MythologiePatrimoine

L’anneau de cheville [Ardif ou Akhelkal]

Abstract :

The Berber Ankle Bracelet or Ring

  ‘Ankle bracelets’ date back to prehistoric times and are common among many cultures. They are an important part of the Berber women’s attire. Made of silver, they are solid, heavy as if  they were active symbolical reminders to Berber women of their attachment to Mother-Earth as well as of their procreative duties in society. The term ‘ankle ring‘ appears more appropriate because ‘ankle bracelets’ are thinner and lighter.The Omega-shaped silver Berber ring ends with two snake heads. For Berbers, the snake is a symbol of fertility and rebirth.Whereas two is a figurative number for female. This type of feminine ornament corroborates the idea that Berber Art is based on two principles: a geometric code of patterns with an occasional animal representation and a tale of sexual continuity for procreation. Consequently, it raises the important role played by Berber women in their own social sphere. Knowing that the Tuaregs are still a matriarchal society, the dominant role of Berber women could be further discussed in another article.

Synopsis :

L’anneau de cheville berbère

L’usage des chevillères remonte à la Préhistoire. Elles sont d’un emploi fréquent parmi de nombreuses cultures. Elles demeurent toutefois un élément important de la parure féminine berbère. Faites d’argent massif, leur robustesse et leur lourdeur semblent rappeler symboliquement aux femmes berbères leur lien à la Terre-Mère et à leur rôle communautaire pour la procréation. Le terme d’ « anneau » paraît mieux convenir que celui de « bracelet » , qui fait allusion  à un objet plus fin et plus léger. L’anneau de cheville berbère, en argent, épouse la forme d’un oméga et a presque toujours deux embouts à tête de serpent. Pour les Berbères, le serpent est un symbole de fertilité et de régénérescence. En outre, le nombre 2 est un symbole féminin. Ainsi, ce type d’ornement féminin souligne le fait que l’art berbère se compose de deux principes : une décoration géométrique dotée parfois de l’image d’un animal, et une sorte d’invocation sexuelle de fertilisation cyclique. C’est un signe révélateur marquant l’importance du rôle joué par la femme berbère au sein de sa propre sphère sociale. En évoquant l’exemple touareg, qui a conservé le matriarcat, le rôle dominant de la femme berbère semble donc initier une réflexion,  qui pourra faire l’objet d’un autre article.

Cette parure de la gent féminine – si caractéristique de la société amazighe – interpelle quant à sa finalité. Comment expliquer son existence et son rôle parmi les Imazighen ?

Certes, on trouve la trace de bracelets ou anneaux de cheville à l’époque de la Préhistoire. C’est aussi une parure esthétique bien connue de la femme indienne. On la rencontre également chez d’autres peuplades d’Asie du Sud-Est ou d’Afrique.

Or, cet anneau de cheville est un élément important de la parure des femmes berbères d’Afrique du Nord. Dans cette région du moins, l’anneau de cheville est toujours en argent, lourd et pesant. C’est la raison pour laquelle le terme d’anneau convient mieux que celui de bracelet.

Dans l’encyclopédie berbère, voici ce qu’écrit Henriette Camps-Fabrer sur les chevillères de l’Aurès : «  Les anneaux de cheville peuvent être plus ou moins massifs ; ils sont toujours ouverts, de section circulaire et les deux extrémités affectent le plus souvent la forme d’une tête de serpent ».

Le symbole du serpent.

Il faut tout d’abord noter la lointaine origine indigène de l’anneau de cheville. À la rubrique ‘Bijoux’ de l’Encyclopédie Berbère, Henriette Camps-Fabrer écrit à ce sujet : « Dès les temps protohistoriques, en Afrique du Nord, des bracelets ou anneaux de chevilles trouvés dans les dolmens, sont ainsi décorés à leurs extrémités (Camps, 1961). Dans l’Antiquité et jusqu’à nos jours, perdure ce culte du serpent, animal à la fois vénéré et redouté. »

Illustration 1: Tête de serpent incrustée d’un symbole lunaire

Dans l’Aurès, cet anneau a le plus souvent la forme d’un serpent à deux têtes doté d’une valeur symbolique majeure faisant l’objet de cette  analyse.

Car cela le rattache à l’Antiquité égyptienne ou grecque. Devant Pharaon, Aaron (frère aîné de Moïse) transforme son bâton en serpent. Chez les Grecs, un des attributs d’Hermès, messager des dieux, est le caducée, bâton surmonté de deux ailes, appelé « sceptre du héraut », autour duquel s’enroulent deux serpents. (Il ne faut pas confondre le caducée avec le bâton d’Asclépios [Ἀσκληπιός], l’Esculape latin [Aesculapius], devenu l’emblème de la médecine). Homère précise que cet emblème fut un don d’Apollon à Hermès. Ce détail a son importance quand on observe l’association du serpent et du soleil sur les exemplaires étudiés.

On pense également à l’ouroboros, le serpent qui se mord la queue, symbole d’un cycle de perpétuel recommencement. N’oublions pas non plus le serpent de l’arbre de la Connaissance dans la Genèse qui s’interpose comme un troisième protagoniste entre Adam et Ève. Chez les Aztèques du Mexique, le dieu Quetzalcóatl, n’était autre qu’un « serpent à plumes ». C’est d’ailleurs le titre d’un roman célèbre de D.H. Lawrence (‘The Plumed Serpent‘). Or, le serpent est un être ambivalent; il suscite la peur, le bien et le mal. La fonction première du caducée d’Hermès est la guérison des morsures de serpent.
Le dragon asiatique n’est autre qu’un gigantesque serpent dont on craint l’aspect effrayant mais qui suscite l’admiration et la bienveillance jusqu’à devenir protection divine. C’était d’ailleurs le symbole des empereurs de l’empire du Milieu. En Asie du Sud-Est, particulièrement au Cambodge, au Laos et en Thaïlande, le Naga est un serpent mythique sorti des eaux du Mékong. Il est souvent représenté à l’entrée d’un temple comme un gardien divin éloignant les mauvais esprits. En Chine, comme au Vietnam ou en Thaïlande, il existe un alcool à l’intérieur duquel se trouve un serpent au pouvoir fertilisant bénéfique.

 Ce tour d’horizon sociologique révèle que la figuration du serpent peut être soit unique, comme pour le bâton d’Esculape, soit double, comme pour le caducée d’Hermès. Symbole du Bien et du Mal, il est tantôt perçu comme maléfique (Genèse), tantôt bénéfique (le cobra royal protégeant la tête de Bouddha).

Sur un plan purement symbolique le nombre 1 est le premier nombre, point de départ, principe créateur mâle. Il représente l’aleph [א], première lettre de l’alphabet hébreu, l’alef  phénicien [<], comme l’alpha grec [α] ou l’alif arabe [ﺍ ]. Cette même lettre A est aussi celle du premier homme, Adam.

 Le chiffre 2 pair est féminin. Il s’ajoute au nombre masculin 1 qui ne peut créer seul. Il reflète le mouvement de la Nature, image lunaire de la croissance et de la décroissance. Linguistiquement, c’est la lettre beth [ב ], deuxième lettre de l’alphabet hébreu, le béta grec [β] ou le ba [ﺏ.] arabe. Étymologiquement, Bethléem [béth lehem] en Hébreu signifie la « maison du pain » [בית לחם]. On perçoit ici les arcanes des livres saints peuplés d’une sorte de trilogie terrestre composée de Joseph, Marie et du Christ et d’où dérivent deux autres images : celles de la maison et du pain.

Cette apparente digression souligne l’importance du message symbolique sous-jacent légué par les Anciens et qu’il convient aujourd’hui de déchiffrer selon les critères structuralistes de l’ethnologue Claude Lévi-Strauss ou du linguiste Georges Dumézil.

Le serpent à deux têtes.

Chez les Berbères, il garde avant tout une valeur symbolique de fertilité. L’anneau de cheville des femmes berbères est composé d’un cercle ouvert à deux têtes de serpent. Un cycle continu de fertilité porteur du nombre pair 2 féminin, contribuant au cycle terrestre d’une procréation cosmique éternelle. Si la femme berbère porte ce lourd anneau d’argent à la cheville, c’est pour lui rappeler son attachement à la terre-nourricière et à sa mission procréatrice cyclique, tout cela dans une optique universelle. Ses deux chevilles deviennent alors les deux piliers élémentaires de la survie de la communauté sociale. En parlant des « têtes de serpent » de Kabylie, Jean Servier dit  ceci : « le serpent est le symbole de la résurrection et de la fécondité venue des morts. [1]»

Cette parure chaouie n’a pas la même valeur symbolique que celle de l’ouroboros, désignant le cycle de l’éternel recommencement. De toute évidence, il s’agit d’un particularisme adapté au monde amazigh.
Bien que né en Arcadie, le dieu Hermès [Ἑρμῆς] est le fils de Zeus et de Maïa, fille du Titan Atlas. Parmi ses nombreux attributs, il est le dieu des Voyageurs et des Commerçants. Dans la mythologie grecque, ce serait Apollon, dieu du Soleil, qui aurait fait don du caducée à Hermès. Le caducée [κηρύκειον / kerukeion, bâton du héraut] représente principalement une baguette de laurier ou d’olivier autour de laquelle il y a deux serpents entrelacés se faisant face. Tout cela interpelle quand on étudie de plus près les contacts entre les Grecs et les Berbères dans l’Antiquité[2].

 Sur un plan plus symbolique, le serpent représente la fertilité. Il est toujours associé au soleil. Ce dernier élément est crucial car sans la chaleur du soleil, le serpent ne peut survivre.
Les deux serpents qui se font face représentent aussi la stabilité entre les opposés complémentaires : mâle-femelle, soleil-lune, jour-nuit, ciel-terre, ou encore le yin (principe féminin) et le yang chinois (principe masculin).

En appliquant tout cela à l’anneau de cheville, on comprend donc l’importance que cette parure peut avoir. L’ardif a une valeur prophylactique pour la fertilité féminine. Il se porte en paire (symbole du chiffre 2) et, placé aux chevilles, il est en contact direct avec la Terre-Mère (Gaïa, pour les Grecs).
La fonction de l’anneau de cheville est comparable à celle du caducée où les deux serpents enroulés autour du bâton représentent l’ondulation du temps autour de l’axe vertical liant le ciel à la terre.

Exemples de chevillières aurésiennes

Illustration 2: Anneau de cheville en argent (diamètre 11cm) © coll.privée M.Cliquet

Sur cette illustration, on distingue clairement l’effigie du serpent, symbole berbère de fertilité. Il rappelle d’une certaine manière l’effigie de l’ouroboros grec (le serpent se mordant la queue) représentant le cycle de continuité d’éternel retour.

Illustration 3: chevillère (diamètre 10cm), © coll.privée M.Cliquet

Cette seconde illustration révèle une tête de serpent stylisée, incrustée d’un emblème solaire.
Ces deux chevillières [Akhelkhal ou ardif] proviennent de la région de Ghoufi et datent probablement de la fin du XIXe ou du début du XXe siècle.
On constate qu’il existe deux types d’embouts : soit une tête de serpent, soit une effigie cubique stylisant une tête de serpent. Ceci implique donc les remarques descriptives suivantes :

  1. L’anneau ouvert a une fonction pratique qui est celle de pouvoir enfiler la parure autour de la cheville. Sa forme circulaire est une figuration symbolique cosmique.
  2. L’Akhelkhal se porte par paire : un autour de chaque cheville.
  3. Il se termine par deux têtes de serpent. Outre le symbole reptilien, il est porteur du nombre pair 2, représentation féminine. Si on l’ajoute à la paire, on obtient alors le nombre 4, image du carré terrestre, confirmé par l’aspect cubique de l’illustration 3.
  4. Relativement simple dans sa conception, l’anneau de cheville est incrusté de deux types de figurations : soit un symbole écaillé en forme de croissant lunaire, soit une roue solaire. Or la Lune est féminine et le Soleil est masculin, selon le genre en français. Dans la mythologie grecque, Artémis [Ἄρτεμις] n’est pas seulement la déesse de la chasse, mais aussi celle de la lune et des accouchements. Apollon [Ἀπόλλων] est le dieu du Soleil et de la Lumière.

La somme de ces différents symboles fait bien état d’une notion de fertilité en rapport avec la femme amazighe. On peut d’ailleurs rappeler que l’argent, au contraire de l’or, est un symbole lunaire. Dans la mythologie grecque, Artémis, déesse de la chasse et des accouchements, était associée à la lune (mot féminin en français), tandis qu’Apollon était le dieu du Soleil (mot masculin).

À la différence de l’ouroboros grec, toutefois d’origine égyptienne, l’anneau de cheville n’est pas une représentation du cycle cosmique de l’éternel recommencement. L’ouroboros [οὐροβόρος] est un cercle fermé d’UN serpent se mordant la queue. L’ardif est un anneau ouvert portant DEUX têtes de serpent se faisant face. Il est probable qu’il s’agisse là  d’un particularisme amazigh.
Malgré tout, ces interprétations symboliques nécessitent d’être étayées par de plus amples considérations, liées aux éléments sociologiques de la symbolique universelle.

La symbolique du nombre.
En étudiant de plus près l’image nº3, on s’aperçoit qu’il y a deux graphismes distincts sur le corps du serpent. Il y a tout d’abord trois sections ‘écaillées’ rappelant la peau du serpent, et donc porteuses du nombre impair 3, l’élément de l’accompli. On distingue également deux sections lisses, porteuses du nombre pair 2, élément féminin. En les additionnant, on obtient le nombre impair 5. Ce fait, en apparence anodin, est malgré tout intéressant. En citant à nouveau Jean Servier, voici le commentaire qu’il fait en décrivant une broche ronde de Kabylie (appelée ‘tabzimt‘), ayant cinq cabochons de corail, lesquels « en font un talisman protecteur – par la vertu du nombre cinq – et de neuf pendentifs qui portent en Kabylie le nom significatif de « aqarru buzrem » – les têtes de serpent – [3]»

La forme concentrique.
Les liens historiques et symboliques convergent alors pour expliquer la fonction de cet anneau. La courbure en oméga [ Ω ] rappelle sa fonction céleste. Le parallèle avec l’agrafe des fibules traditionnelles (dites en oméga) appuie cette assomption. Les embouts à têtes de serpent dénotent le cycle du recommencement. Notons au passage qu’ils ont une forme cubique, sachant que le carré – porteur du chiffre 4 – est un symbole terrestre. Le chiffre 2, nous l’avons vu, est une représentation du principe féminin. Par ailleurs le serpent est également un principe mâle de fécondité dans les civilisations méditerranéennes. Dans son ouvrage sur la symbolique des tapis berbères du Maroc, Bruno Barbatti explique que « le serpent joue un rôle important dans la symbolique mâle des tapis berbères. La signification phallique du serpent se retrouve partout dans le bassin méditerranéen et l’Orient. C’est le seul animal que l’on retrouve dans le tapis berbère porteur d’un message symbolique. »[4] . La citation de Jean Servier faite précédemment prend alors toute sa signification. Cet anneau a une valeur quasi talismanique. En le portant à la cheville juste au-dessus de son pied nu, la femme berbère communique en permanence, non seulement avec la Terre-nourricière mais aussi avec le Monde d’en bas, celui des morts. La femme devient alors l’image vivante d’une promesse de résurrection. Elle fait figure de pilier la liant au Monde d’en haut, celui du divin. Il s’agit là d’une figuration charnelle de l’axe perpendiculaire du symbole de la croix, liant le Ciel à la Terre. Le signe Z de l’alphabet tifinagh [ⵣ] est d’ailleurs une représentation symbolique supplémentaire de ce que l’on vient de décrire. Il est au cœur du mot : A-M-A-Z-I-G-H (ⴰⵎⴰⵣⵉⵖ, nom singulier que se donnent les Berbères – pl. ⵉⵎⴰⵣⵉⵖⴻⵏ /Imazighen) – et que l’on traduit par ‘homme libre‘).

Le parallèle avec la grande boucle d’oreille

Illustration 4: Boucle d’oreille des Aurès (XIXe siècle): argent (80gr), diamètre intérieur (8cm) © quintessences.unblog.fr

 

Il semble utile à ce stade de souligner l’existence d’un parallèle sous-jacent entre l’anneau de cheville et la grande boucle d’oreille. Ce second élément de la parure féminine aurésienne fera l’objet d’une étude séparée, étant donné sa valeur intrinsèque.

  1. La première remarque porte sur la similarité de leur forme circulaire, appartenant au cycle cosmique.
  2. La deuxième concerne l’opposition triangulaire : la virilité/masculinité (pointe tournée vers le haut) et la fécondité/féminité (pointe tournée vers le bas).
  3. Or, sur le modèle choisi ici, la forme du triangle extérieur rappelle étrangement le signe de Tanit[5], autre symbole de fécondité.
  4. Cet ensemble, que l’on a coutume de qualifier en ‘dents de scie’, évoque l’image des rayons du soleil. Il s’agit donc d’un rappel à l’ordre cosmique déjà évoqué.
  5. Certains spécimens de boucles d’oreilles ont parfois une tête de serpent stylisée pour servir de fermoir.

On constate alors que l’ensemble de ces descriptions convergent vers le même message symbolique d’une fécondité cosmique : le soleil, l’opposition des sexes, le serpent, voire la déesse de la fécondité Tanit.
Enfin, il faudrait replacer la position de chacune de ces deux parures féminines sur le corps féminin. L’une est située sur le lobe de l’oreille (la tête), donc tournée vers le haut, c’est à dire vers la voûte céleste (moitié supérieure du cercle cosmique). L’autre est mise aux pieds, directement en contact avec la terre nourricière (moitié inférieure du même cercle cosmique). Ajoutons à cela que certaines incisions observées sur d’autres exemplaires de l’anneau de pied révèlent en parallèle à l’image du soleil, celle d’un croissant lunaire.
On se trouve donc en présence d’une représentation de dualité procréatrice : soleil/ lune, homme/ femme, triangle droit/ triangle inversé, feu/ eau. Or, le serpent symbolise à lui seul toutes ces images[6]. La boucle d’oreille serait alors une représentation de l’ouroboros égyptien et grec, alors que l’anneau de cheville figurerait plutôt le caducée d’Hermès. Les deux têtes de serpents qui s’opposent et se font face représentent la stabilité, la permanence d’un cycle de procréation cosmique perpétuant la pérennité des espèces.
À ce sujet, on pourrait rattacher cela à la valeur symbolique identitaire du Tifinagh ⵣ, (le Z amazigh) situé au centre du mot [ⴰⵎⴰⵣⵉⵖ]. Ce signe fera lui aussi l’objet d’une analyse séparée.
En tout état de cause, la boucle d’oreille et l’anneau de cheville placent la femme amazighe dans un axe cosmique dont elle représente l’image vivante. Ainsi parée littéralement de la tête aux pieds, la féminité berbère reflète la conception du mystère cosmique de la procréation. Ce trait est vraisemblablement à l’origine du matriarcat berbère, de règle chez les Touareg. Or, il est probable que le subconscient culturel ait conservé, dans une certaine mesure, cette conception matriarcale. L’Aurès n’a-t-elle pas conservé cette croyance sous les traits du mythe de Dihya ?
L‘art des sociétés berbères se caractérise par ses formes géométriques codées[7] et par  la permanence d’une symbolique de la procréation[8] dont bien évidemment la femme en est le pilier central.
L’importance de son rôle au sein de la société amazighe se révèle par la symbolique de ses parures d’argent. Le régime matriarcal, de règle chez les Touareg (pluriel du mot Targui), en est une illustration contemporaine. Historiquement, le  mythe de ‘la Kahéna’, reine berbère de l’Aurès à l’arrivée des troupes arabes au VIIe siècle de notre ère, confirme ce rôle. Pour illustrer cette idée de manière plus actuelle, que dire de l’écrivaine algérienne, Assia Djebar (née Fatima-Zohra Imalayen, 1936-2015), femme berbère du Chénoua (région de Cherchell), féministe, romancière et cinéaste, élue à l’Académie française en 2005 ? Ou bien de Gisèle Halimi, célèbre juriste d’origine tunisienne, qui justement a écrit sur ‘La Kahina[9] par identification ? En évoquant son père, Gisèle Halimi dit à propos de Dihya : « La Kahina était-elle son ancêtre ? Peut-être. L’ai-je aimée en la faisant revivre. Oui. Passionnément ».
Force est de constater que la femme berbère est bien loin de correspondre au cliché que l’on peut avoir des femmes dans les sociétés musulmanes.  Une nouvelle fois, ce trait culturel ancestral divulgue le rôle de la femme au sein des sociétés berbérophones. Ceci ouvre alors une page sur un volet qui serait consacré à la femme amazighe. Une perspective qui renverse bien des préjugés établis.

 

Christian Sorand

Bangkok – mars 2013, entièrement repris en 2017.

BIBLIOGRAPHIE :

BARBATTI, Bruno – ‘Berber Carpets of Morocco‘,

BENOUNICHE, Farida – ‘Bijoux et parures d’Algérie‘, Collection « Art et Culture », https://www.inumiden.com/les-bijoux-berberes-de-lalgerie/

CAMPS-FABER, Henriette – H. Camps-Fabrer, « Bijoux », in Gabriel Camps (dir.), 10 | Beni Isguen – Bouzeis, Aix-en-Provence, Edisud,(« Volumes », no 10) , décembre 1991 [En ligne], mis en ligne le 01 mars 2013, consulté le 02 février 2017. URL : http://encyclopedieberbere.revues.org/1758

HALIMI, Gisèle – La Kahina, Pocket, 2009, ISBN : 226617407X

SERVIER, Jean – ‘Tradition et Civilisation Berbères‘,

SORAND, ChristianLe Signe de Tanit, https://www.inumiden.com/signe-de-tanit/

             – Grecs et Libyques, https://www.inumiden.com/grecs-libyques-nature-bivalente-contacts-de-haute-antiquite/

[1]     ‘Tradition et Civilisation Berbères‘, de Jean Servier, p.281.

[2]     ‘Grecs et Libyques’, Christian Sorand, https://www.inumiden.com/grecs-libyques-nature-bivalente-contacts-de-haute-antiquite/

[3]     – idem.

[4]     ‘Berber Carpets of Morocco’, par Bruno Barbatti, p.22.

[5]     ‘Le Signe de Tanit’, par Christian Sorand, https://www.inumiden.com/signe-de-tanit/

[6]     Le symbole du serpent, par Yves-Albert Dauge : http://www.revue3emillenaire.com/blog/les-clefs-des-symboles-le-serpent-par-yves-albert-dauge/

[7]     http://kabylieaucoeur.over-blog.com/article-signification-des-signes-berberes-63853638.html

[8]     ‘Berber Carpets of Morocco’, par Bruno Barbatti, http://books.google.co.th/books?id=f_5SiwJHt48C&pg=PA21&lpg=PA21&dq=symbolic+of+lozenge&source=bl&ots=v_DBhsSEso&sig=KtfLZhJ-Y4zfGaP3Xa0B9G4fraA&hl=en&sa=X&ei=jKIVUYjqNMq4rAeBl4H4Dw&sqi=2&ved=0CFwQ6AEwBQ#v=onepage&q=symbolic%20of%20lozenge&f=false

[9]     Gisèle Halimi : La Kahina, Pocket, 2009, ISBN : 226617407X

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