du 19 mars

Après le cessez-le-feu en Algérie le 19 mars 1962, beaucoup avaient décidé de prendre le train en marche en rejoignant pour certains l’ALN, la Force locale créée pour encadrer la période transitoire à Rocher Noir (Boumerdes), et d’autres de déserter au dernier moment les casernes de l’armée française et rejoindre les maquisards. C’était alors les plus grands champions du nationalisme… et de l’opportunisme, après la fin de la guerre de libération nationale. Il n’y avait alors plus de danger !
C’était au village à cette époque, nous étions jeunes, que nous entendions chez les adultes, l’expression, avec un ton de mépris : “imjuhad n 19 mars” (les maquisards du 19 mars).Nous ne savions pas à cette époque que ces “maquisards du 19 mars”, les DAF (déserteurs de l’armée française), et les faux maquisards allaient rejoindre l’armée de l’extérieur et prendre le pouvoir par la force quelque temps après. Qui l’aurait imaginé dans l’euphorie de l’indépendance chèrement acquise ?
L’opportunisme n’est pas l’apanage de la seule Algérie. Dans tous les pays où des événements importants avaient amené des chamboulements dans la société (libération de la France du nazisme en 1945, révolution d’octobre 1917 en Russie, victoire des mollahs en Iran en 1979,…), des planqués se sont infiltrés jusqu’à parvenir aux plus hauts postes de responsabilité, et ainsi détourner le fleuve, comme l’avait si bien écrit feu Rachid Mimouni (1).
La récente évolution positive de l’État algérien par rapport à la reconnaissance de la langue et de la culture amazighe et de yennayer, qui aurait dû se faire dès le 5 juillet 1962, semble libérer les esprits de nos concitoyens pour envisager une redéfinition de l’identité nationale sur des bases conformes à l’histoire et au vécu de nos peuples depuis des dizaines de siècles.
Certains parlent clairement de changement de paradigme, ce qui serait salutaire pour notre nation vue dans sa globalité, c’est-à-dire à l’échelle de l’Afrique du Nord.
Cependant, au lieu d’un foisonnement de débats sereins engageant la société et l’élite, l’impulsion de lieux d’échanges et de réflexions collectives pour ‘’secouer le palmier’’, nous assistons à de regrettables courses contre la montre dans cet opportunisme de positionnements égoïstes et de retournements de vestes, encouragés certainement par tous ceux qui tiennent à verrouiller et saboter cet avancée historique pour continuer de “détourner le fleuve”.
Les quelques informations relatives au projet de création de l’académie algérienne de la langue tamazight permettent de douter de l’avènement, de sitôt, de ce changement de paradigme.
Nous voyons dès à présent naître (2), se propager et se multiplier une nouvelle espèce d’Algériens : “les Amazighs du 19 mars”. Est-ce une fatalité pour notre pays de recommencer à chaque fois l’échec  ?

Aumer U Lamara, physicien, écrivain de langue tamazight

Notes :

(1) “Le Fleuve détourné”, Rachid Mimouni, roman, édition Stock 1982.
(2) On apprend que le 21 janvier dernier, un bureau national des écrivains de langue amazighe a vu le jour à Boumerdès sous la férule de l’Union nationale des écrivains, et de désigner en son sein un président qui … ne parlerait pas un traître mot de tamazight et qui n’a jamais écrit un mot en tamazight ! https://www.inumiden.com/imbroglio-politico-litteraire-a-batna/ .

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